Contamination microbienne en mer

Les rejets urbains et agricoles

La contamination microbiologique du milieu littoral est liée aux apports de diverses origines parmi lesquels les rejets anthropiques urbains et agricoles. La qualité du milieu qui en résulte va conditionner les activités littorales. En effet, la présence, dans les eaux, de contaminants et en particulier de micro-organismes pathogènes pour l'homme peut constituer un risque sanitaire lors de la baignade ou de la consommation de coquillages.

L'Ifremer coordonne du réseau de contrôle microbiologique (REMI) pour mesurer la contamination bactérienne d'origine fécale des zones conchylicoles.

Les coquillages, organismes pouvant filtrer jusqu'à 5 litres d'eau par heure, concentrent les micro-organismes et peuvent être à l'origine de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) : environ 3% des TIAC déclarées en France seraient dues à la consommation de coquillages contaminés.

Bactéries et virus

Les bactéries et les virus font partie du monde des microbes. Ce sont des organismes unicellulaires invisibles à l'œil nu dont la taille est d'environ un micron pour les bactéries et dix fois moins pour les virus.

Bactéries

Isolement E. coli sur milieu TBX (© Gaelle Kaelin / Ifremer)

Les bactéries sont des organismes unicellulaires autonomes d'environ un micron de long, capables de se multiplier par division. En milieu de culture à 37 °C, Escherichia coli est capable de se diviser en 20 minutes, soit, à partir d'une cellule, de générer une colonie d'un milliard d'individus en une dizaine d'heures. En raison de leur grande diversité et capacité d'adaptation, les bactéries peuvent coloniser des environnements très variés. Certaines d'entre elles, grâce à leurs fonctions de dégradation, sont utilisées pour des applications industrielles (agroalimentaire, industries pharmaceutiques, épuration des eaux usées, …).

Les bactéries d'origine fécale humaine ou animale sont excrétées à travers les selles et se retrouver dans l'environnement. En cas de maladie, il y a augmentation du nombre de bactéries pathogènes rejetées. Contrairement aux conditions favorables du tube digestif (matière organique importante, obscurité, 37 °C), l'environnement constitue un milieu hostile aux bactéries fécales. Nombre d'entre elles seront éliminées avant ou pendant leur séjour dans le milieu marin. Cependant, les survivantes pourront être concentrées par les coquillages et représenter un risque pour la santé humaine. C'est ainsi que des salmonelles, des Campylobacter, des Escherichia coli impliqués dans les gastro-entérites, des Listeria monocytogenes responsables de méningites, septicémies et avortement, et des Yersinia provoquant des entérites et des septicémies ont pu être retrouvées dans l'environnement côtier.

Virus

Les virus sont des parasites intracellulaires obligatoires, c'est à dire qu'ils ne peuvent se répliquer que dans leur cellule hôte. Un virus humain ne peut donc pas se multiplier dans l'environnement.

Mise en évidence des virus après amplification génique (© A. Le Magueresse / Ifremer)

La plupart des virus entériques humains sont difficiles à mettre en évidence en raison de l'absence de système de culture cellulaire permettant leur multiplication en laboratoire. C'est pour cela que l'amplification génique est privilégiée avec les inconvénients que cela engendre.

Comme pour les bactéries, les virus entériques sont excrétés dans les selles et sont rejetés dans l'environnement. Les virus entériques pathogènes pour l'homme susceptibles d'être retrouvés dans l'environnement sont les norovirus impliqués dans la majorité des épidémies de gastro-entérites hivernales, les astrovirus et rotavirus responsables des diarrhées infantiles principalement, les entérovirus à l'origine de méningites, syndromes respiratoires et digestifs et enfin du virus de l'hépatite A responsable de la fameuse jaunisse (ictère).

Comme pour les bactéries, les virus entériques sont excrétés dans les selles et sont rejetés dans l'environnement. Les virus entériques pathogènes pour l'homme susceptibles d'être retrouvés dans l'environnement sont les norovirus impliqués dans la majorité des épidémies de gastro-entérites hivernales, les astrovirus et rotavirus responsables des diarrhées infantiles principalement, les entérovirus à l'origine de méningites, syndromes respiratoires et digestifs et enfin du virus de l'hépatite A responsable de la fameuse jaunisse (ictère). Ces dernières années, les norovirus ont notamment été suspectées dans des épidémies liées à la consommation de coquillages.

Indicateurs de contamination

En raison de la faible quantité de pathogènes, du nombre élevé d'espèces différentes, de la fréquence et de la difficulté de leur détection dans l'environnement, il est apparu nécessaire de définir un indicateur de contamination fécale. La communauté scientifique a porté son choix sur Escherichia coli. Cet indicateur doit :

  • indiquer la présence de germes pathogènes,
  • être en plus grand nombre que les pathogènes,
  • ne pas se multiplier dans l'environnement,
  • avoir une résistance similaire aux pathogènes,
  • être mis en évidence par des techniques rapides, simples, fiables et peu onéreuses.

La définition d'un indicateur de contamination fécale a permis de mettre en place une réglementation concernant les activités conchylicoles et de loisirs (baignade, pêche à pied).   

Qualité des eaux de baignade

Lesbats Stephane (2020). Littoral entre Landunvez et Portsall. Ifremer.

