Télédétection et services écosystémiques - Grand Genève
Exploration du potentiel de la télédétection pour évaluer la provision de services écosystémiques
Introduction
Les services écosystémiques (SE), définis comme les bénéfices que les individus obtiennent des écosystèmes (MAE (Program), 2005), jouent davantage un rôle important pour la protection et la conservation de l’environnement. De nombreuses études ont montré comment les SE permettent de faire des suivis de l’état des écosystèmes, d’illustrer les effets de certains projets de gestion de la nature, et de simplifier la communication de phénomènes et de situations environnementales complexes. Ainsi, les SE sont considérés à toutes les échelles, du local au global.
De nombreuses méthodes existent pour évaluer les services écosystémiques (Legesse et al., 2022), mais ici, nous nous intéressons particulièrement à celles qui impliquent une représentation visuelle grâce à la cartographie. Ainsi, ces dernières années, plusieurs études ont fait affaire à la télédétection pour évaluer divers SE, car cette technologie contribue à accéder à des grandes étendues, dont le travail de terrain peut être complexe, tant en termes d’accessibilité, que de temps et de coûts, et permet d’avoir accès à des données presque en temps réel (Ayanu et al., 2012).
L’objectif de ce travail est d’évaluer comment les indices basés sur la télédétection permettent de décrire les SE qui ont déjà été évalués grâce à des mesures directes. Ainsi, cette évaluation est réalisée sur des indicateurs de SE qui ont été mesurés à l’échelle du Grand Genève.
Services écosystémiques
Figure 1. Liens entre les services écosystémiques et le bien-être humain
Les SE sont présentés dans quatre groupes par le MAE (2005):
- Provision comme l'eau ou la nourriture
- Régulation, comme le contrôle des maladies
- Culturel, comme la valeur récréationnelle d'une forêt
- Soutient, comme le cycle des nutriments
Ainsi, ces différents SE contribuent de manière diverse au bien-être des humains et à leur survie en leur apportant de la sécurité, des matières premières, la santé et en contribuant aux bonnes relations sociales (Fig. 1).
Méthodes d'évaluation et monétarisation des SE
Que nous le voulions ou pas, l’évaluation de la valeur économique et monétaire de la nature est une réalité depuis plus de 50 ans. Cela est dû au fait que considérer la nature de cette manière permet d’atteindre les décideurs et les acteurs majeurs impliqués dans la dégradation environnementale, elle est perçue comme un langage accessible pour eux.
Figure 2. Division de la valeur économique totale et services écosystémiques
La Valeur Economique Totale (VET) mesure la valeur économique globale de tout actif de l’environnement (Pearce et al. 2006a). Elle se divise en valeur d’usage et valeur de non-usage (Fig. 2). Entre les valeurs d’usage, nous trouvons les valeurs d’usage direct des ressources naturelles qui correspondent aux biens primaires et qui sont employés pour le commerce et la consommation, comme le bois ; pour le tourisme, le loisir, l’éducation, la recherche et à des fins culturelles (Mendes, 2012). Ensuite, les valeurs d’usage indirect correspondent aux biens secondaires. C’est l’utilisation indirecte des fonctions des écosystèmes par les individus. Un exemple est la valeur des cours d’eau pour contrôler l’érosion. Les valeurs d’option correspondent à la disposition à payer une prime par les individus pour assurer la disponibilité et usage futur des biens primaires et secondaires mentionnés précédemment (Mendes, 2012).
Les valeurs de non-usage se divisent en deux catégories. Les valeurs d’existence renvoient à la satisfaction morale d’un individu en sachant que l’écosystème survit, sans considérer son utilisation ni présente ni future. Les valeurs de legs sont la disposition des individus à payer une prime pour assurer l’utilisation des écosystèmes par les générations futures (Mendes, 2012).
Ainsi, différentes méthodes existent pour évaluer les différentes valeurs faisant partie du VET.
- Méthodes des préférences révélées: se basent sur les comportements effectifs qui sont observés sur les marchés (Pearce et al., 2006). Elles peuvent être basées directement ou indirectement sur le marché.
- Méthodes basées directement sur le marché sont appliquées aux biens de la nature (ou SE) qui font partie des marchés, comme c’est le cas du bois qui peut être évalué en fonction de son prix sur les marchés (Salles, 2010 ; Legesse et al. 2022).
- Méthodes basées indirectement sur les marchés. Il existe deux méthodes principales: méthode des prix hédoniste, qui évalue la valeur d'un SE en observant le comportement d'un marché analogue (Pearce et al., 2006) et méthode des coûts de voyage se base sur le coût économique (essence, avion, accès, etc.) et sur le coût temporaire de déplacement vers le lieu qui doit être valorisé.
- Méthodes de préférences déclarées se basent sur des enquêtes et des scénarios hypothétiques pour déterminer la disposition à payer des individus pour des SE (Salles, 2010 ; Legesse et al., 2022).
- Méthode contingente: utilise des questionnaires et des scénarios pour enquêter auprès des individus combien ils seraient prêts à payer (willingness to pay) pour améliorer ou maintenir la provision d’un SE.
- Modélisation du choix: se base sur des enquêtes auprès d’individus pour expliquer la valeur des SE, où les individus ont le choix entre différentes options et ils doivent sélectionner celles qu’ils préfèrent.
- Evaluation de groupe: repose sur le principe de la démocratie participative, c’est-à-dire qu’un groupe de personne est invité à débattre sur les SE et à faire en sorte que le processus de décision sur la valeur d’un SE implique un débat public (Legesse et al., 2022).
- Modélisation: techniques de simulation ou représentation des systèmes écologiques auxquels on apporte des données en entrée. Cette méthode permet de modéliser diverses provisions de SE du fait que les données en entrée peuvent être modifiées pour simuler différents scénarios. Différents modèles open source existent aujourd’hui. Le Integrated Valuation of Ecosystem Services and Tradeoffs (InVEST), permet de cartographier des SE, tant en termes biophysiques qu’économiques, à l’échelle de notre choix (Natural Capital Project, s.d.).
Pour en savoir plus sur l'évaluation des SE, n'hessitez pas à regarder la série de vidéo du Conservation Strategy Found à ce sujet.
Valuation of Ecosystem Services: Intro to Valuation
Les services écosystémiques à différentes échelles
Les SE sont aujourd'hui considérés du global au local. Différentes initiatives et travaux existent à différentes échelles:
Echelle mondiale
Echelle européenne
- MAES : Mapping and Assessment of Ecosystems and their Services
Echelle suisse
- Stratégie Biodiversité Suisse et plan d'action
- Projet ValPar.CH : analyser la valeur et le bénéfice des infrastructures écologiques dans des parcs suisses
Echelle genevoise
- Infrastructure écologique du Grand Genève : identifier l'infrastructure écologique du Grand Genève et compiler, organiser et produire les données et résultats intermédiaires
- Projet INDICATEURs-SE : mesure et cartographie des indicateurs de prestations écosystémiques finales
- Projet SE-EES : étudie la possibilité d'intégrer des SE dans les évaluations stratégiques environnementales
Télédétection
La télédétection est définie par le U.S.G.S. comme:
le processus de détection et de surveillance des caractéristiques physiques d’une zone en mesurant son rayonnement réfléchi et émis à distances (généralement à partir d’un satellite ou d’un avion). Des caméras spéciales recueillent les images de télédétection, qui aident les chercheurs à « sentir » des choses sur la Terre »
Quatre composantes influencent les images qui nous sont transmises et doivent être considérées lors du choix de nos données ( Earth Science Data Systems, 2019;Dao, 2021):
- L'orbite: la distance à laquelle va se trouver le satellite contenant le capteur au-dessus de la Terre et qui aura un impact sur les zones terrestres qui seront captées.
