21 juillet 1969 : l'Homme décroche la Lune

Les histoires qui ont façonné la légende d'Apollo XI

Depuis la nuit des temps, la Lune fait rêver l’Humanité. En témoignent, dès l’Antiquité,  les nombreuses références à notre satellite dans les œuvres d’art . Evidemment, le rêve le plus fou était de s’y rendre. Au IIe siècle après J.C., le penseur Lucien de Samosate est le premier à raconter un voyage sur la Lune. Suivirent notamment, au fil des siècles, Jules Verne ou Fritz Lang.

Les progrès technologiques aidant, envoyer un homme sur la Lune devient réellement envisageable au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

Alors qu’Hergé y pose Tintin dès 1952, la Guerre Froide entre les Etats-Unis et l’URSS va permettre de concrétiser le projet. Au-delà de son aspect technique, la conquête de l’espace est un enjeu politique, diplomatique et de prestige pour les deux super-puissances de l’époque. Dans un premier temps, Moscou mène la danse avant que Washington ne reprenne le dessus à la fin des années 60 avec le programme Apollo.

Cette StoryMap Esri France/LCI.fr explore les coulisses et les petites histoires qui firent la grande histoire de la mission Apollo XI, celle qui amena Neil Armstrong et Buzz Aldrin à être les premiers hommes à fouler le sol de notre satellite naturel le 21 juillet 1969. 

A travers des vidéos d’archives, des cartes, des récits ou encore des infographies en 3D, nous vous proposons de repartir vous aussi, cinquante ans après, à la conquête de la Lune, l’un des événements les plus marquants du siècle dernier.

  1. La course aux étoiles
  2. L'étoffe des héros
  3. L'odyssée
  4. "Un petit pas pour l'homme"
  5. De la Lune à la Terre
  6. Tout ça pour quoi ?

Dès 1945, la Guerre Froide entre les Etats-Unis et l’URSS se joue en partie au-dessus de nos têtes. La course à l'espace, puis à la Lune, devient alors un enjeu majeur, notamment sur le plan idéologique. Les Soviétiques prennent tout d'abord le leadership avec la mise en orbite terrestre du premier satellite en 1957 puis l’envoi du premier homme dans l’espace en 1961. Mais les Etats-Unis réagissent.

Dans ce chapitre, vous pouvez revivre :

  • Le chassé-croisé américano-soviétique dans l'espace
  • Comment l'Amérique fut humiliée par Gagarine
  • La réponse fondatrice de Kennedy 

Un marathon de deux décennies

12 avril 1961 : Gagarine dans l'espace L'Amérique humiliée

La presse occidentale après la sortie de Gagarine dans l'espace

De l’exploit technologique à l’instrument de domination politique, il n’y a souvent qu’un pas. Le 12 avril 1961, à 9h07 précises, heure de Moscou (6h07, heure universelle), une fusée de cinq tonnes, noyée dans un épais nuage de fumée accompagné d’un grondement assourdissant et crachant des langues de feu, s’arrache du sol de la base secrète de Tyura-Tam, à 250 kilomètres du cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan. Au sommet de l’engin, une sphère cabossée, fabriquée à partir d’un alliage d’aluminium. C’est à bord de ce vaisseau, baptisé Vostok 1, que le cosmonaute soviétique Youri Gagarine, âgé de 27 ans, devient le premier homme à voyager dans l’espace, en effectuant le tour de la Terre à 327 kilomètres au-dessus du plancher des vaches.

Prodigieuse réalisation, comme on en vit peu dans la vie des hommes, ces 108 minutes de vol extra-terrestre (au sens propre du terme) vont marquer l’imaginaire de l’Humanité, concrétisant de fait le rêve d’échapper à l’attraction terrestre. Comparable aux odyssées des grands navigateurs découvrant une terra incognita, le premier survol de la planète par un homme en chair et en os inaugure une nouvelle ère de notre histoire : celle de la conquête spatiale. L’exploit et le nom de son auteur résonnent partout dans le monde. Journaux et magazines consacrent leurs éditos et une multitude d’articles à l’événement durant plusieurs jours.

Youri Gagarine

Ce jour-là, l'Union soviétique de Khrouchtchev remporte de fait une victoire écrasante sur les Etats-Unis. Et en pleine Guerre Froide, la prouesse du jeune lieutenant Gagarine ne manque évidemment pas d’être utilisée politiquement par Moscou comme symbole de sa domination sur Washington.

A l'opposé, pour les Américains, convaincus de la supériorité de leur pays, le choc est rude. "Comment l’URSS, seize ans après un conflit qui l’a plongée dans un désastre démographique et économique, a-t-elle pu doubler les Etats-Unis qui, eux, étaient sortis renforcés de la Seconde Guerre mondiale ?", s'indigne par exemple le Herald Tribune. Devant le Congrès, le chef d’état-major de l’armée de l’air, Thomas D. White, va même jusqu’à dénoncer "la puissance grandissante des Soviétiques dans le domaine spatial (comme) la menace la plus grave de l’histoire des Etats-Unis".

Le journal de Huntsville, où se trouve l'un des centres de la Nasa, après la sortie de Gagarine dans l'espace

Paradoxalement, c'est pourtant sur le vol de Gagarine que s'achèvera le temps des exploits de l’Union soviétique dans cette course aux étoiles. Grâce aux travaux de la Nasa, l'agence spatiale créée dès 1958, les Etats-Unis ont en fait déjà rattrapé une partie de leur retard. Trois semaines après ce 12 avril 1961, ils envoient ainsi à leur tour leur premier astronaute dans l’espace. Il s’agit seulement d’un vol suborbital de quinze minutes. 

Mais ce succès va convaincre le président Kennedy, jusque-là hésitant, de fixer un nouvel objectif à l'Amérique : aller sur la Lune.

