Le Presbytère d'Irodouër

À la découverte du plus haut bâtiment en bauge de Bretagne

Introduction

Plus haut bâtiment en bauge de Bretagne, le presbytère de la commune d'Irodouër a été édifié probablement dans la seconde moitié du XIX e  siècle. Au cœur des activités paroissiales, il était aussi le lieu de vie du recteur ou curé de la paroisse. La fonction de bâtiment est resté la même depuis sa construction jusqu'en 2009. Inoccupé depuis, des travaux de réhabilitation sont nécessaires pour lui permettre de vivre une nouvelle vie.

À travers cette exposition, Tiez Breiz propose aux habitants et aux curieux de découvrir ce presbytère qui conserve encore quelques secrets. Au programme : une lecture du bâtiment, une présentation de la technique de la bauge, un rappel de la fonction du presbytère et une description des espaces extérieurs.

Croquis numérique de la façade Nord du presbytère

Carte de la localisation d'Irodouër et du presbytère


Lecture du Bâtiment

Bâtiment unique en son genre, le Presbytère d’Irodouër est une immense structure constituée d’un édifice principal à 3 étages aménagés et de deux ailes à un étage.

Le bâtiment central et les deux ailes ne sont pas harpées (il n'y a pas de liaisons entre les murs du bâtiment principal et ceux des ailes) indiquant que ces dernières ont été édifiées dans une seconde phase.

L'imposante hauteur du presbytère est surprenante pour un bâtiment de ce type, d'autant plus que sa technique constructive est la bauge. Ce béton de terre crue, mélange de terre, de fibres végétales et d'eau est une technique particulièrement laborieuse à mettre en œuvre.

Atteindre une telle hauteur a dû nécessiter de faire appel à une main d’œuvre nombreuse et le savoir-faire des meilleurs maçons de l'époque. Cette mobilisation s'est probablement étalée dans le temps compte-tenu du temps de séchage entre chaque levée de terre.

Cet énorme bâtiment renferme encore bien des mystères, notamment sur sa construction.

Les sources historiques dont nous disposons n'ont pas permis de dater précisément la construction ni d'en déterminer les acteurs.

Toutefois, compte-tenu du contexte historique et de certaines sources à notre disposition, nous pouvons avancer l'hypothèse d'une édification dans la seconde moitié du XIX e  siècle.

Durant la seconde moitié du XIX e  siècle, on observe en Bretagne une volonté d’appuyer la puissance du sacerdoce dans les communes à travers les presbytères. Ainsi, on voit émerger des bâtiments plus imposants et ouvragés, richement décorés, allant jusqu'à rappeler fortement des demeures de notables plutôt que des presbytères.

Par ailleurs, d'après "Le patrimoine des communes d'Ille & Vilaine", Flohic Éditions, ouvrage de référence répertoriant le patrimoine bâti, il aurait été édifié en 1860. Le maître d'œuvre serait Alexis Commereuc, un artisan local qui aurait déjà réalisé quelques ouvrages à Irodouër comme le maître-autel de l’église Saint-Pierre. Le recteur en place cette année là est François Gougeon. Il officie de 1860 à 1870. On peut supposer que le commanditaire du projet serait donc son prédécesseur.


Technique de la bauge

La bauge est une technique de construction caractéristique de la Région du bassin rennais.

En règle générale, on utilise la terre crue comme matériau principal dans les régions où les autres matériaux de construction sont rares.

Dans le Bassin rennais, le sous-sol est composé principalement de schistes briovériens qui ne sont pas exploitables pour la construction. Leur dégradation lente génère des sols argilo-limoneux qui conviennent parfaitement à la construction en bauge.

La terre argileuse est mélangée à des fibres végétales et de l’eau jusqu’à l'obtention d'une matière souple et plastique, la bauge.

Ce type de mélange a l'avantage d'être relativement facile à manipuler en raison de sa consistance et d'assurer, grâce aux fibres qui servent d’armements, une grande résistance une fois sec.

Ce béton naturel, une fois préparé, est disposé en motte sur un solin préalablement construit. Le solin est un mur de soubassement en pierre qui permet de protéger la bauge du ruissellement et des remontées capillaires. La hauteur préconisée se situe entre 50 cm et un mètre environ.

Après avoir levé les murs à la hauteur désirée et pris en compte les ouvertures (portes et fenêtres), on les laisse sécher suffisamment pour pouvoir ensuite découper au paroir (une sorte de pelle plate) les excédents de bauge, afin que le mur soit bien vertical.

Cependant, même si la technique de construction reste simple, elle fait face à certaines contraintes. L’une des plus handicapantes est liée au temps, car il faut compter entre six mois et deux ans pour réaliser un édifice en fonction de sa taille et du nombre de personnes impliquées dans la réalisation.

En effet, d'une hauteur entre 50 et 80 centimètres, une levée de terre nécessite trois semaines de séchage avant de recevoir une nouvelle levée. De plus, en raison des caractéristiques physiques du matériau, il est proscrit de travailler la terre en hiver.