- Le spectre électromagnétique: les capteurs saisissent l’énergie électromagnétique provenant de la Terre et se propageant sous forme d’onde vers l’atmosphère et l’espace.
- Le capteur: il se situe à bord du satellite ou de l'avion. Il existe ls capteurs passifs qui utilisent l'énergie du soleil et les capteurs actifs qui émettent leur propre source de lumière
- La résolution: il existe quatre types de résolution:
- Radiométrique: quantité d'information qu'il y a dans chaque pixel
- Spatiale: taille de chaque pixel qui compose une image
- Spectrale: capacité du capteur à distinguer des longueurs d'onde
- Temporelle: le temps que met un satellite à compléter une orbite et à revenir au même point
What is Remote Sensing?
Ainsi, la télédétection est appliquée à divers domaines tels que l'agriculture, l'aménagement du territoire, le changement climatique ou encore la gestion des catastrophes (Sergieieva, 2023).
Services écosystémiques et télédétection
Diverses études ont appliqué la télédétection pour l’analyse et l’évaluation des SE. D’après Araujo Barbosa et al. (2015), la télédétection risque de prendre de plus en plus d’ampleur pour l’évaluation et le suivi des SE. En effet, elle a la capacité de fournir des observations de l’ensemble de la Terre à différentes résolutions spatiales et temporelles qui permettent d’observer des phénomènes divers et variés comme nous l’avons vu précédemment. L’évolution constante de la technologie est aussi un point en faveur de l’utilisation de la télédétection dans le domaine des SE (de Araujo Barbosa et al., 2015). Ainsi, la cartographie et le suivi des SE à différentes échelles est nécessaire pour évaluer leurs réponses aux changements globaux, tels que le changement dans la couverture du sol (Ayanu et al., 2012).
Voici quelques exemples d'application de la télédétection à l'analyse et évaluation des SE:
- Classifications de la couverture et de l'utilisation du sol, par exemple pour mesurer les niveaux de déforestation ou le changement dans la provision de matières premières (Araujo Barbosa et al., 2015)
- Combinaison des classes de couverture et d'utilisation du sol à d'autres variables, par exemple biophysiques ou sociales (Vannier et al., 2017)
- Combinaison des données de télédétection à des observations de terrain (Ayanu et al., 2012)
L'indice de végétation par différence normalisée (NDVI)
Lorsque nous faisons des traitements d’images de télédétection, nous pouvons appliquer des indices qui permettent de faire ressortir des phénomènes particuliers. Un des plus utilisé est l’indice de végétation par différence normalisée, connu par son acronyme en anglais NDVI. Il est égal à la radiation du proche infrarouge (PIR) moins la radiation du rouge, divisé par la radiation du proche infrarouge plus le rouge:
𝑁𝐷𝑉𝐼 = (𝑃𝐼𝑅−𝑅)/(𝑃𝐼𝑅+𝑅)
NDVI - Normalized Difference Vegetation Index
Ainsi, le NDVI est un indice qui permet de déterminer les changements dans la végétation. Il peut être utilisé pour faire un suivi de la production primaire (Paruelo, Lauenroth, 1995), mais aussi pour constater l’impact de la déforestation, ou bien les catastrophes environnementales, telles que des incendies de forêt ou des éruptions volcaniques. Le NDVI peut aussi servir pour mesurer les niveaux de CO 2 net, et le déclin de la fertilité du sol (Araujo Barbosa et al., 2015).
Ecosystem Service Provision Index (ESPI)
L’objectif de mon travail est d’évaluer des SE grâce à la télédétection et à l’application de l’Ecosystem Service Provision Index (ESPI), proposé par Paruelo et al. en 2016 et réévalué par Jullian et al. en 2021.
Le but de l’étude de Paruelo et al. (2016) est d’évaluer de quelle manière les SE estimés grâce à des mesures directes ou des fonctions de production peuvent être décrits à l’aide d’attributs fonctionnels des écosystèmes dérivés de la télédétection : la moyenne annuelle et le coefficient de variation intra-annuel du NDVI (le NDVI mean et le NDVI cv ). Ils ont déterminé le ESPI pour la période allant de 2000 à 2014, dans la région des pampas du Chaco, en Amérique du Sud. Les indicateurs des SE sélectionnés dans leur étude sont la richesse aviaire, la recharge de l’eau souterraine, la séquestration du carbone et l’approvisionnement en eau. Pour chacun des SE, les données d’études ayant déjà évalués les SE ont été sélectionnées et utilisées.
Les données du NDVI ont été tirées des capteurs MODIS, pour ainsi pouvoir calculer le ESPI, définit comme suit :
𝐸𝑆𝑃𝐼 = 𝑁𝐷𝑉𝐼 𝑚𝑒𝑎𝑛 × (1−𝑁𝐷𝑉𝐼 𝐶𝑉 )
Ainsi, le NDVI mean correspond à la moyenne annuelle du NDVI et le NDVI CV correspond au coefficient de variation intra-annuel des valeurs mensuelles.
L’article proposé par Jullian et al. (2021) a pour objectif d’examiner le ESPI en analysant sa congruence spatiale (régression et analyse en grappes) avec quatre indicateurs de SE ayant été construits et publiés précédemment. Leur étude se base sur la municipalité de Panguipulli, au Chili. Les quatre indicateurs sont l’approvisionnement en bois, en fourrage, la régulation de l’eau et les opportunités de récréation (Jullian et al., 2021).
Tout d’abord, ils ont calculé le NDVI mensuel en utilisant l’outil « raster calculator » sur ArcGIS Pro, sur quatre images de Landsat de l’année 2013. Ensuite, ils ont calculé le ESPI en suivant la formule apportée par Paruelo et al. (2016). Cependant, Jullian et al. (2021) détaillent plus le calcul des différentes variables de l’ESPI, comme suit :
𝑁𝐷𝑉𝐼 𝐶𝑉 = 𝑁𝐷𝑉𝐼 𝜎 / 𝑁𝐷𝑉𝐼 𝑚𝑒𝑎𝑛
Le NDVI σ correspond à la déviation inter-mensuelle standard du NDVI, pour laquelle ils ont appliqué la formule suivante :
𝑁𝐷𝑉𝐼 𝜎 = √(Σ(𝑋 𝑖 −𝑁𝐷𝑉𝐼 𝑚𝑒𝑎𝑛 ) 2 ) / 𝑁
où X i correspond à la valeur du NDVI pour chaque mois et N est le nombre de mois. Finalement, le NDVI mean correspond à la moyenne de la quantité de mois d’étude.
Objectifs et questions de recherche
Le but de mon mémoire de master est d’évaluer comment des SE estimés à travers des mesures directes ou en utilisant des fonctions de production mécanique, peuvent être décrits à travers des attributs fonctionnels des écosystèmes qui sont dérivés de la télédétection : grâce à la moyenne annuelle du NDVI et à son coefficient de variation intra-annuel (Paruelo et al, 2016 ; Jullian et al. 2021). A l’aide d’un indice regroupant les deux attributs fonctionnels des écosystèmes, les tendances temporelles de la provision de SE pourront être cartographiés pour les données et la zone sélectionnées. L’analyse a été réalisé dans le cadre du Grand Genève, pour la période de 2017 à 2023.
A l’échelle du Canton de Genève, deux études ont eu pour but l’évaluation de plusieurs SE (OCEV, 2020 ; Guinaudeau et al., 2020). De plus, l’étude sur l’Infrastructure Ecologique du Grand Genève (Sanguet et al., 2023) compte avec un pilier SE, ayant évalué cinq SE. Cependant, ces études ont fait une évaluation de différents SE, mais n’ont pas prévu un suivi temporel. Par exemple, pour le projet INDICATEURS-SE, nous avons que des données de 2020.