President Kennedy Challenges NASA to Go to the Moon

Le 25 mai 1961, JFK tire les leçons de l’envoi par l’URSS du premier homme dans l’espace. Devant le Congrès, il admet le leadership soviétique dans la conquête de l’espace et affirme que la bataille spatiale est un aspect de la "bataille qui se joue actuellement à travers le monde entre la liberté et la tyrannie".

Il assigne alors un nouveau but à l’Amérique :

"Je demande donc au Congrès, en plus et au-delà des augmentations que j’ai déjà demandées pour les activités spatiales, de débloquer les fonds nécessaires pour atteindre les objectifs nationaux suivants : tout d’abord, je crois que cette nation devrait se donner comme but à atteindre, avant la fin de cette décennie, d'envoyer un homme sur la Lune et le ramener sain et sauf sur Terre. Aucun projet spatial lors de cette période ne sera plus impressionnant pour l'Humanité, ou plus important pour l'exploration à long terme de l'espace, et aucun ne sera aussi difficile ou coûteux à réaliser". 

Avec le programme Apollo, le but de la Nasa, la toute jeune agence spatiale américaine, est donc simple : envoyer un homme sur la Lune "avant la fin de la décennie". 

Dans ce chapitre, vous allez découvrir :

  • Les trois astronautes retenus pour la 11e mission Apollo, définie pour être celle de l'exploit
  • Margaret Hamilton, la femme sans qui rien n'aurait été possible
  • Les grands centres techniques où sont construits les engins nécessaires au voyage

Margaret Hamilton : La femme sans qui rien n'aurait été possible 

Margaret Hamilton dans le module de commande d'Apollo

Au début des années 1960, le terme même de "logiciel" n’est pas employé. Et l’informatique est loin d’être une industrie florissante. Pourtant, les premières briques de code sont développées à cette période avec comme objectif d'aller sur la Lune. Parmi les scientifiques affectés au projet, figure notamment une femme : Margaret Hamilton.

Le nom de cette mathématicienne est pourtant resté longtemps méconnu, au point qu'il a d’ailleurs fallu quarante-sept ans au gouvernement des Etats-Unis pour récompenser Margaret Hamilton de ses services. En aidant à concevoir les logiciels de la mission Apollo XI, cette pionnière a également posé les bases de ce que sera l’informatique moderne.

Une mathématicienne dans une société à la "Mad men"

En 1962, au début du programme Apollo, Margaret Hamilton n’a que 25 ans. Elle vient tout juste d’intégrer le prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT). Ses compétences font rapidement d'elle la candidate idéale pour développer l'ordinateur de bord qui équipera les futurs vaisseaux du programme Apollo. 

Margaret Hamilton et le manuel de l'ordinateur de bord

"Elle avait déjà travaillé à la fin des années 1950 en tant que programmeuse sur un projet militaire qui s’appelait SAGE. Il visait à mettre au point un système de défense aérienne. Avec son équipe, Hamilton a permis d’inventer le premier système informatique capable de fonctionner en temps réel", explique à LCI Pierre Mounier-Kuhn, historien de l’informatique à l'Université Paris-Sorbonne et coauteur de Histoire illustrée de l'informatique (EDP Sciences, 2016).   

La codeuse, repérée par les responsables de la Nasa, rejoint alors le département dédié à l'"automation" (ndlr : l'utilisation des services d'un logiciel dans une application informatique) et aux technologies de guidage, où elle est donc en charge d'élaborer le système embarqué qui prendra place à bord des vaisseaux du programme Apollo. 

Dans un secteur où, aujourd’hui encore, les femmes ont souvent du mal à percer, Margaret Hamilton consacre des heures à sa mission. Amenant parfois sa petite fille Lauren dans les bureaux de l’Instrumentation Lab du MIT. Et se prenant en pleine face les remarques désobligeantes qui allaient avec : "Comment peux-tu laisser ta fille ici ?".  

Margaret Hamilton dans la capsule Apollo

Elle poinçonne des trous dans des cartes en carton

Outre la place des femmes dans le monde de la recherche, le parcours de Margaret Hamilton reflète aussi la montée en puissance des logiciels. Les programmes de bord finissent ainsi par mobiliser plus de 400 personnes à la moitié de l’année 1968. 

Pour Hamilton, programmer signifie poinçonner des trous dans des piles de cartes perforées. Elles sont ensuite traitées de nuit, par lots, sur un ordinateur Honeywell, aussi grand qu'une pièce, qui simule l’alunissage. Bien loin de la notion même de disques durs et de mémoire vive, le système ne stocke que 12.000 mots dans sa mémoire permanente. Il est néanmoins le tout premier ordinateur à avoir une telle importance dans un programme spatial. 

La jeune femme parvient notamment à élaborer un système de priorisation des tâches qui s'avérera vital lors d'Apollo XI. Le 20 juillet 1969, alors que le module Eagle est sur le point d’alunir (voir chapitre 3), de nombreuses alarmes se déclenchent : l’ordinateur de bord souffre d’une surcharge de travail et il est incapable de traiter toutes les données en même temps.

Margaret Hamilton avec un technicien de la Nasa

"L'ordinateur était programmé pour faire mieux que simplement identifier une situation d'erreur. Des programmes de récupération avaient été incorporés dans le logiciel. Cela permettait d'éliminer les tâches ayant les priorités plus faibles et d’exécuter les plus importantes. Si l'ordinateur n'avait pas reconnu le problème et entrepris ces actions de récupération, je doute qu'Apollo XI aurait réussi son atterrissage sur la Lune comme il l'a fait", expliquera-t-elle en 1971.

Après le MIT, Margaret Hamilton cofonde sa propre entreprise de développement logiciel, Higher Order Software, puis, en 1986, la société Hamilton Technologies, où elle crée son propre langage de programmation. En 2003, vingt-sept ans après son départ de la Nasa, l'agence spatiale lui remet enfin un "Exceptionnal Space Act Award" pour l'ensemble de ses contributions scientifiques et techniques au programme Apollo.

Quelques années plus tard, en 2016, âgée de 80 ans, elle reçoit la Médaille présidentielle de la liberté, remise par Barack Obama, la plus haute distinction aux Etats-Unis.

