De nombreuses méthodes existent pour évaluer les services écosystémiques (Legesse et al., 2022), mais ici, nous nous intéressons particulièrement à celles qui impliquent une représentation visuelle grâce à la cartographie. Ainsi, ces dernières années, plusieurs études ont fait affaire à la télédétection pour évaluer divers SE, car cette technologie contribue à accéder à des grandes étendues, dont le travail de terrain peut être complexe, tant en termes d’accessibilité, que de temps et de coûts, et permet d’avoir accès à des données presque en temps réel (Ayanu et al., 2012).
Figure 1. Liens entre les services écosystémiques et le bien-être humain
Ainsi, ces différents SE contribuent de manière diverse au bien-être des humains et à leur survie en leur apportant de la sécurité, des matières premières, la santé et en contribuant aux bonnes relations sociales (Fig. 1).
Ainsi, différentes méthodes existent pour évaluer les différentes valeurs faisant partie du VET.
Echelle mondiale
- Stratégie Biodiversité Suisse et plan d'action
- Projet ValPar.CH : analyser la valeur et le bénéfice des infrastructures écologiques dans des parcs suisses
le processus de détection et de surveillance des caractéristiques physiques d’une zone en mesurant son rayonnement réfléchi et émis à distances (généralement à partir d’un satellite ou d’un avion). Des caméras spéciales recueillent les images de télédétection, qui aident les chercheurs à « sentir » des choses sur la Terre »
Diverses études ont appliqué la télédétection pour l’analyse et l’évaluation des SE. D’après Araujo Barbosa et al. (2015), la télédétection risque de prendre de plus en plus d’ampleur pour l’évaluation et le suivi des SE. En effet, elle a la capacité de fournir des observations de l’ensemble de la Terre à différentes résolutions spatiales et temporelles qui permettent d’observer des phénomènes divers et variés comme nous l’avons vu précédemment. L’évolution constante de la technologie est aussi un point en faveur de l’utilisation de la télédétection dans le domaine des SE (de Araujo Barbosa et al., 2015). Ainsi, la cartographie et le suivi des SE à différentes échelles est nécessaire pour évaluer leurs réponses aux changements globaux, tels que le changement dans la couverture du sol (Ayanu et al., 2012).
𝑁𝐷𝑉𝐼 = (𝑃𝐼𝑅−𝑅)/(𝑃𝐼𝑅+𝑅)
Les données du NDVI ont été tirées des capteurs MODIS, pour ainsi pouvoir calculer le ESPI, définit comme suit :
𝑁𝐷𝑉𝐼 𝐶𝑉 = 𝑁𝐷𝑉𝐼 𝜎 / 𝑁𝐷𝑉𝐼 𝑚𝑒𝑎𝑛
Le but de mon mémoire de master est d’évaluer comment des SE estimés à travers des mesures directes ou en utilisant des fonctions de production mécanique, peuvent être décrits à travers des attributs fonctionnels des écosystèmes qui sont dérivés de la télédétection : grâce à la moyenne annuelle du NDVI et à son coefficient de variation intra-annuel (Paruelo et al, 2016 ; Jullian et al. 2021). A l’aide d’un indice regroupant les deux attributs fonctionnels des écosystèmes, les tendances temporelles de la provision de SE pourront être cartographiés pour les données et la zone sélectionnées. L’analyse a été réalisé dans le cadre du Grand Genève, pour la période de 2017 à 2023.
Sous-questions
Figure 3. Méthodologie utilisée dans le cadre du mémoire de master
Zone et période d'étude
Les indicateurs de SE utilisés dans le cadre de mon mémoire de master sont ceux disponibles dans le Rapport de l’Infrastructure Ecologique du Grand Genève (Sanguet et al., 2023). Malgré le fait que certaines couches produites pour déterminer l’IE ne sont pas considérées comme des indicateurs de SE, elles seront utilisées pour mon analyse comme tels, du fait que d’autres études les ont déjà considérés comme des indicateurs de SE. Etant consciente de l’importance environnementale, sociale et économique de toutes les couches produites pour déterminer l’IE du Grand Genève, je ne vais en utiliser que sept : quatre couches du pilier « Services écosystémiques » et une couche pour chacun des trois autres piliers. Voici les couches sélectionnées (une description plus approfondie de la méthodologie utilisée pour déterminer les différentes composantes de l’IE du Grand Genève est disponible dans le rapport technique (Sanguet et al., 2023)) :
Indicateur de service écosystémique | Description |
---|---|
Naturalité (pilier structure) | La naturalité se rapporte à la « qualité écologique des différentes classes de couverture du sol » (Sanguet et al., 2023, p.21). De cette façon, les milieux affectés par l’Homme auront une naturalité basse, tandis que les milieux les moins affectés par les humains, auront une naturalité élevée. La méthodologie utilisée pour déterminer la naturalité du Grand Genève a été d’associer une valeur de naturalité à chaque classe de couverture du sol (Sanguet et al., 2023). |