De ce fait, le but de mon travail est de déterminer à quel point le ESPI peut décrire la provision de différents SE, ce qui permettrait de simplifier la tâche de leur suivi, notamment de ceux qui sont plus complexes à évaluer. Cet indice est particulièrement apprécié pour l’évaluation de SE à une grande échelle. Ainsi, comme indique Jullian et al. (2021), mon but est de contribuer à évaluer la capacité des indices de télédétection pour suivre les SE et garantir un monitoring plus fréquent.
Question principale
Dans quelle mesure le Ecosystem Service Provision Index (ESPI) permet-il de décrire les tendances temporelles de l’apport de divers services écosystémiques dans la région du Grand-Genève ?
Sous-questions
De quelle manière la télédétection contribue-t-elle au suivi et à l’évaluation des services écosystémiques à l’échelle régionale ?
Quels sont les services écosystémiques qui peuvent être monitorés et décrits grâce à la télédétection ?
De quelle plateforme satellitaire, les données sont-elles les plus efficaces pour mesurer le ESPI et permettre le suivi des SE ?
Méthodologie
Figure 3. Méthodologie utilisée dans le cadre du mémoire de master
Zone et période d'étude
Le but du mémoire est d’évaluer le potentiel de la télédétection, la zone d’étude est le Grand Genève et non pas le canton de Genève, pour réaliser l’analyse sur un territoire plus large. Ainsi, le territoire du Grand Genève est composé du Canton de Genève, du Canton de Vaud, avec le district de Nyon, et de deux départements français, l’Ain et la Haute-Savoie. Ce territoire se caractérise par une forte extension urbaine et démographique qui affecte l’utilisation et la couverture du sol ainsi que les écosystèmes du territoire. En conséquence, il est pertinent de travailler sur cette zone pour contribuer à sa conservation.
Pour illustrer l’occupation et l’utilisation du sol du Grand Genève, une représentation cartographique va être créé grâce à la couche « Zones d’affectation simplifiées », mise à disposition par le SITG . La couche a été mise à jour pour la dernière fois en 2020.
La période d’étude sélectionnée est de 2017 à 2023, soit de six ans. La raison de ce choix est d’avoir une étendue temporelle assez large qui permette de démontrer dans le ESPI les tendances temporelles et donc des effets des événements météorologiques extrêmes, particulièrement ceux liés aux vagues de chaleur.
Services écosystémiques
Les indicateurs de SE utilisés dans le cadre de mon mémoire de master sont ceux disponibles dans le Rapport de l’Infrastructure Ecologique du Grand Genève (Sanguet et al., 2023). Malgré le fait que certaines couches produites pour déterminer l’IE ne sont pas considérées comme des indicateurs de SE, elles seront utilisées pour mon analyse comme tels, du fait que d’autres études les ont déjà considérés comme des indicateurs de SE. Etant consciente de l’importance environnementale, sociale et économique de toutes les couches produites pour déterminer l’IE du Grand Genève, je ne vais en utiliser que sept : quatre couches du pilier « Services écosystémiques » et une couche pour chacun des trois autres piliers. Voici les couches sélectionnées (une description plus approfondie de la méthodologie utilisée pour déterminer les différentes composantes de l’IE du Grand Genève est disponible dans le rapport technique (Sanguet et al., 2023)) :
Indicateur de service écosystémique | Description |
---|---|
Naturalité (pilier structure) | La naturalité se rapporte à la « qualité écologique des différentes classes de couverture du sol » (Sanguet et al., 2023, p.21). De cette façon, les milieux affectés par l’Homme auront une naturalité basse, tandis que les milieux les moins affectés par les humains, auront une naturalité élevée. La méthodologie utilisée pour déterminer la naturalité du Grand Genève a été d’associer une valeur de naturalité à chaque classe de couverture du sol (Sanguet et al., 2023). |
Richesse floristique (pilier composition) | La richesse floristique est une manière de mesurer la biodiversité (Guinaudeau et al., 2020). Dans ce cas, cela correspond aux espèces de plantes qui ont été modélisées dans le cadre du pilier composition pour déterminer l’IE du Grand Genève. Ainsi, à part la couche utilisée dans le cadre de ce travail, 1.816 cartes de distributions des espèces végétales ont été créées pour déterminer l’IE. Pour réaliser la modélisation de la distribution, des observations de terrain et des variables explicatives, telles que les précipitations annuelles, ont été utilisées (Sanguet et al., 2023). |
Surfaces en faveur des pollinisateurs (pilier SE) | Les insectes pollinisateurs sont essentiels pour assurer la pollinisation des cultures. Pour assurer la continuité de ces espèces, il est primordial de conserver les milieux naturels qui leur sont favorables (Sanguet et al., 2023). Un indice d’abondance pour chaque pixel du territoire a été créé grâce à une liste de vingt espèces communes d’abeilles du Grand Genève et aux connaissances disponibles sur leur mode de vie (Sanguet et al., 2023). |
Stockage de carbone atmosphérique (pilier SE) | L’importante concentration de dioxyde de carbone (CO2) est la principale cause du changement climatique de nos jours. Néanmoins, le CO2 atmosphérique peut être réduit grâce à des solutions naturelles. En effet, les milieux naturels tels que les forêts et les prairies sont capables de stocker ce carbone atmosphérique et donc de réduire les émissions (Sanguet et al., 2023). La modélisation du stockage de carbone est faite en affectant une valeur de stockage à chaque catégorie d’habitat. Par la suite, cette valeur est cartographiée grâce au logiciel InVEST (Sanguet et al., 2023). |
Régulation du microclimat et de la qualité de l'air (pilier SE) | La surface foliaire permet d’estimer la capacité des milieux à filtrer l’air, à réguler le climat local et à réduire les effets du changement climatique grâce à la création de microclimats locaux. Le NDVI, calculé grâce aux données des images satellitaires, permet de mesurer la surface foliaire des milieux, en appliquant le Leaf Area Index (LAI) (Sanguet, et al., 2023). |
Régulation de la qualité de l'eau (pilier SE) | Le surplus de nutriments, principalement lié aux engrais et aux pesticides qui coulent dans les cours d’eau, peuvent provoquer des problèmes tels que l’eutrophisation des mares. Un des moyens de faire face à cette difficulté est de préserver et recréer les milieux naturels qui retiennent les nutriments. Le logiciel InVEST est utilisé pour déterminer les milieux de rétention effectifs grâce à différentes variables (p. ex., topographie) qui sont utilisées dans le modèle (Sanguet et al., 2023). |
Zones de contrainte du cerf (pilier connectivité) | Les zones de contrainte sont les zones du territoire par lesquelles les animaux doivent passer pour se déplacer entre leurs différents habitats. La conservation de ces corridors est essentielle pour assurer une connectivité du territoire dans les zones de passage des espèces. La méthode pour identifier les zones de contrainte se base sur la théorie des circuits (Sanguet et al., 2023). Les zones de contraintes de trois espèces ont été cartographiées, mais dans le cadre de ce travail, uniquement la carte du cerf a été utilisée. |
Tableau 1. Indicateurs de Services Ecosystémiques sélectionnés
Les couches finales contenant les différents indicateurs ont été directement téléchargées depuis le site web Yareta.unige.ch . Ces couches ont été ajoutées sur un projet ArcGIS Pro pour obtenir une représentation visuelle.
Ecosystem Service Provision Index
Figure 4. Caractéristiques des plateformes satellitaires utilisées
Le calcul du ESPI nécessite des données satellitaires pour estimer les composantes du NDVI. Etant donné que l’un des buts du mémoire est d’évaluer quelle plateforme est la plus appropriée pour mesurer le ESPI et pour faire les analyses avec les indicateurs de SE sélectionnés, les images Sentinel-2 , Landsat-8 et MOD13Q1 ont été utilisées.
Les différentes images ont été découpées sur la zone d’étude sur ArcGIS Pro en utilisant l’outil Clip Raster, puis l’option Batch pour appliquer cette action simultanément sur l’ensemble des couches.