Les trois forteresses de la Nasa

Aller sur la Lune étant devenu une cause nationale, les complexes techniques de la Nasa se multiplient un peu partout aux Etats-Unis. Trois d'entre eux sontstratégiques.

Saturn, Columbia, Eagle

    La fusée chargée d'envoyer les premiers hommes vers la Lune est divisée en trois parties principales. Tout d'abord, le lanceur. Baptisé Saturn V, composé de trois étages, c'est le plus puissant jamais développé. Ensuite, le module de commande (CSM), surnommé Columbia, où les astronautes devront voyager après la séparation avec Saturn V. Et enfin le module lunaire (LM), nommé Eagle, qui doit se poser sur notre satellite.

La coupe schématique de Saturn V

Saturn V, composée de trois étages, reste à ce jour la fusée la plus puissante jamais construite

Le module de commande CSM (Command and service module), nommé Columbia

Le modèle lunaire (Lunar module, LM), baptisé Eagle

Après des mois de préparation technique et d'entraînement physique pour Armstrong, Aldrin et Collins, tout est enfin prêt pour le grand voyage d'Apollo XI vers la Lune. 

Pour revivre ce voyage incertain, nous vous proposons :

    • Un zoom sur le "4e membre d'équipage"
    • Une carte interactive de la Lune et une animation 3D de la zone d'arrivée du module lunaire
    • La vidéo de l'alunissage et de ses péripéties

    

5, 4, 3, 2, 1...

Le 16 juillet 1969, à 9h32mn00s, heure locale en Floride (13h32, heure universelle), Saturn V décolle, direction la Lune. L’arrivée est prévue quatre jours plus tard.

Trois hommes et une machine

L'Apollo Guidance Computer (AGC)

A peine plus intelligent que le lave-vaisselle qui trône aujourd'hui dans votre buanderie, l'Apollo Guidance Computer (AGC, pour "ordinateur de guidage" d'Apollo), souvent surnommé le "4e membre d'équipage", est une merveille technologique. Outre aider Armstrong, Collins et Aldrin dans leur mission, il a permis à l’informatique d'effectuer un bond de géant. Sa conception, fruit de huit ans de recherches au sein du Massachusetts Institute of Technology (MIT), a mobilisé plus de 700 cerveaux, parmi les plus brillants des mathématiciens, ingénieurs ou programmeurs. 

Au début des années 60, l'informatique est une technologie balbutiante. Le microprocesseur n'a pas encore été inventé -il ne sera conçu qu'au cours de la décennie suivante par Intel. De ce fait, même le plus petit des ordinateurs a une taille comparable à celle de deux gros réfrigérateurs positionnés l'un à côté de l'autre. Trop encombrant pour une expédition lunaire, où le moindre centimètre ou kilogramme compte. Le premier défi, pour les scientifiques du MIT, consiste donc avant tout à faire entrer ces deux frigos dans une mallette. 

L'écran de contrôle de l'AGC

A cela s'ajoute également le problème de la vitesse de traitement de la machine. Les premiers ordinateurs mettaient en effet généralement des heures, voire des jours, pour effectuer une action. Or celui d'Apollo devait être en mesure d'effectuer des tâches en temps réel. Mais en 1969, une machine capable de prendre ses propres décisions et de réagir à la milliseconde n'est encore qu'une chimère.

"Le premier ordinateur de l’Histoire a été conçu en juin 1949 à Cambridge. Quand le programme Apollo commence à être mis sur orbite, les bases de l’informatique sont acquises. Nous en sommes déjà à la troisième génération d’ordinateurs et plusieurs centaines de langage de programmation existent. Cependant, nous commençons tout juste à maîtriser le software, c’est-à-dire la programmation informatique", explique à LCI Pierre Mounier-Kuhn, historien de l’informatique.

Coup de pouce à l'informatique moderne

La check-list à effectuer avant le décollage

Les missions spatiales, en particulier Apollo, ont donné tout de même un sacré coup de pousse au développement de l’informatique moderne. "Nous aurions sans doute accompli les mêmes choses, mais plus lentement, s’il n’y avait pas eu les milliards de dollars déversés par le gouvernement américain. Mais l'Union soviétique, à travers ses deux programmes d'exploration lunaire, a également participé à ce bond de géant", reprend l'historien de l'informatique.

A l'époque, les scientifiques du MIT, dont Margaret Hamilton, n'ont pas seulement donné aux astronautes l'ordinateur dont ces derniers avaient besoin. Ils ont mis au point un outil avec lequel Armstrong & Co pourraient interagir. D’où la nécessité d’installer un écran de contrôle et un clavier. Les touches de celui-ci étaient volontairement de grande taille afin de pouvoir être saisies facilement avec des gants d’astronaute. 

L’AGC était également doté d’un mode "récupération". "En cas de coupure de courant de l'engin spatial, la machine conservait en mémoire une trace de son travail à son redémarrage, note Pierre Mounier-Kuhn. Ces fonctionnalités, que nous prenons aujourd’hui pour acquises, étaient extrêmement novatrices". Surtout, elles se révélèrent indispensables le 20 juillet 1969. En raison d'un problème au niveau de l'antenne du module lunaire, l'AGC s'est en effet "rebooté" à cinq reprises en quatre minutes. 

L'AGC pouvait aussi effectuer l’intégralité de la mission en pilote automatique, tout en informant les astronautes de ce qu'il se passait. L'ordinateur tenait notamment les pilotes informés de la teneur en oxygène et en gaz carbonique à l'intérieur du module. Il contrôlait aussi les quantités d'eau et de carburant disponibles. Au moment de l'alunissage, il gérait enfin le radar qui évaluait la distance séparant le vaisseau de la surface. Ainsi que les gyroscopes, accéléromètres et autres capteurs indiquant la position exacte du module dans l’environnement spatial.