Technique plébiscitée durant la seconde moitié du XIX e  siècle, la bauge a connu un grand succès auprès de la bourgeoisie du bassin rennais.

En parallèle, ce matériau était plutôt considéré comme une technique rustique dans les autres régions. La raison de ce succès, semble-t-il, est que la bauge permet d'obtenir un bâti original et reste peu coûteuse.

Vidéo sur la bauge

Réalisation pratique d'un mur en bauge


Fonction du presbytère

L'objectif principal d’un presbytère est de servir de résidence au recteur (curé ou abbé) et ses vicaires durant l'exercice de leurs fonctions.

Des membres de la famille du recteur pouvaient également y être logés. Des domestiques étaient également compris parmi les habitants du presbytère, comme l'atteste le recensement ci-après.

Nous disposons aussi d’autres documents qui montrent des cas de colocations avec des personnes non-affiliées au recteur, comme un instituteur.

Au début du XIX e  siècle, de nombreux presbytères en Bretagne sont dans des états de délabrements sévères.

Cette situation qui semble englober toute la Bretagne va mener à un mouvement d’édification de nouveaux presbytères.

Proche des églises, ils marquent les paroisses de la puissance sacerdotale et de l’intérêt qu’accordait la communauté au clergé.

Ainsi on observe l'émergence de bâtiments imposants se rapprochant davantage des demeures de notables avec d’immenses jardins exotiques, à l’instar de celui d’Irodouër. Sa construction en bauge recouverte d'un enduit vient appuyer cet aspect prestigieux clairement recherché.


Espaces et mobiliers extérieurs

Le jardin du presbytère est clos par un remarquable mur en bauge. On peut noter que les murs sud et ouest diffèrent quelque peu l'un de l'autre.

Le mur sud se caractérise par une toiture mono-pente dirigée vers l'extérieur, des planches venant habiller les interstices entre les chevrons et un soubassement relativement petit. Le mur ouest, lui, est bâti d'une façon assez similaire, mais possède une toiture à double pente et un soubassement plus haut que l'autre mur.

Cependant, il nous est difficile de dire s'il y a une raison ou une explication à cette spécificité dans la réalisation du mur d'enceinte.

En ce qui concerne le jardin, un morceau de la parcelle fut donné par une paroissienne à l’église. Il a d'ailleurs accueilli des plantes exotiques tel que des palmiers et une serre qui devait probablement contenir d’autres espèces rares.

Au XIX e  siècle, l'Orient fascine les Européens. Aussi, on voit la naissance de nombreux jardins exotiques, soutenus notamment par la construction de serres dédiées à l'entretien de plantes qui nécessitent des conditions de vie particulières.

La construction de serre est un véritable effet de mode auprès de la bourgeoisie. Ces structures leurs permettent de pouvoir déguster des fruits exotiques et les érudits locaux se lancent dans des sélections d'espèces et les croisent pour en obtenir de nouvelles.

Une autre merveille présente sur le terrain, est le garde-manger extérieur datant aussi de cette époque.

Ancêtre du réfrigérateur, il servait à maintenir des aliments au frais en étant placé dans un endroit abrité et à l’ombre, mais aussi de protéger la nourriture des rongeurs grâce notamment à la corniche en surplomb et autres insectes grâce à un grillage qui ne laisse passer que l’air.


Galerie de photos

Photo du hall d'entrée et de l'escalier

Rez-de-chaussée

Photo des boiseries du passage menant au salon étoile

Rez-de-chaussée

Photo du Grand Salon

Rez-de-chaussée

Photo de la grande salle dite aux fleurs rouges

1er étage

Photo de la Grande salle Est dite à rayures

2ème étage

Photo de la petite salle Ouest dite aux losanges et tulipes

2ème étage

Photo de la Grande salle Est dite aux fleurs vertes

3ème étage

Photo du palier et de l'escalier

2ème étage

Photo du grenier de l'aile Ouest

2ème étage

Photo du grenier de l'aile Est

1er étage

Photo de la salle de musique

Rez-de-chaussée

Photo d'un des reliefs en staff du Salon étoile

Rez-de-chaussée

Photo de la Grande salle Ouest dite aux bouquets de fleurs

1er étage

Photo détaillée du mur d'enceinte en bauge

Photo en plan large du mur d'enceinte

Photo de la serre envahie par la végétation

Photo de la façade Nord du presbytère

Photo du garde-manger et de la façade Sud du presbytère

Photo aérienne (en plongée) du presbytère

Photo aérienne de la toiture du presbytère

N°1

Photo aérienne de la toiture du presbytère

N°2

Photo aérienne de la toiture du presbytère (cheminée)

N°3

Photo aérienne de la toiture du presbytère (fenêtre)

N°4

Photo aérienne de la toiture du presbytère

N°5

Photo aérienne de la toiture du presbytère

N°6


Comparaison du presbytère entre le début 20ème siècle et 2022

Réalisation et rédaction

Arthur DECLEY et Anaïs BOUTROLLE

Tiez Breiz

2022

Croquis numérique de la façade Nord du presbytère

Comparaison du presbytère entre le début 20ème siècle et 2022