Ensuite, le NDVI a été calculé pour chacune des images Sentinel-2 et Landsat-8 grâce à l'outil Raster Calculator de ArcGIS Pro et en appliquant la formule:
𝑁𝐷𝑉𝐼=(𝑃𝐼𝑅−𝑅)/(𝑃𝐼𝑅+𝑅)
Où PIR correspond au proche infrarouge, soit la bande 8 pour Sentinel-2 et 5 pour Landsat-8, et R correspond au rouge, soit la bande 4 dans les deux produits. Comme le produit téléchargé de MODIS est le NDVI, ce calcul n’a pas été nécessaire.
Lorsque les différents NDVI ont été disponibles, le calcul des différentes composantes du ESPI a été réalisé en utilisant l’outil Raster Calculator. Les formules présentées dans la partie ESPI ont été utilisées.
Finalement, comme cela a été fait dans les études de Paruelo et al. (2016) et Jullian et al. (2021), le ESPI a été normalisé pour éviter des possibles biais liés aux unités des différentes variables lors des analyses statistiques, en appliquant la formule suivante :
𝐸𝑆𝑃𝐼 𝑛𝑜𝑟𝑚 =(𝐸𝑆𝑃𝐼−𝑚𝑖𝑛)/(𝑚𝑎𝑥−𝑚𝑖𝑛)
Où ESPI correspond à la valeur du ESPI, min correspond à la valeur minimum du ESPI et max correspond à la valeur maximum du ESPI.
Pré-traitement des indicateurs de SE et du ESPI
Avant de réaliser les analyses statistiques pour déterminer si le ESPI permet de décrire les indicateurs de SE sélectionnés, différents traitements des données ont été réalisés. Pour préparer les différentes variables aux analyses, le logiciel R Studio a été utilisé.
- Normalisation des 7 indicateurs de SE
- Reprojection des 3 ESPI au système de coordonnées suisse (LV95/CH1903)
- Rééchantillonnage des 3 ESPI à 25 m et des 7 indicateurs de SE à 10m et à 250m
- Echantillonnage aléatoire de 2.000 points sur l'ensemble des couches, concaténées au paravent
Analyses de régression: modèles additifs généralisés
La régression est une méthode statistique qui cherche à déterminer la relation entre deux ou plusieurs variables. Elle se compose d’une variable dépendante et d’une ou de plusieurs variables indépendantes. Différentes méthodes de régression existent. Dans le cadre de ce travail, les modèles additifs généralisés ont été choisis.
Les modèles additifs généralisés (connus par son acronyme anglais GAM) sont une extension des modèles linéaires classiques, qui adaptent une fonction de lissage non-linéaire sur nos données (Modèles additifs généralisés, s.d.).
Pour réaliser les GAM, le package ‘mgcv’, développé par Simon Wood en 2017 (Mainey, 2022), a été utilisé sur R. Etant donné que les données varient entre 0 et 1, c’est la famille quasibinomiale qui a été utilisée. Si nous utilisons la famille binomiale, nous obtiendrions un résultat certes, mais avec une alerte indiquant que les variables ne sont pas entières. Ainsi, la famille quasibinomiale dispose d’un paramètre additionnel qui permet de mieux décrire la variation, particulièrement entre 0 et 1 comme des proportions.
Une fois les résultats des GAM obtenus, une représentation graphique a été réalisée pour montrer la relation entre l’indicateur de SE et le ESPI, ainsi que pour illustrer la droite qui a été adaptée aux données. Pour réaliser les graphiques, la fonction ggplot a été utilisée. Pour cela, il a été nécessaire de télécharger le package ‘ggplot2’.
Analyses complémentaires
Deux analyses complémentaires ont été effectuées en guise d’illustrer la complexité et les limites liées au ESPI.
La première analyse consiste à extraire, sur l’ensemble des 2.000 points échantillonnés aléatoirement sur chaque couche, ceux qui se trouvent sur des zones naturelles ou forestières, agricoles ou viticoles et de verdures, sur la couche d’affectation simplifiée du Grand Genève. Pour cela, une sélection des trois attributs cités a été faite sur ArcGIS Pro. Ensuite, les trois dataframes produits dans l’étape précédente ont été ajoutés et convertis en points sur le projet. L’outil clip a été utilisé pour faire l’extraction des points sur les zones d’intérêts. Les trois nouvelles tables contenant les points d’intérêts ont été ajoutées sur R Studio pour appliquer les modèles GAM.
Le but de cette analyse est de déterminer si la sélection des points situés sur des pixels associés à des zones contenant de la végétation a une influence sur les résultats des modèles.
La deuxième analyse consiste à calculer à nouveau les modèles GAM mais en inversant les variables dépendantes et indépendantes. Le but est de déterminer si les indicateurs SE sélectionnés permettent de décrire les ESPI mesurés avec les différentes plateformes. Pour cela, le script R produit pour les modèles calculés précédemment, est utilisé. Cependant, la position des deux variables est inversée. De cette manière, le ESPI devient la variable dépendante et l’indicateur de SE, la variable indépendante.
Résultats
Distribution spatiale des zones d'affectation du sol, des indicateurs de SE et des ESPI
Distribution spatiale des zones d'affectation du sol
La région du Grand Genève se caractérise par sa complexité en termes d’occupation et d’affectation du sol. Une partie importante du territoire est occupée par les zones naturelles ou forestières, agricoles ou viticoles et de verdures, qui peuvent être considérées comme des zones vertes. Les zones naturelles ou forestières se trouvent dans les surfaces montagneuses, comme celle du massif du Jura et dans la commune de Faucigny-Glière en Haute-Savoie. Entre ces zones et les zones bâties, il y a d’importantes zones agricoles comme dans la campagne genevoise.
A proximité des surfaces vertes, il y a des zones d’activités économiques et touristiques ainsi que péricentrales et périurbaines. Ces zones reflètent la forte urbanisation du Grand Genève. Ainsi, la carte de l’affectation simplifiée du sol fait ressortir la segmentation qui caractérise le territoire du Grand Genève.
Distribution spatiale des indicateurs de SE
Les zones du territoire du Grand Genève contribuant de manière importante au stockage du carbone atmosphérique , à la régulation du microclimat et de la qualité de l’air, à la naturalité et à la régulation de la qualité de l’eau sont distribuées à travers les trois classes d’affectation du sol vertes. De la même manière, les zones qui ne contribuent pas ou faiblement à ces quatre indicateurs de SE, correspondent aux zones urbanisées, bâties et à forte densité.
(Vous pouvez naviguer à travers les différentes cartes en cliquant sur les titres affichés au-dessus de la carte)
Les zones de contrainte du cerf sont définies sur le territoire du Grand Genève. Les zones du paysage ayant un intérêt particulier pour les déplacements et interactions de l’animal sont réparties dans les zones naturelles ou forestières et agricoles ou viticoles.
Les surfaces en faveur des pollinisateurs ne sont pas abondantes sur le territoire du Grand Genève. Uniquement quelques zones favorisent les pollinisateurs comme celle se trouvant sur le massif du Jura qui apparait en vert, ou celle encore se trouvant sur des surfaces correspondantes à des zones agricoles ou viticoles.
Finalement, le territoire du Grand Genève contribue faiblement à la richesse floristique. Uniquement quelques zones, surtout celles qui semblent à proximité d’un cours d’eau, affichent des valeurs élevées.
(Vous pouvez naviguer à travers les différentes cartes en cliquant sur les titres affichés au-dessus de la carte)
Distribution spatiale du ESPI Sentinel-2
Le ESPI moyen pour la période allant de 2017 à 2023, calculé avec les images de Sentinel-2, reflète particulièrement bien les zones d’affectation du sol du Grand Genève. Les zones avec une valeur élevée, proche de 1, correspondent aux zones avec des quantités importantes de végétation. Les zones proches de 0 correspondent aux zones dépourvues ou avec de faibles niveaux de végétation telles que des zones urbaines ou des cours d’eau.