Astronautes contre électroniciens

Une machine imposante

L'ordinateur embarqué d'Apollo incarne d'ailleurs, à l'époque, le rêve de l’automate, de la machine intelligente et du serviteur mécanique. Et au regard de ces trois rêves, le cauchemar de la machine qui échappe à l’Homme et qui se retourne contre lui. "On assistait à une lutte de point de vue entre les électroniciens d'un côté et les pilotes de l'autre. La question qui se posait : une machine peut-elle mieux piloter qu’un humain ?".

"La mission Apollo XI est en fait le premier exemple de pilotage assisté par ordinateur. Mais en dernière instance, c’est l’être humain qui devait reprendre le contrôle sur la machine. Et de fait, peu de temps avant l'alunissage, l'AGC a donc bugué, car il était surchargé de tâches et Armstrong a dû reprendre en mains le pilotage en mode manuel", souligne Pierre Mounier-Kuhn. 

Il faut savoir que la plupart des technologies qui ont permis à l'Homme de se rendre sur la Lune ont dû être inventées. Et c'est aussi le cas des composants internes de l’AGC. Pour l’anecdote, les circuits imprimés et le câblage ont été réalisés par le biais de métiers à tisser sophistiqués dans une usine Raytheon à Waltham, dans le Massachusetts. 

Plusieurs dizaines d'ouvrières du textile, parmi les meilleures dans leur domaine, avaient été recrutées pour effectuer ce travail méticuleux. "Il consistait à faire passer des fils dans des anneaux, détaille Pierre Mounier-Kuhn. Cela nécessitait de placer l’aiguille au bon endroit. Un décalage de quelques millimètres pouvait conduire à l’échec de la mission."

Les circuits imprimés fabriqués par des ouvrières du textile

En réalité, il n'y avait d'ailleurs pas un mais deux appareils embarqués -un dans le vaisseau principal et un autre dans le module lunaire. Ils disposaient chacun de 78 ko de mémoire vive. Pour se faire une idée, c'est la puissance requise aujourd'hui pour envoyer un simple e-mail. 

L'AGC pouvait néanmoins gérer jusqu’à 85.000 instructions par seconde. En comparaison, un iPhone de dernière génération peut quant à lui en manager jusqu'à 5.000 milliards. Il faudrait ainsi 681 jours à l'AGC pour effectuer le travail que votre iPhone peut faire en l'espace d'une seconde.

Lune en vue !

Le dimanche 20 juillet 1969, le périple spatial d'Apollo XI touche au but. Après s'être détachés du module de commande Columbia et avoir laissé Collins en orbite, Aldrin et Armstrong entament leur descente vers la Lune à bord d'Eagle.

Avec cette carte interactive de la Lune, découvrez, grâce aux losanges violets, le lieu d'alunissage d'Apollo XI et des autres missions qui suivirent. En jaune, figurent les principaux cratères qui permettaient aux astronautes de se repérer depuis l'espace. 

Réalisation : Lajos Lazar

Grâce à cette animation 3D, plongez, comme Neil Armstrong et Buzz Aldrin, vers la Mer de la Tranquillité, l'une des mers lunaires, le site prévu pour l'alunissage. 

Animation 3D- ArcGIS PRO - Apollo XI - Réalisation : Justine Vignat

Après quelques péripéties et une grosse frayeurNeil Armstrong et Buzz Aldrin se posent sur notre satellite à 20h17mn40s, temps universel, le 20 juillet 1969. "Houston, ici la base de la Tranquillité. L'Aigle a aluni", lance alors Neil Armstrong à destination du centre de contrôle.

Avec cette vidéo de la Nasa, prenez place dans Eagle pour revivre ce premier alunissage de l'Histoire comme si vous pilotiez le module lunaire. A gauche, les images d'époque de la caméra disposée sur l'appareil. A droite, la version digitalisée et remastérisée par l'agence spatiale américaine. Le tout avec les communications audio entre l'appareil et la Nasa à Houston.

Apollo 11 Descent: Film and LRO Imagery

102 heures après le décollage, Neil Armstrong et Buzz Aldrin sont donc les premiers hommes à se trouver sur la Lune. Ce qui les attend est forcément inédit. 

Dans ce chapitre, revivez leur aventure extra-terrestre avec notamment :

  • Un focus sur les six heures passées dans Eagle avant de sortir
  • La phrase exacte prononcée par Armstrong au moment où il pose le pied sur le sol
  • Une infographie immersive de leur "balade lunaire

Six heures d'attente sous le signe de Dieu 

Si tout le monde pousse un grand ouf de soulagement au Centre de contrôle de mission après l'alunissage d'Eagle, Neil Armstrong et Buzz Aldrin restent de longues heures dans le module lunaire avant de sortir. Pourquoi un tel délai ? Rien ne garantissait qu’au retour de leur balade, les systèmes nécessaires à leur maintien en vie et ceux pour communiquer avec la Terre continueraient de fonctionner comme prévu.

De ce fait, il leur était indispensable d'effectuer des tests pour s'assurer qu'ils soient opérationnels pour le retour. Dans le  dossier de presse remis par la Nasa aux rédactions  du monde entier avant la mission, l’agence spatiale prévoyait donc une séquence de dix heures, comprenant une "check-list" mais également un temps de repos et  un repas , avant la pose des combinaisons spatiales et la dépressurisation d'Eagle.

Le menu des "festins lunaires" d'Armstrong et Aldrin

Buzz Aldrin, fervent chrétien, profita de cette pause pour demander à son commandant un moment de silence afin d'effectuer la première communion lunaire, comme il le confie dans sa biographie Magnificent Desolation (en français, Désolation magnifique) parue en 2009. 

"Pendant ces premières heures sur la Lune, juste avant les périodes prévues de repos et de repas, je suis allé prendre dans mon kit personnel les éléments de la communion et une petite carte sur laquelle j’avais écrit les paroles de Jésus (…) Je me suis versé un dé à coudre de vin d’un sac en plastique scellé dans un petit calice et j’ai attendu que le vin se stabilise puisqu’il tourbillonnait à cause de la gravité". Aldrin avale ensuite une hostie qui lui avait été fournie par son pasteur presbytérien.