Richesse floristique (pilier composition) | La richesse floristique est une manière de mesurer la biodiversité (Guinaudeau et al., 2020). Dans ce cas, cela correspond aux espèces de plantes qui ont été modélisées dans le cadre du pilier composition pour déterminer l’IE du Grand Genève. Ainsi, à part la couche utilisée dans le cadre de ce travail, 1.816 cartes de distributions des espèces végétales ont été créées pour déterminer l’IE. Pour réaliser la modélisation de la distribution, des observations de terrain et des variables explicatives, telles que les précipitations annuelles, ont été utilisées (Sanguet et al., 2023). |
Surfaces en faveur des pollinisateurs (pilier SE) | Les insectes pollinisateurs sont essentiels pour assurer la pollinisation des cultures. Pour assurer la continuité de ces espèces, il est primordial de conserver les milieux naturels qui leur sont favorables (Sanguet et al., 2023). Un indice d’abondance pour chaque pixel du territoire a été créé grâce à une liste de vingt espèces communes d’abeilles du Grand Genève et aux connaissances disponibles sur leur mode de vie (Sanguet et al., 2023). |
Stockage de carbone atmosphérique (pilier SE) | L’importante concentration de dioxyde de carbone (CO2) est la principale cause du changement climatique de nos jours. Néanmoins, le CO2 atmosphérique peut être réduit grâce à des solutions naturelles. En effet, les milieux naturels tels que les forêts et les prairies sont capables de stocker ce carbone atmosphérique et donc de réduire les émissions (Sanguet et al., 2023). La modélisation du stockage de carbone est faite en affectant une valeur de stockage à chaque catégorie d’habitat. Par la suite, cette valeur est cartographiée grâce au logiciel InVEST (Sanguet et al., 2023). |
Régulation du microclimat et de la qualité de l'air (pilier SE) | La surface foliaire permet d’estimer la capacité des milieux à filtrer l’air, à réguler le climat local et à réduire les effets du changement climatique grâce à la création de microclimats locaux. Le NDVI, calculé grâce aux données des images satellitaires, permet de mesurer la surface foliaire des milieux, en appliquant le Leaf Area Index (LAI) (Sanguet, et al., 2023). |
Régulation de la qualité de l'eau (pilier SE) | Le surplus de nutriments, principalement lié aux engrais et aux pesticides qui coulent dans les cours d’eau, peuvent provoquer des problèmes tels que l’eutrophisation des mares. Un des moyens de faire face à cette difficulté est de préserver et recréer les milieux naturels qui retiennent les nutriments. Le logiciel InVEST est utilisé pour déterminer les milieux de rétention effectifs grâce à différentes variables (p. ex., topographie) qui sont utilisées dans le modèle (Sanguet et al., 2023). |
Zones de contrainte du cerf (pilier connectivité) | Les zones de contrainte sont les zones du territoire par lesquelles les animaux doivent passer pour se déplacer entre leurs différents habitats. La conservation de ces corridors est essentielle pour assurer une connectivité du territoire dans les zones de passage des espèces. La méthode pour identifier les zones de contrainte se base sur la théorie des circuits (Sanguet et al., 2023). Les zones de contraintes de trois espèces ont été cartographiées, mais dans le cadre de ce travail, uniquement la carte du cerf a été utilisée. |
Tableau 1. Indicateurs de Services Ecosystémiques sélectionnés
Ensuite, le NDVI a été calculé pour chacune des images Sentinel-2 et Landsat-8 grâce à l'outil Raster Calculator de ArcGIS Pro et en appliquant la formule:
𝐸𝑆𝑃𝐼 𝑛𝑜𝑟𝑚 =(𝐸𝑆𝑃𝐼−𝑚𝑖𝑛)/(𝑚𝑎𝑥−𝑚𝑖𝑛)
Analyses de régression: modèles additifs généralisés
Analyses complémentaires
Résultats
Les modèles établis avec le ESPI Landsat-8 (25m) présentent une faible capacité à expliquer la variabilité des indicateurs de SE sélectionnés, comme en témoigne une déviance expliquée souvent proche de 0% et dans tous les cas, inférieure à 6%.
Modèles calculés sur les points situés sur des zones vertes
- Tout d’abord, les trois modèles qui contiennent les déviances expliquées les plus élevées sont les mêmes dans les deux jeux d’analyses. Toutefois, les pourcentages sont plus faibles pour les modèles où uniquement les points sur des zones vertes ont été analysés. Cette tendance est assez présente dans l’ensemble des modèles recalculés. Par exemple, sur les 2.000 points échantillonnés, le ESPI Sentinel-2 (25m) explique 8,8% de la variation des zones de contrainte du cerf (Tableau 2), alors que sur le même modèle, calculé uniquement avec les 1.629 points, ce pourcentage est de 4,08% (Tableau 3).