En effet, les surfaces qui correspondent à des zones naturelles ou forestières sont représentées par des nuances bleuâtres, alors que nous pouvons distinguer le centre ville de Genève ou encore l’aéroport de Cointrin représentés par les couleurs rouges.
Néanmoins, certaines zones, telles qu’agricoles ou viticoles qui se trouvent sur le massif du Jura, apparaissent dans des couleurs oranges, ce qui indique des niveaux plus faibles de végétation. C’est aussi le cas de Glières-Val-de-Bornes, qui est une zone naturelle ou forestière mais dont les valeurs du ESPI se trouvent dans le rouge.
Les surfaces du territoire du Grand Genève qui contribuent au stockage du carbone atmosphérique, à la régulation du microclimat et de la qualité de l’air, à la naturalité et à la régulation de la qualité de l’eau sont représentées par des valeurs élevées du ESPI calculé avec les données Sentinel-2 (sauf pour les zones rouges citées précédemment).
Les zones de contrainte du cerf, les surfaces en faveur des pollinisateurs et la richesse floristique sont répartis de manière moins marquée par rapport au ESPI Sentinel-2. Par exemple, la surface en faveur des pollinisateurs qui se trouve sur le Jura, se rapporte à la zone où le ESPI Sentinel-2 possède des valeurs faibles.
Distribution spatiale du ESPI Landsat-8
Le ESPI moyen pour la période de 2017 à 2023, calculé avec les images Landsat-8 n’illustre pas de manière aussi claire les zones d’affectation du Grand Genève car les couleurs sont plus nuancées. En effet, il y a des couleurs plus intermédiaires, voir basses. Nous distinguons ici les zones du centre de Genève et de Cointrin, mais également certaines surfaces qui apparaissent avec des valeurs élevées avec le ESPI Sentinel-2 . Ces valeurs apparaissent plus faiblement avec le ESPI Landsat-8. Par exemple, la commune de Sciez se situe dans les tonalités de bleu pour le ESPI Sentinel-2 , alors qu’elle se situe dans des tonalités de bleu et de jaune avec le ESPI Landsat-8.
Distribution spatiale du ESPI MOD13Q1
Le ESPI moyen pour la période de 2017 à 2023 calculé avec les images MOD13Q1 varie à travers les classes d’affectation du sol du Grand Genève et est similaire à celui du ESPI Sentinel-2. Cependant, le ESPI MOD varie principalement entre le bleu-vert pour les zones naturelles ou forestières, le jaune pour les zones agricoles ou viticoles, et l’orange-rouge pour les zones les plus dépourvues en végétation.
La distribution spatiale des indicateurs de SE sélectionnés varient de manière similaire avec le ESPI MOD qu’avec le ESPI Sentinel-2.
Analyses de régression entre les indicateurs de SE et les ESPI
Tableau 2. Résultats des modèles additifs généralisés (GAM) entre les indicateurs de SE et les ESPI
De manière générale, les modèles GAM ajustés présentent une relation significative (p-value<0,0001), suggérant que les ESPI influencent de manière significative les indicateurs de SE sélectionnés . Néanmoins, les modèles entre la richesse floristique et le ESPI MOD (25m et 250m) ne sont pas significatifs (p-value>0,05).
Les modèles établis avec le ESPI Landsat-8 (25m) présentent une faible capacité à expliquer la variabilité des indicateurs de SE sélectionnés, comme en témoigne une déviance expliquée souvent proche de 0% et dans tous les cas, inférieure à 6%.
Les modèles où la variable dépendante a été rééchantillonnée à la résolution spatiale du ESPI MOD (250 m), montrent des déviances expliquées plus élevées que les modèles où la variable dépendante conserve sa résolution et dont le ESPI MOD est rééchantillonné à 25m. Par exemple, le ESPI MOD (250 m) explique 21,7% de la variation de la naturalité (250m), alors que lorsque ces deux variables sont à 25m, le ESPI MOD, explique uniquement 14,9% de la variation.
La différence dans le pourcentage de déviance expliquée est insignifiante entre les modèles où le ESPI Sentinel-2 est rééchantillonné à 25 m et où les indicateurs de SE sont rééchantillonnés à 10 m (Tableau 2). A titre illustratif, le ESPI Sentinel-2 a 25m explique 19,8% de la variation du stockage de carbone (25m) et le ESPI Sentinel-2 à 10m explique 19,6%.
Trois modèles apportent des résultats relativement élevés. Le premier, qui est le modèle présentant le meilleur ajustement, est celui où le ESPI MOD (250m) explique 41,7% de la variation de la régulation du microclimat local et de la qualité de l’air (250m). Le deuxième, est celui où le ESPI MOD (250m) explique 21,7% de la variation de la naturalité (250m). Le troisième et dernier, est celui où le ESPI Sentinel-2 (25m) explique 19,8% de la variation du stockage de carbone atmosphérique (25m).
Les modèles ajustés aux zones de contrainte du cerf, à la régulation de la qualité de l’eau, aux surfaces en faveur des pollinisateurs et à la richesse floristique ont obtenu les résultats les plus faibles. Cela implique une basse capacité du ESPI, sans importer la source des données utilisées, à expliquer la variation de ces indicateurs de SE. Ainsi, la déviance expliquée de ces modèles est inférieure à 11%.
Modèles calculés sur les points situés sur des zones vertes
Tableau 3. Résultats des modèles additifs généralisés (GAM) entre les indicateurs de SE et les ESPI sur les points échantillonnés sur les zones naturelles ou forestières, agricoles ou viticoles et de verdure
Sur les 2.000 points échantillonnés aléatoirement sur les couches ESPI et celles des indicateurs SE, 1.629 points sont situés sur des zones naturelles ou forestières, agricoles ou viticoles et de verdures dans le Grand Genève. L’ensemble des modèles GAM recalculés sur cette sélection de points ont une relation significativement positive (p-value<0,001). Le modèle ajusté entre la richesse floristique (25m) et le ESPI MOD (25m) est le seul à ne pas avoir une relation significative (p-value>0,05).
De la même façon que pour les résultats des analyses réalisées précédemment, les modèles ayant obtenu les meilleures performances sont les mêmes. Ainsi, Le ESPI MOD (250m) explique 32,6% de la variation de la régulation du microclimat et de la qualité de l’air. Le ESPI Sentinel-2 (25m) explique 16,9% de la variation du stockage de carbone atmosphérique (25m). Finalement, le ESPI MOD (250m) permet d’expliquer 15,3% de la variabilité de la naturalité.
Les GAM évaluant la relation entre la richesse floristique et les ESPI sont ceux obtenant les résultats les plus faibles (déviance expliquée <5%), mentionnant que le ESPI explique guère la variation de la richesse floristique. Les modèles des zones de contrainte du cerf et de la régulation de la qualité de l’eau disposent aussi de résultats modestes, avec des déviances expliquées inférieures à 10%.
De cette façon, les résultats des modèles calculés avec les 1.629 points sur les zones vertes sont proches de ceux des modèles calculés avec les 2.000 points sur l’ensemble du territoire du Grand Genève. Cependant, quelques différences peuvent être mises en évidence:
- Tout d’abord, les trois modèles qui contiennent les déviances expliquées les plus élevées sont les mêmes dans les deux jeux d’analyses. Toutefois, les pourcentages sont plus faibles pour les modèles où uniquement les points sur des zones vertes ont été analysés. Cette tendance est assez présente dans l’ensemble des modèles recalculés. Par exemple, sur les 2.000 points échantillonnés, le ESPI Sentinel-2 (25m) explique 8,8% de la variation des zones de contrainte du cerf (Tableau 2), alors que sur le même modèle, calculé uniquement avec les 1.629 points, ce pourcentage est de 4,08% (Tableau 3).