Le calice d'Aldrin (Crédit : David Froham, President of Peachstate Historical Consulting, Inc.)

Histoire passée sous silence

A l'époque, cette partie de l'histoire est passée sous silence car la Nasa est prudente depuis Apollo VIII. Au cours de cette mission, les astronautes avaient lu la Genèse pour conclure une retransmission télévisée alors qu'ils tournaient autour de la Lune, la veille de Noël. Mais la militante athée Madalyn Murray O'Hair, estimant qu'il s'agissait d'une infraction au premier amendement de la Constitution, avait saisi la Cour suprême. Et la procédure était toujours en cours lors d'Apollo XI.

Finalement, au bout de six heures (soit quatre plus tôt que prévu), Neil Armstrong estime que tout est en ordre. Après un ultime test radio, la dépressurisation est lancée, l'air de la cabine s'échappant alors comme prévu dans le vide lunaire. Quinze minutes plus tard, la pression n'est toujours pas tombée à zéro. Houston suggère d'ouvrir tout de même l'écoutille carrée, large de 80 cm, à ras du plancher sous le tableau de bord. 

Armstrong sort alors, seul, et descend, prudemment, l'échelle du LM. Nous sommes le lundi 21 juillet 1969, temps universel. A 2h56mn20s (ndlr : à Paris, il est 3h56 tandis qu'à Houston, au centre de contrôle, c'est toujours le 20 juillet, 21h56), il pose le pied gauche sur la Lune. L'instant est historique. Ses mots passent immédiatement à la postérité.

One Small Step, One Giant Leap

“That's one small step for man, one giant leap for mankind”

(“C’est un petit pas pour l’Homme, un bond de géant pour l’Humanité”). C'est ce que l’ensemble du monde comprend quand Armstrong s’exprime en effectuant son premier pas sur la Lune.

En fait, il n’a probablement pas prononcé ces paroles. Il aurait utilisé en effet "a" devant "man". Ce qui donne en français : "C'est un petit pas pour un homme, un bond de géant pour l'Humanité". Le sens de cette phrase historique est donc différent. La mauvaise qualité de la transmission explique l’incompréhension. Une analyse des enregistrements a attesté que le "a" est trop court pour être entendu : il ne dure que 35 millisecondes.

Au clair de la Terre

Seul sur la Lune, Armstrong peut admirer la vue unique qui lui est offerte, avec la Terre perdue dans l'immensité de l'espace. Dix-neuf minutes plus tard, il est rejoint par Aldrin. Les deux hommes plantent alors le drapeau américain sur le sol et entament une série d'expériences.

Dans l'infographie animée ci-dessous, vous pouvez revivre cette première sortie extra-véhiculaire sur le sol sélène et la "balade lunaire" des deux hommes. En scrollant, vous allez notamment découvrir le lieu d'alunissage d'Eagle, les endroits où plusieurs instruments scientifiques ont été déposés et le lieu où le drapeau américain a été planté.

"Moon hoax" : la bannière étiolée

Pour les "conspirationnistes", ce drapeau qui flotte est la preuve de la mise en scène de la Nasa

Ils l’affirment haut et fort : "Les Américains n’ont jamais marché sur la Lune !". Pourquoi ? Lors de l'expédition lunaire, Buzz Aldrin prend notamment la pose dans son scaphandre à côté du drapeau américain qu'il vient de planter avec son équipier. Sur les images, l’étendard semble flotter. Or, pour cela, il faut qu’il y ait du vent. Et pour qu’il y ait du vent, il faut qu’il y ait de l’atmosphère. Et sur la Lune, pas d’atmosphère, donc pas de vent !

Un détail qui n'échappe pas à Bill Kaysin. En 1974, cet écrivain américain publie Nous ne sommes jamais allés sur la Lune : l'escroquerie américaine à trente milliards de dollars. Outre le drapeau, il énumère ce qu'il présente comme des incohérences. Par exemple, l'absence d'étoiles dans le ciel ou de marquage au sol sur le site de l'alunissage. Il affirme donc que ces images ont été tournées dans une base militaire secrète, installée dans le désert du Nevada, avec des effets spéciaux d'Hollywood et l'aide du réalisateur Stanley Kubrick.

La seule photo d'Armstrong sur la Lune, avec le drapeau derrière lui

La Nasa riposte finalement en 2002. Elle explique que, pour qu’un drapeau flotte sur la Lune, il faut tricher ! Comment ? "En mettant une barre horizontale sur le drapeau". Tout simplement. D’ailleurs, si l’on regarde de plus près ceux des missions Apollo, il est possible d'apercevoir cet artifice.  Pourtant, aujourd’hui encore, cette théorie conspirationniste continue à faire des émules . Ainsi, 16 % des Français pensent que l'agence spatiale américaine a tout inventé, comme le révélait une récente enquête de la Fondation Jean-Jaurès.

Deux heures et demie après le premier pas d’Armstrong, la sortie extra-véhiculaire est terminée : les deux astronautes sont de retour dans Eagle. Une nouvelle étape, toujours aussi incertaine, les attend alors : celle du retour vers la Terre. 

Cette aventure sera marquée par :

  • Un incident qui oblige Aldrin à devenir un "MacGyver de l'espace"
  • Un rendez-vous en orbite lunaire avec Michael Collins
  • Un amerrissage dans le Pacifique, suivi d'un accueil triomphal

Le "Buzz" du stylo magique

Le "Space Pen" déposé sur le plan de vol d'Apollo XI

En remontant à bord du LM, Neil Armstrong et Buzz Aldrin se débarrassent de leurs combinaisons spatiales et constatent que cette damnée poussière de la Lune, "qui sent la poudre à canon", adhère à tout. Dans la foulée, éreintés par leur expédition, ils s’accordent un repos bien mérité. L'un grimpe sur un capot moteur, l'autre se recroqueville par terre.