- Ensuite, comme dans la première série d’analyses, les modèles ajustés avec le ESPI Lansat-8 (25m) affichent les résultats les plus faibles en termes de capacité de l’indice à décrire la variation des indicateurs de SE (Tableau 3). Néanmoins, la déviance expliquée a augmenté de quelques points pour les modèles des indicateurs de naturalité (3,6%), de régulation de la qualité de l’eau (1,94%) et des surfaces en faveur des pollinisateurs (8,03%) avec le ESPI Landsat-8 (25m), calculés sur les points situés dans des zones naturelles ou forestières, agricoles ou viticoles et de verdures (Tableau 3).
- Finalement, les modèles calculés pour les surfaces en faveur des pollinisateurs sur les points situés dans les zones vertes, disposent de résultats plus élevés que ceux calculés sur l’ensemble des points. Notamment, le ESPI Sentinel-2 (25m) explique 13,3% de la variation des surfaces en faveur des pollinisateurs (25m) (Tableau 3), alors que cette valeur est divisée par la moitié (6,81%) dans le modèle calculé avec les 2.000 points (Tableau 2).
Pour certains modèles, l’indicateur de SE a une capacité plus importante à décrire la variation du ESPI, que la capacité du ESPI à décrire la variation de l’indicateur de SE. En guise d’illustration, le stockage de carbone atmosphérique (250m) explique 20,3% de la variation du ESPI MOD (250m) (Tableau 9), alors que le ESPI MOD (250m) n’explique que 14,7% du SE indiqué (Tableau 2).
Ce travail de mémoire de master contribue à explorer le potentiel des indicateurs basés sur la télédétection et de déterminer à quel point ces indicateurs, dans ce cas le ESPI, peuvent contribuer au suivi de la provision de SE particuliers estimés au préalable par des mesures directes ou par l’utilisation de fonctions de production. Le but de ces indicateurs est de simplifier le monitoring des SE, particulièrement en termes de coûts économiques, matériels et temporels.
- le ESPI mesuré par Jullian et al. (2021) a expliqué plus de 60% de la variation de la régulation de l’eau et environ 40% de la variation de la provision de fourrage et des opportunités de loisirs pour leur zone et période d’étude.
Ainsi, la deuxième série d’analyses de régression qui a été réalisée, vise à vérifier si l’ajustement des modèles, uniquement pour les points situés sur les zones vertes, influencent de manière positive la capacité du ESPI à décrire les variations des SE sélectionnés. Cela n’a pas été le cas, car dans l’ensemble, les indicateurs de SE dont la variation est la mieux expliquée par le ESPI sont les mêmes que dans la première série de GAM, par contre le pourcentage de la déviance expliquée est plus faible.
Une quatrième source expliquant les résultats obtenus peut être relative à la temporalité du ESPI. Dans le cadre de cette étude, le ESPI a été calculé pour la période allant de 2017 à 2023. Le but étant de faire part des tendances temporelles et des possibles événements climatiques extrêmes ayant eu lieu sur le Grand Genève, capturés par les images satellitaires et pouvant influencer nos variables. Néanmoins, Paruelo et al. (2016) ont calculé le ESPI sur une période plus large de 15 ans, permettant de mieux capturer l’influence du climat sur le territoire. De plus, Jullian et al. (2021) ont uniquement travaillé sur une année, en laissant de côté des éventualités d’extrêmes climatiques et en minimisant leur impact sur les résultats des analyses.
En sus, les résultats des modèles calculés avec le ESPI Sentinel-2 à 25m et à 10m, varient relativement peu et n’indiquent pas laquelle des deux résolutions permet de mieux expliquer la variation des indicateurs de SE. La différence de résolution spatiale est uniquement de 15m, ce qui peut signifier qu’un rééchantillonnage vers une proche résolution spatiale n’affecte pas de manière importante les valeurs des couches utilisées.
Plusieurs éléments pourraient être considérés avec la volonté de continuer à explorer le potentiel de la télédétection, et plus particulièrement du ESPI, pour décrire des SE ayant fait l’objet d’une estimation préalable :
En dépit des résultats plutôt prometteurs du ESPI à expliquer un pourcentage relativement élevé de la variation dans la provision de divers SE, d’après les articles de Paruelo et al. (2016) et Jullian et al. (2021), ces résultats n’ont pas été aussi satisfaisants qu’espérés dans le cadre de ce travail de master.
Le ESPI pourrait contribuer à réduire les coûts de monitoring des SE évalués dans le contexte du Grand Genève. Cependant, pour faire usage de cet indice, il est nécessaire de continuer à l’explorer, avec les recommandations indiquées précédemment. Ainsi, le ESPI pourrait potentiellement contribuer au suivi de certaines variables des différents piliers utilisés pour déterminer l’IE du Grand Genève.
Legesse, F., Degefa, S., & Soromessa, T. (2022). Valuation Methods in Ecosystem Services: A Meta-analysis [Preprint]. In Review. Research Square. https://doi.org/10.21203/rs.3.rs-1935778/v1
Pearce, D., Atkinson, G., Mourato, S. (2006a). Chapitre 6. Valeur économique totale. Dans: Pearce, D., Atkinson, G., Mourato, S., Analyse coûts-bénéfices et environnement : Développements récents. OECD Publishing. https://doi.org/10.1787/9789264010079-fr