- Ensuite, comme dans la première série d’analyses, les modèles ajustés avec le ESPI Lansat-8 (25m) affichent les résultats les plus faibles en termes de capacité de l’indice à décrire la variation des indicateurs de SE (Tableau 3). Néanmoins, la déviance expliquée a augmenté de quelques points pour les modèles des indicateurs de naturalité (3,6%), de régulation de la qualité de l’eau (1,94%) et des surfaces en faveur des pollinisateurs (8,03%) avec le ESPI Landsat-8 (25m), calculés sur les points situés dans des zones naturelles ou forestières, agricoles ou viticoles et de verdures (Tableau 3).
- Finalement, les modèles calculés pour les surfaces en faveur des pollinisateurs sur les points situés dans les zones vertes, disposent de résultats plus élevés que ceux calculés sur l’ensemble des points. Notamment, le ESPI Sentinel-2 (25m) explique 13,3% de la variation des surfaces en faveur des pollinisateurs (25m) (Tableau 3), alors que cette valeur est divisée par la moitié (6,81%) dans le modèle calculé avec les 2.000 points (Tableau 2).
Modèles de régression ESPI et indicateurs de SE
Tableau 4. Résultats des modèles additifs généralisés (GAM) entre les ESPI comme variable dépendante et les indicateurs de SE comme variable indépendante
Des GAM ont été réestimés en disposant les ESPI comme variables dépendantes et les indicateurs de SE comme variables indépendantes. Ainsi, l’ensemble des modèles ajustés sont statistiquement significatifs (p-value<0,0001).
De la même manière que dans les deux séries d’analyses précédentes, le meilleur résultat obtenu est celui du modèle de la régulation du microclimat et de la qualité de l’air (250m) et du ESPI MOD (250m). Dans ce cas, c’est la régulation du microclimat et de la qualité de l’air qui permet d’expliquer 37,2% de la variation du ESPI MOD (250m) (Tableau 4).
De plus, les deux autres modèles avec les résultats plus élevés sont les mêmes que dans les deux séries d’analyses antérieures. Ainsi, le stockage de carbone atmosphérique (25m) explique 24,5% de la variation du ESPI Sentinel-2 (25m) et la naturalité (250m) explique 20,3% de la variabilité du ESPI MOD (250m) (Tableau 4).
Pour certains modèles, l’indicateur de SE a une capacité plus importante à décrire la variation du ESPI, que la capacité du ESPI à décrire la variation de l’indicateur de SE. En guise d’illustration, le stockage de carbone atmosphérique (250m) explique 20,3% de la variation du ESPI MOD (250m) (Tableau 9), alors que le ESPI MOD (250m) n’explique que 14,7% du SE indiqué (Tableau 2).
Les indicateurs des zones de contrainte du cerf, de la régulation de la qualité de l’eau, des surfaces en faveur des pollinisateurs et de la richesse floristique expliquent faiblement les ESPI, comme c’est le cas dans le sens inverse. Toutefois, les surfaces en faveur des pollinisateurs expliquent un pourcentage plus élevé de la variation du ESPI que le pourcentage que les explications du ESPI concernant cet indicateur. En effet, elles expliquent 16,3% de la variation du ESPI MOD (250m) (Tableau 4), alors que celui-ci n’explique que 6,76% de la variation des surfaces en faveur des pollinisateurs (250m) (Tableau 2).
Comme pour les premières séries de GAM, les modèles où la variable dépendante est le ESPI Landsat-8 (25m), sont ceux possédant les déviances expliquées les plus faibles. Cependant, ces résultats sont quelques points supérieurs que lorsque le ESPI Landsat-8 (25m) est considéré comme variable indépendante. Par exemple, la naturalité (25m) explique 8,83% du ESPI Landat-8 (25m) (Tableau 4), tandis que le ESPI Landsat-8 (25m) explique que 3,34% de la naturalité (25m) du Grand Genève (Tableau 2).
Finalement, il y aussi quelques différences dans les résultats obtenus en fonction de la résolution spatiale des variables du modèle. En fonction des GAM, ces différences sont plus ou moins importantes. Par exemple, pour les modèles de stockage de carbone, celui-ci explique 24,5% du ESPI Sentinel-2 à 25m, et 23,4% du ESPI Sentinel-2 à 10m, soit une différence de 1 points (Tableau 4). Pour les modèles des surfaces en faveur des pollinisateurs, celui-ci explique 7,98% du ESPI MOD à 25m, alors que le modèle à 250m explique 16,3%, soit une différence multipliée par deux (Tableau 4). Ainsi, il n’y a pas une tendance claire à démontrer car tout dépend du modèle qui est considéré.
Discussion et résultats
Ce travail de mémoire de master contribue à explorer le potentiel des indicateurs basés sur la télédétection et de déterminer à quel point ces indicateurs, dans ce cas le ESPI, peuvent contribuer au suivi de la provision de SE particuliers estimés au préalable par des mesures directes ou par l’utilisation de fonctions de production. Le but de ces indicateurs est de simplifier le monitoring des SE, particulièrement en termes de coûts économiques, matériels et temporels.
Les résultats des modèles de régression effectués pour déterminer la relation entre le ESPI et les indicateurs de SE, ne sont pas aussi satisfaisants qu’espérés, car le ESPI n’explique qu’une faible proportion de la variation des indicateurs de SE sélectionnés sur le Grand Genève.
Les indicateurs de SE qui ont été les mieux décrits par le ESPI, sans considérer la source des données satellitaires, sont, en premier lieu, la régulation du microclimat et de la qualité de l’air, suivi par le stockage du carbone atmosphérique et enfin la naturalité. Cependant, le pourcentage de variation qui est expliqué par le ESPI est relativement faible. De plus, la variation des zones de contrainte du cerf, de la régulation de la qualité de l’eau, des surfaces en faveur des pollinisateurs et de la richesse floristique a été expliquée de manière moins satisfaisante par le ESPI, où les pourcentages ne dépassent pas les 15%.
Ces résultats sont surprenants si nous les comparons à ceux obtenus dans les études de Paruelo et al. (2016) et Jullian et al. (2021):
- le ESPI mesuré par Paruelo et al. (2016) a permis d’expliquer plus de 50% de la variation de la recharge des eaux souterraines, des changements du carbone organique du sol et de l’évapotranspiration, ainsi que 48% de la richesse aviaire dans la zone et la période d’étude.
- le ESPI mesuré par Jullian et al. (2021) a expliqué plus de 60% de la variation de la régulation de l’eau et environ 40% de la variation de la provision de fourrage et des opportunités de loisirs pour leur zone et période d’étude.
Malgré le fait que ces résultats ne peuvent être directement comparés à ceux obtenus dans le cadre de ce travail, considérant que les indicateurs, l’échelle spatiale et l’échelle temporelle ne sont pas les mêmes, des résultats plus prometteurs étaient attendus.
Plusieurs facteurs peuvent être à la source des résultats obtenus dans les différentes séries de modèles effectués. Tout d’abord, le ESPI varie à travers les classes d’occupation et d’utilisation du sol (Paruelo et al., 2021) et dans ce cas, des classes d’affectation simplifiée du sol. Ainsi, les surfaces indiquant des valeurs élevées du ESPI sont celles qui correspondent aux zones naturelles ou forestières, agricoles ou viticoles et de verdures. Il semble donc logique que les indicateurs de SE qui varient de la même manière, à travers la carte d’affectation du sol soient ceux qui sont le mieux décrits par le ESPI. En revanche, les indicateurs de SE qui ne varient pas directement à travers les classes d’affectation du sol présentent une moindre capacité à être décrits par le ESPI. Par exemple, le ESPI, sans importer la source de données satellitaires, explique moins de 10% de la variation des surfaces en faveur des pollinisateurs, qui sont réparties dans des endroits spécifiques du Grand Genève tels qu’une zone sur le Jura, vers les communes de Thoiry et Sergy, et une autre zone vers Arbusigny.