Au réveil, commencent les préparatifs en vue du décollage. Aldrin doit, quant à lui, se transformer en "MacGyver" -un rôle qu'il endosse donc bien avant la première apparition à l'écran de ce personnage de fiction, en 1985. Le bouton du commutateur qui sert à la mise à feu du moteur de remontée a en effet été brisé par l'un des deux hommes, probablement au moment où ils sont revenus dans le module lunaire. Or, sans cette pièce, impossible de redécoller.

Dans ce qu'il présentera après comme un coup de génie, Buzz Aldrin s'empare alors de son stylo, le désormais fameux AG-7 ou "Space pen" (en français, "stylo de l'espace"), en extrait le capuchon et constate que le diamètre correspond à celui du poussoir. Ni une ni deux, il effectue le changement. Et ça marche ! Aujourd'hui encore, Aldrin affirme qu'il possède toujours le stylo original et le morceau de l'interrupteur qui s'était rompu.

Certains commentateurs avancent cependant que le vaisseau aurait pu tout de même redécoller de la Lune sans cette intervention. Buzz, connu pour son ego démesuré et sa haute opinion de lui -même, a-t-il essayé de se construire une légende, quitte à grossir un peu le trait ? Difficile à dire, d'autant plus qu'Armstrong n'a jamais démenti les propos de son équipier. 

Buzz Aldrin et Neil Armstrong dans le module lunaire

Le premier stylo anti-gravité de l'histoire

Conçu par l'entreprise Fischer en vue justement des missions Apollo, le "Space pen" est le tout premier stylo anti-gravité de l'Histoire. Les responsables de la Nasa l'intègrent en 1967 à l'équipement des astronautes. Fischer aurait investi pas moins d'un million de dollars pour développer et breveter ce stylo qui peut être utilisé en apesanteur et résiste aux conditions les plus extrêmes. Le "Space pen" est capable, par exemple, d'écrire la tête en bas, sous l'eau ou par des températures allant de - 35 à +120 degrés Celsius. Son secret réside principalement dans la composition de l'encre et dans la recharge, pressurisée avec de l'azote. L'écoulement de l'encre n'a donc pas besoin de la gravité pour s'opérer.

Aujourd'hui encore, la société Fischer continue de surfer sur la vague du programme Apollo et commercialise son stylo spatial en le présentant comme un "instrument d'écriture qui a voyagé sur la Lune". A l'occasion du cinquantenaire du 21 juillet 1969, elle a même lancé une version en édition limitée au prix de... 700 dollars.

"The Rendezvous"

Grâce à Buzz Aldrin et au "Space pen", le retour peut commencer. Le 21 juillet à 17h54mn00s (temps universel), soit vingt-et-une heures et vingt-six minutes après l'alunissage, le moteur du second étage d'Eagle soulève le module et le propulse vers l'espace où l'attend Columbia, en orbite à 110 kilomètres. Michael Collins, qui y est resté seul, retrouve enfin ses deux compagnons. Il est 21h35mn.

A gauche : la phase de retour du LM vers le module de commande, selon les documents d'époque de la Nasa ; à droite : l'arrivée du LM sur Columbia

Mission accomplie

Après l'accrochage entre Columbia et Eagle, Armstrong, Aldrin et Collins quittent l'orbite lunaire. Direction la Terre. Le 24 juillet 1969, après un voyage de huit jours, trois heures et dix-neuf minutes dans l'espace, les héros de la mission Apollo XI entrent dans la légende. Ils amerrissent à 16h50mn35s (temps universel) dans l'océan Pacifique, à 3 km du point visé.

La phase d'amerrissage : à gauche, selon le document technique de la Nasa, avec la capsule se détachant de Columbia ; à droite, la photo finale ! 

Avec cette carte, découvrez les lieux exacts de retour sur Terre (ou plutôt dans la mer) d'Apollo XI et des missions qui suivirent.

Réalisation : Ian.cc

Les nouveaux héros de l'Amérique

Récupérés en pleine mer, les trois astronautes vont bien. La Nasa a donc atteint le but fixé par Kennedy huit ans plus tôt : "envoyer un homme sur la Lune et le ramener sain et sauf sur Terre" avant la fin de la décennie. Après une batterie de tests médicaux, les honneurs les attendent.

Après Apollo XI, cinq autres missions américaines arriveront sur la Lune. Mais face au coût démentiel du programme, les Etats-Unis vont  abandonner l'exploration lunaire . Le 14 décembre 1972 , Eugene Cernan sera le dernier homme à marcher sur notre satellite .

Alors, à quoi cette conquête a-t-elle servi ? Dans ce dernier chapitre, nous vous proposons d'en apprendre plus sur :

  • Les roches lunaires ramenées par les astronautes
  • Les innovations technologiques initiées par Apollo

Des cailloux qui valent de l'or

Aldrin, Collins et Armstrong admirent les roches qu'ils ont ramenées de la Lune

Même s'ils sont lunaires, ce sont parmi les matériaux les plus précieux sur Terre. Les astronautes du programme Apollo ont ramené dans leurs bagages des échantillons de roches pour les analyser. Un demi-siècle plus tard, ces morceaux de Lune ont encore des secrets à révéler. Grâce aux technologies du XXIe siècle, les scientifiques continuent en effet d’en apprendre davantage sur la "petite sœur" de la Terre et son histoire commune avec notre planète. La Nasa a d'ailleurs annoncé récemment son intention de mettre à leur disposition des échantillons d’Apollo XI encore jamais étudiés. 

LCI a contacté Frédéric Moynier, professeur de cosmochimie à l'Institut de Physique du Globe de Paris et à l'Université de Paris, pour en savoir plus sur l’histoire de ce "butin" lunaire. 

LCI : A quoi ressemble de la roche lunaire ?

Frédéric Moynier : Si l’on se fie uniquement à son apparence, une roche lunaire n’est pas très différente d’une roche terrestre. A l’œil, il est même quasiment impossible de distinguer ces pierres extraterrestres de celles que nous connaissons sur Terre. Certaines sont de nature basaltique et ressemblent à des cailloux de couleur grisâtre sans grand intérêt. Elles ont été récoltées dans les mers lunaires, les zones sombres que nous apercevons à la surface de notre satellite. La surface lunaire est également composée d’un autre type de roches qui se distingue des autres par sa couleur blanche. Ces cailloux, de nature calcique, forment la "croûte primordiale" de la Lune. Ils sont beaucoup plus anciens et datent de la période  où la Lune s’est formée .

Toutes les missions Apollo ont ramené des "moon rocks"

LCI : Entre 1969 et 1972, les astronautes des missions Apollo ont ramené 2.200 échantillons de matériaux lunaires. Que sont-ils devenus ?

F.M. : Sur les 382 kg de roches lunaires ramenés par Apollo, 23 ont été détruits dans le cadre de travaux scientifiques. Et 61 ont été altérés car ils ont été manipulés afin d’être analysés. Il reste aujourd’hui 298 kg de roches lunaires, soit 3/4 du butin. Ces échantillons ont été prélevés sur un périmètre relativement restreint qui représente moins de 2% de la surface de la Lune. Ils sont totalement intacts. La plupart se trouvent dans un coffre-fort sécurisé du Lunar Sample Laboratory de la Nasa, au sein du Johnson Space Center, à Houston. Par précaution, une partie de ce trésor est aussi conservée à White Sands (Nouveau-Mexique). De ce fait, les échantillons sont encore dans les mêmes conditions qu’il y a un demi-siècle. 

LCI : Pourquoi ?

F.M. : Les Américains avaient anticipé le fait que ces échantillons pourraient servir au cours des décennies suivantes. Sans cela, les résultats des études menées a posteriori auraient été faussés. Les laboratoires utilisent aujourd’hui des technologies qui n’existaient pas à l’époque. De la même façon, les générations futures pourront encore les étudier.

De nombreuses expériences ont été menées sur les échantillons

LCI : En quoi ces échantillons ont-ils transformé notre connaissance de la Lune ?

F.M. : Toutes les théories sur la formation de la Lune ont dû être reconsidérées après le retour des échantillons d’Apollo. Les scientifiques ont notamment pu comprendre la façon dont le satellite naturel de la Terre était né, pratiquement en même temps que la planète bleue il y a 4,4 milliards d'années, à la suite d'un énorme impact entre la jeune Terre et un planétoïde probablement de la taille de Mars appelé Théia. Avant Apollo, cette théorie était pourtant considérée comme la plus farfelue.

Nous continuons encore aujourd’hui d'effectuer des découvertes à partir de ces échantillons. En 2010, une équipe de recherche américaine a par exemple trouvé de l’eau sous forme d’hydrogène à l’intérieur d’un minerai. Cette découverte a remis en cause notre idée de l’origine de l’eau sur la Lune et sur Terre. Cette eau pourrait s’avérer très utile, notamment si nous construisons une base lunaire habitée par des scientifiques. Si la Lune devient une station relais, cela permettrait aussi d’alimenter les moteurs des fusées qui iront explorer le Système solaire.

Des roches gardées comme un trésor

LCI : L’étude de ces roches lunaires a également permis de révéler la présence de ressources stratégiques à la surface de la Lune. De l’eau, donc, mais surtout de l’hélium-3 et même des terres rares…

F.M. : La question des ressources lunaires, notamment l’hélium-3, un élément extrêmement rare sur Terre mais qui serait présent en abondance sur le sol sélène, participe au regain d’intérêt pour l’exploration lunaire. Cet isotope permettrait, dans un avenir hypothétique mais peut-être pas si lointain que cela, d’alimenter des réacteurs de fusion pour créer de l’énergie dite propre. On parle également de la présence de métaux précieux, les fameuses terres rares.  Ces ressources sont l’une des raisons pour laquelle les Chinois s’intéressent à la Lune. 

LCI : Les astronautes des missions Apollo ont même ramené de la Lune une roche contenant un fragment provenant de la Terre. Ce serait la plus ancienne roche terrestre connue.

F.M. : Ce fragment, récupéré par Apollo XIV, est issu d'une roche lunaire de 9 kg, baptisée la "grosse Bertha". Il est âgé de plus de 4 milliards d’années et a probablement été arraché au sol de notre planète par un impact de météorite avant d’être transporté jusqu’à notre satellite. La Lune est une planète qui n’a pas d’activité depuis très longtemps, à la différence de la Terre où il y a du volcanisme et où les plaques tectoniques bougent les unes par rapport aux autres. Cela a eu pour effet d’effacer les traces de l’histoire précoce de notre planète. Sur la Lune, cet échantillon a pu conserver la mémoire de ce qui s’est passé au tout début de l’histoire de la Terre. Notre satellite est un peu comme un fossile.

Au centre, la "grosse Bertha"

La roche d'Apollo XI donnée à la France par Nixon

LCI : Le président américain Richard Nixon a également offert en signe d'amitié universelle des souvenirs de la Lune à chaque pays de la planète, 135 à l'époque.

F.M. : Les fragments donnés à la France se trouvent au Palais de la découverte, à Paris. Ces deux morceaux de Lune sont issus des missions Apollo XI et Apollo XVII (ndlr : seul le second est visible en permanence). Mais au total, seulement 300g de roches lunaires ont été donnés par les Américains, soit moins de 1% du butin. Plusieurs dizaines de ces fragments de Lune ont disparu à la suite à de sombres histoires de trafics et de corruption. Mais cela ne représente que 0,01% du total. Autant dire très peu.

LCI : En novembre 2018, trois échantillons prélevés lors d'une mission non habitée soviétique en 1970 ont été acquis lors d’une vente aux enchères pour 855.000 dollars. Peut-on acheter de la roche lunaire ?