Cela peut être une des raisons pour lesquelles les études de Paruelo et al. (2016) et Jullian et al. (2021) ont obtenu des résultats plus satisfaisants. D’une part, Paruelo et al. (2016) ont travaillé sur une étendue plus large que celle de cette étude. Ils ont considéré des surfaces situées en Bolivie, au Paraguay, en Argentine et en Uruguay et chacun des indicateurs de SE a été évalué sur une de ces zones. De plus, leur zone d’étude est principalement occupée par des cultures de soja et d’eucalyptus (Paruelo et al., 2016). D’un autre côté, Jullian et al. (2021) ont réalisé leur étude sur la municipalité de Panguipulli (Chili), qui dispose d’une étendue plus proche de celle du Grand Genève. Cependant, la zone d’étude est occupée par des forêts, des arbustes, des cultures, des plantations d’arbres non-natifs et de pâturages, entre autres (Jullian et al. 2021).
Néanmoins, le Grand Genève se caractérise pour disposer d’une couverture du sol segmentée, ce qui veut dire que malgré la présence d’importantes zones naturelles ou forestières, agricoles ou viticoles et de verdures, elles sont souvent en voisinage avec des zones urbaines ou périurbaines, et dans tous les cas, bâties. Alors que les zones d’études de Paruelo et al. (2016) et Jullian et al. (2021) ont tendance à évoluer dans un changement dans l’utilisation du sol, en termes de culture agricole et de plantation, le Grand Genève évolue vers une plus grande urbanisation. De ce fait, le ESPI, qui est calculé grâce à la moyenne annuelle du NDVI et à son coefficient de variation intra-annuel, est moins efficace pour estimer des SE où le territoire est plus fragmenté et occupé par des zones bâties.
Ainsi, la deuxième série d’analyses de régression qui a été réalisée, vise à vérifier si l’ajustement des modèles, uniquement pour les points situés sur les zones vertes, influencent de manière positive la capacité du ESPI à décrire les variations des SE sélectionnés. Cela n’a pas été le cas, car dans l’ensemble, les indicateurs de SE dont la variation est la mieux expliquée par le ESPI sont les mêmes que dans la première série de GAM, par contre le pourcentage de la déviance expliquée est plus faible.
En premier lieu, cela peut être lié à la réduction du nombre de points d’échantillonnage. En deuxième lieu, les résultats obtenus peuvent être justifiés car la plupart des zones agricoles et viticoles ont des valeurs faibles pour les trois ESPI, ce qui n’est pas forcément le cas pour les indicateurs de SE. De plus, certaines zones naturelles ou forestières, comme celle de Glières-Val-de-Borne, disposent de valeurs de ESPI faibles, alors que cela ne devrait pas être le cas. Il y a deux raisons afin d’expliquer ces résultats : la première serait liée à la présence de zones ombragées sur les images satellitaires qui ont été sélectionnées, et la deuxième, serait la présence de carrières sur ces zones, comme l’on en trouve sur le Salève.
Une deuxième source des résultats obtenus dans le cadre de ce travail peut être liée à la manière dont les indicateurs de SE sélectionnés ont été évalués. En suivant l’exemple des études de Paruelo et al. (2016) et Jullian et al. (2021), les couches des indicateurs de SE ont été directement utilisées sans devoir les recréer pour l’étude. De cette manière, nous avons accès à la méthodologie qui a été utilisée pour évaluer ces indicateurs de SE, mais nous ne pouvons pas confirmer sa réelle conformité.
La méthodologie utilisée pour estimer les indicateurs de SE peut être une troisième source expliquant les résultats obtenus pour les GAM. Ainsi, la régulation du microclimat et de la qualité de l’air, qui est le SE le mieux décrit par le ESPI, a été estimé à partir du Leaf Area Index qui est un indice basé sur le NDVI (Sanguet et al., 2023), comme c’est le cas du ESPI. De plus, les deux autres indicateurs de SE ayant obtenus les meilleurs résultats, ceux du stockage de carbone atmosphérique et de la naturalité, ont été évalués de manière relativement simple.
La couche de naturalité du territoire du Grand Genève a été créée grâce à l’affectation d’une valeur de naturalité aux différentes classes de couverture et d’utilisation du sol (Sanguet et al., 2023). De même, la couche du stockage du carbone atmosphérique a été modélisée en associant des valeurs de stockage de carbone aux classes de couverture et d’utilisation du sol (Sanguet, et al., 2023). Ainsi, la méthodologie de ces trois indicateurs semble relativement simple si nous la comparons à celle des quatre autres indicateurs. Par exemple, pour créer la couche de régulation de la qualité de l’eau, plus de sept variables ont été associées aux classes de couverture et d’utilisation du sol. Il est donc possible, que plus la méthodologie pour évaluer l’indicateur de SE est complexe, moins le ESPI est capable de décrire sa variation.
Une quatrième source expliquant les résultats obtenus peut être relative à la temporalité du ESPI. Dans le cadre de cette étude, le ESPI a été calculé pour la période allant de 2017 à 2023. Le but étant de faire part des tendances temporelles et des possibles événements climatiques extrêmes ayant eu lieu sur le Grand Genève, capturés par les images satellitaires et pouvant influencer nos variables. Néanmoins, Paruelo et al. (2016) ont calculé le ESPI sur une période plus large de 15 ans, permettant de mieux capturer l’influence du climat sur le territoire. De plus, Jullian et al. (2021) ont uniquement travaillé sur une année, en laissant de côté des éventualités d’extrêmes climatiques et en minimisant leur impact sur les résultats des analyses.
Le nombre de points échantillonnés aléatoirement peut être une cinquième et dernière source expliquant les résultats obtenus. Paruelo et al. (2016) et Jullian et al. (2021) ont des échantillons inférieurs à 150 points, alors que dans le cas de ce travail, 2.000 points ont été échantillonnés aléatoirement. Ainsi, plus l’échantillon est élevé, plus le territoire est représenté. Un échantillonnage faible peut laisser de côté certaines zones d’importances, et réduire la représentation de possibles extrêmes dans nos résultats (Gumuchian, Marois, 2000). De ce fait, il est possible que les points échantillonnés dans les deux études précédentes ne soient pas représentatifs de l’ensemble du territoire. De même, il est possible que les 2.000 points échantillonnés reflètent les données extrêmes, influençant ainsi les résultats des GAM.
Quelle que soit la source des résultats obtenus dans le cadre de cette étude, le ESPI reste un indice plutôt simpliste, basé sur deux attributs fonctionnels du NDVI et qui ne décrivent pas forcément correctement les variations d’indicateurs de SE particuliers et complexes.
Finalement, il est pertinent de discuter des différences obtenues en fonction des images satellitaires utilisées. Le ESPI mesuré avec les données Landsat-8 (25m) est celui ayant le moins de capacité à décrire les indicateurs de SE. En effet, les pourcentages de déviance expliquée ne dépassent en aucun cas les 10%. Ces résultats sont les mêmes pour les trois séries d’analyses de régression qui ont été effectuées.
Les différences des résultats obtenus avec les données Landsat-8 sont certainement liées à la résolution spectrale des deux bandes qui ont été utilisées pour calculer le NDVI (Teillet et al., 1997), particulièrement, celle du proche-infrarouge. En effet, cette bande a une longueur d’onde entre 0,851 µm et 0,879 µm, alors que la bande du proche infrarouge de Sentinel-2 varie entre 0,763 µm et 0,908 µm. Tandis que la bande 8 de Sentinel-2 permet de capturer plus de détaille du spectre lumineux, la bande 5 de Landsat-8 ne capture qu’une zone très détaillée, qui expliquerait donc les résultats obtenus. Ce qui précède va donc affecter les résultats du NDVI et par conséquent du ESPI.
En sus, les résultats des modèles calculés avec le ESPI Sentinel-2 à 25m et à 10m, varient relativement peu et n’indiquent pas laquelle des deux résolutions permet de mieux expliquer la variation des indicateurs de SE. La différence de résolution spatiale est uniquement de 15m, ce qui peut signifier qu’un rééchantillonnage vers une proche résolution spatiale n’affecte pas de manière importante les valeurs des couches utilisées.
Par ailleurs, les modèles effectués avec la résolution spatiale de MODIS (250m) ont une capacité plus importante d’expliquer la variation des indicateurs de SE, que ceux effectués avec la résolution de 25m. Dans ce cas, le rééchantillonnage a plus d’importance. En augmentant la résolution spatiale du ESPI MOD à celle des indicateurs de SE, nous améliorons la capacité du raster à distinguer les détails, ce qui peut expliquer des résultats plus faibles car la segmentation du territoire est plus visible. D’un autre côté, en réduisant la résolution spatiale, il y a une réduction de la capacité à différencier des détails au sol, ce qui implique une analyse plus grossière. De cette façon, certaines zones du territoire ont pu être homogénéisées, faisant moins ressortir la fragmentation du Grand Genève.
Malgré le potentiel du ESPI, celui-ci ne peut être utilisé comme un indice « tout-en-un » (Jullian et al., 2021) pour décrire les indicateurs de SE. De cette façon, plusieurs facteurs, comme nous l’avons vu jusqu’à maintenant, influencent la capacité de cet indice, basée sur deux attributs fonctionnels du NDVI, à décrire les variations des SE :
- Tous les indicateurs de SE ne peuvent pas être décrits par le ESPI. Ceci est lié à leur répartition sur la zone d’étude et à la manière, plus ou moins complexe, dont ils ont été estimés ;
- Le ESPI est fortement lié aux classes d’affectation du sol et varie à travers celles-ci ;
- La source des données satellitaires a une influence sur le ESPI, en fonction de la résolution spectrale, temporelle et spatiale des données sélectionnées ;
- L’échelle et la résolution spatiale influencent les analyses de régression entre les indicateurs de SE et les ESPI.
Recommandations pour l'avenir
Plusieurs éléments pourraient être considérés avec la volonté de continuer à explorer le potentiel de la télédétection, et plus particulièrement du ESPI, pour décrire des SE ayant fait l’objet d’une estimation préalable :
- Pour réaliser des analyses de régression en sélectionnant uniquement les zones vertes, il serait pertinent de choisir une couche contenant plus de classes d’affectation du sol sur le Grand Genève, ce qui permettrait de mieux discerner la fragmentation du territoire.
- Explorer le potentiel du ESPI uniquement sur des indicateurs de SE, qui, comme le ESPI, varient sur l’ensemble des classes d’affectation du sol, et qui ne soient pas concentrés sur des zones spécifiques du territoire. Bien sûr, cela limiterait dès le commencement les indicateurs de SE pouvant être monitorés par le ESPI.
- Estimer le ESPI sur une période d’étude plus large, comme dans Paruelo et al. (2016), et sur une période d’étude annuelle, comme dans Jullian et al. (2021).
- Travailler sur une zone d’étude plus large que celle du Grand Genève.
- Utiliser les données MOD13Q1 pour des explorations à plus grande échelle, par exemple régionale (Paruelo et al., 2016), et les données Sentinel-2 pour les échelles locales comme celles du Grand Genève.
- Combiner le ESPI avec d’autres variables pouvant influencer la provision de SE. Par exemple, Paruelo et al. (2021) proposent la combinaison du ESPI avec l’aire des masses d’eau lorsqu’il s’agit d’évaluer des indicateurs de SE de loisirs.
L’utilisation future de cet indice faciliterait les évaluations des variations des SE sur le territoire du Grand Genève, ce qui impliquerait moins de ressources, tant économiques que temporelles. La réduction des ressources pourrait contribuer à faire prendre des décisions plus efficacement, particulièrement sur la protection et la conservation des surfaces, contribuant de manière importante à l’apport des indicateurs de SE.
La télédétection, ainsi que les indices qui sont liés, contribuent à l’évaluation et au monitoring des SE, mais ne sont pas l’unique solution à considérer. L’évaluation des SE est complexe et son monitoring ne peut être simplifié à l’usage unique d’un seul indice comme celui du ESPI. Ainsi ce dernier doit être utilisé avec des ‘pincettes’, tout en assurant sa contextualisation.
Conclusion
En dépit des résultats plutôt prometteurs du ESPI à expliquer un pourcentage relativement élevé de la variation dans la provision de divers SE, d’après les articles de Paruelo et al. (2016) et Jullian et al. (2021), ces résultats n’ont pas été aussi satisfaisants qu’espérés dans le cadre de ce travail de master.
La télédétection et plus particulièrement les indices qui y sont liés, contribuent au suivi des SE à l’échelle régionale de manière partielle. En effet, plusieurs facteurs influencent la capacité de la télédétection à monitorer la tendance temporelle des SE, et dans tous les cas, elle ne peut être utilisée comme le seul outil pour effectuer ce monitoring. La capacité de la télédétection à monitorer les SE à l’échelle régionale, est liée à la manière dont les indicateurs de SE ont été évalués au préalable, particulièrement à leur complexité, mais aussi aux données satellitaires qui sont utilisées. Ainsi, il est particulièrement important de considérer le contexte, tant temporel que spatial sur lequel nous travaillons. De ce fait, la télédétection et le ESPI, restent complémentaires à d’autres outils qui pourraient s’avérer plus pertinents.
Nous pouvons considérer que les indicateurs de SE pouvant être le mieux monitorés et décrits grâce à la télédétection répondent à deux critères. Le premier est la variation des indicateurs de SE sur l’ensemble du territoire d’étude et dont la variation est fortement liée aux classes d’affectation du sol. Cela implique que les indicateurs de SE qui disposent d’attributs en relation avec la végétation pourront être mieux monitorés. Le deuxième est la complexité de la méthodologie utilisée pour mesurer ces indicateurs dans un premier temps. Ainsi, dans le cadre de ce travail, les indicateurs de SE, dont la variation a été le mieux expliquée par le ESPI, sans importer la source des données, ont été le stockage de carbone atmosphérique, la régulation du microclimat et de la qualité de l’air et la naturalité.
Dans le contexte de ce mémoire, tant les données Sentinel-2 que MOD13Q1 sont pertinentes pour décrire la variation des indicateurs de SE sélectionnés. Cependant, pour des échelles locales, il est recommandé d’utiliser les données Sentinel-2, et pour les échelles régionales du type européenne, les données MOD13Q1. Toutefois, il est nécessaire de considérer la résolution spatiale et spectrale des données, qui aura une influence dans la capacité du ESPI à décrire les variations des indicateurs de SE.
De manière générale, le ESPI est limité dans sa capacité de décrire les tendances temporelles pour l’approvisionnement de divers SE dans la région du Grand Genève. En effet, même si les résultats obtenus avaient été plus satisfaisant, cet indice est fortement limité. Le monitoring des SE ne peut pas être simplifié au ESPI, au moins tel qu’il existe et proposé actuellement.
Le ESPI pourrait contribuer à réduire les coûts de monitoring des SE évalués dans le contexte du Grand Genève. Cependant, pour faire usage de cet indice, il est nécessaire de continuer à l’explorer, avec les recommandations indiquées précédemment. Ainsi, le ESPI pourrait potentiellement contribuer au suivi de certaines variables des différents piliers utilisés pour déterminer l’IE du Grand Genève.
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