F.M. : Les roches lunaires du programme Apollo sont considérées comme un trésor national aux Etats-Unis. Elles appartiennent à l’Etat américain. Et il est donc impossible d’en acheter. Il y a quelques années, Thad Roberts, un étudiant en stage à la Nasa, avait dérobé des échantillons dans le coffre d’un laboratoire. Il a essayé de les vendre et a fini en prison. En revanche, il est possible d'acheter des fragments de météorites lunaires, notamment sur eBay. Mais il faut faire très attention, car il y a beaucoup d’arnaques. Pour ce qui est du prix, cela peut monter jusqu’à 1.000 euros du gramme. 

De la Lune au quotidien

La course aux étoiles a été à l’origine de nombreuses avancées technologiques. Celles-ci ont, à leur tour, donné naissance à des inventions révolutionnaires. Imagerie médicale, purificateur d'eau, couverture de survie, puce informatique... : ces innovations auraient certainement vu le jour. Mais pas aussi rapidement sans le programme Apollo.

LCI a sélectionné trois de ces innovations qui ont eu un impact direct sur notre vie quotidienne.

L’imagerie médicale (IRM)

L'IRM, des photos de la Lune au corps humain

Développée dans les années 1970, cette technologie permet aujourd'hui d’obtenir des images en 2D ou en 3D de l’intérieur du corps humain, avec une grande précision. L’IRM (Imagerie par résonance numérique) n'a pas été inventée par la Nasa. Mais l’agence spatiale américaine a grandement participé à améliorer ses performances. Pour une raison simple : elle avait besoin d’un système perfectionné de traitement d’images numériques afin de permettre aux ordinateurs d’agrandir les photos de la Lune. 

La couverture de survie

Le packaging mettait en avant l'aspect lunaire de la couverture de survie

Miraculeuse puisqu'elle permet de sauver des vies, cette couverture brillante et très fine, avec laquelle les victimes sont couvertes lors d'accident ou de catastrophe naturelle, doit également beaucoup au programme Apollo. Dès 1964, la Nasa planche sur l'isolation des satellites, navettes et autres combinaisons spatiales. Ces dernières doivent notamment être protégées de la lumière du soleil pour éviter la surchauffe, délétère pour les astronautes et les équipements.

Les couvertures de survie actuelles sont revêtues de deux faces métallisées distinctes, respectivement dorée et argentée. Elles répondent à deux fonctions distinctes : le côté argenté, initialement développé par la Nasa, réfléchit 90% du rayonnement infrarouge, tandis que le côté doré absorbe 50% de la chaleur incidente. De ce fait, si on positionne la face dorée vers l'extérieur, on protège la personne de l'humidité et du froid, en retenant sa chaleur corporelle. Si à l'inverse, on la place côté intérieur, on la protège du coup de chaud.

Le purificateur d'eau

Du recyclage de l'eau à l'élimination des microbes

La Nasa a également mis au point un petit appareil de purification d'eau. Pesant 255 milligrammes et tenant dans une main, ce dispositif recyclait l'eau consommée et éliminée par les astronautes à bord des vaisseaux, en relâchant des ions argent, sans chlore. La technologie a ensuite été adoptée pour tuer les microbes dans les systèmes collectifs de distribution d'eau.

De Neil Armstrong à Eugene Cernan :  les douze apôtres de la Lune

Pour conclure cette StoryMap, voici les visages des douze hommes qui ont, à ce jour, marché sur la Lune, dans l'ordre chronologique de leur arrivée sur notre satellite entre 1969 et 1972.

De quelle nationalité sera le prochain, alors que l'exploration de notre satellite redevient un enjeu scientifique et politique ?  Les Etats-Unis se fixent 2024, mais la Chine est en embuscade...  

StoryMap conçue par la rédaction de  LCI.fr  et  Esri France .

La presse occidentale après la sortie de Gagarine dans l'espace

Youri Gagarine

Le journal de Huntsville, où se trouve l'un des centres de la Nasa, après la sortie de Gagarine dans l'espace

Margaret Hamilton dans le module de commande d'Apollo

Margaret Hamilton et le manuel de l'ordinateur de bord

Margaret Hamilton dans la capsule Apollo

Margaret Hamilton avec un technicien de la Nasa

La coupe schématique de Saturn V

Saturn V, composée de trois étages, reste à ce jour la fusée la plus puissante jamais construite

Le module de commande CSM (Command and service module), nommé Columbia

Le modèle lunaire (Lunar module, LM), baptisé Eagle

L'Apollo Guidance Computer (AGC)

L'écran de contrôle de l'AGC

La check-list à effectuer avant le décollage

Une machine imposante

Les circuits imprimés fabriqués par des ouvrières du textile

Le menu des "festins lunaires" d'Armstrong et Aldrin

Le calice d'Aldrin (Crédit : David Froham, President of Peachstate Historical Consulting, Inc.)

Pour les "conspirationnistes", ce drapeau qui flotte est la preuve de la mise en scène de la Nasa

La seule photo d'Armstrong sur la Lune, avec le drapeau derrière lui

Le "Space Pen" déposé sur le plan de vol d'Apollo XI

Buzz Aldrin et Neil Armstrong dans le module lunaire

A gauche : la phase de retour du LM vers le module de commande, selon les documents d'époque de la Nasa ; à droite : l'arrivée du LM sur Columbia

La phase d'amerrissage : à gauche, selon le document technique de la Nasa, avec la capsule se détachant de Columbia ; à droite, la photo finale ! 

Aldrin, Collins et Armstrong admirent les roches qu'ils ont ramenées de la Lune

Toutes les missions Apollo ont ramené des "moon rocks"

De nombreuses expériences ont été menées sur les échantillons

Des roches gardées comme un trésor

Au centre, la "grosse Bertha"

La roche d'Apollo XI donnée à la France par Nixon

L'IRM, des photos de la Lune au corps humain

Le packaging mettait en avant l'aspect lunaire de la couverture de survie

Du recyclage de l'eau à l'élimination des microbes

StoryMap conçue par la rédaction de  LCI.fr  et  Esri France .