La directive européenne 2006/7/CEE du 15 février 2006 abrogeant la directive 76/160/CEE a mis en place des critères de classification des eaux de baignade basés sur la concentration en Escherichia coli et entérocoques intestinaux.

Les contrôles ont lieu pendant la saison balnéaire, allant de 3 à 5 mois en métropole et toute l'année dans les départements d'outre-mer, lorsque les sites de la baignade sont régulièrement fréquentés. Pour les baignades aménagées, les gestionnaires fixent des dates d'ouverture et de fermeture des sites qui déterminent ainsi les périodes de contrôle.

Au moins 4 prélèvements sont effectués durant la saison balnéaire (dont un prélèvement entre 10 et 20 jours avant la date de début de saison), et le laps de temps entre 2 prélèvements doit être inférieur ou égal à 1 mois.

Si au cours de la saison, un résultat témoigne d’une dégradation de la qualité de l’eau de baignade, des prélèvements de contrôle sont réalisés dans les meilleurs délais jusqu'au retour à une situation conforme à la réglementation en vigueur, afin de garantir ainsi l’absence de risque sanitaire pour les baigneurs.

Le gestionnaire de la baignade est responsable des conditions de sécurité et d'hygiène dans lesquelles est pratiquée la baignade. En tant que titulaire du pouvoir de police sur sa commune, il appartient au maire d'interdire ou de limiter la baignade par la prise d'un arrêté municipal en cas de danger ou de contamination des eaux et de prendre les mesures d'information du public appropriées.

Les mesures d'interdiction sont :

  • Interdiction temporaire lorsqu'un résultat d'analyse est mauvais
  • Interdiction temporaire préventive en cas de pollution, même sans analyse
  • Interdiction permanente en cas de pollution répétée

Qualité des eaux conchylicoles

Tables conchylicoles - Etang du Prévost (© S. Vandoolaeghe / Ifremer)

Les classements sanitaires sont établis par des arrêtés préfectoraux de classement. Ils sont déterminés sur la base des résultats d’analyses microbiologiques du REMI menées sur les coquillages issus de la zone concernée.

Chaque zone fait l’objet d’une surveillance destinée à vérifier régulièrement sa qualité. Cette surveillance permet de mettre en évidence d’éventuelles contaminations des coquillages pouvant entraîner une modification du statut sanitaire de la zone avec des mesures de gestion spécifiques (interdiction ou restrictions de récolte et de commercialisation des coquillages), dans le but d’assurer la protection de la santé du consommateur.

La classification des eaux conchylicoles s'appuie sur la concentration en Escherichia coli dans 100 g de chair de coquillage et de liquide intervalvaire (CLI).

Qualité des zones de pêche à pieds

Pêche à pied (©Jade Burdallet / Ifremer)

A défaut de règles de classement définies par la réglementation, le principe d’évaluation de la qualité sanitaire des sites de pêche à pied de loisir est calquée sur les règles de classement des zones de production professionnelle.

Elle consiste en une évaluation de la qualité bactériologique, déterminée à partir des résultats de la surveillance de l’indicateur Escherichia coli recherché dans les coquillages.

L’évaluation de la qualité sanitaire des gisements est établie au travers de cinq classes de qualité : bonne, moyenne, médiocre, mauvaise et très mauvaise, en fonction du pourcentage de dépassement de quatre seuils de qualité pour l’indicateur E. coli : 230 ; 700 ; 4600 et 46 000 (valeurs pour 100 g de chair et liquide intervalvaire).

Elle est également calculée à partir de l’ensemble des résultats de la surveillance des trois dernières années et actualisée deux fois par an (janvier et juillet).

Sources de contamination

Les sources potentielles d'apport de bactéries et virus sont multiples, ce sont :

  • les rejets de station d'épuration et des réseaux de collecte des eaux usées,
  • les rejets liés à l'assainissement individuel,
  • la mauvaise séparation des réseaux d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales,
  • les rejets des industries agroalimentaires,
  • les épandages de lisiers par écoulement diffus,
  • les activités de loisir (camping, …) non raccordés aux stations d'épuration,
  • les bateaux au mouillage.

Contamination microbienne en mer par les rejets urbains et agricoles

Station d'épuration

Un être humain excrète environ 13 millions de Escherichia coli par gramme de selle et un malade peut excréter jusqu'à 100 milliards de rotavirus par gramme de selle. Les concentrations moyennes retrouvées dans les eaux usées sont de 10 millions à un milliard par litre pour Escherichia coli, 0 à 100 000 par litre pour Salmonella, 0 à 10 millions par litre pour les entérovirus. 

En station de traitement collectif, la première étape permet d’éliminer les matières en suspension et les graisses par différents systèmes, notamment la filtration sur grille (le dégrillage) et la décantation. Il s’agit du prétraitement - ou traitement primaire.

Une deuxième étape, le traitement secondaire, vise à éliminer les substances dissoutes dans l’eau (nitrates, ammoniac, polluants biodégradables, etc.). Pour cela, les principes de l’épuration naturelle sont optimisés pour être utilisés : l’eau passe à travers un filtre biologique, constitué d’un très grand nombre de micro-organismes vivant sur un support adapté (du sable, par exemple). Ces bactéries se nourrissent des substances contenues dans l’eau et les digèrent. En complément de ce traitement biologique, des techniques physico-chimiques peuvent être utilisées pour éliminer les polluants : par exemple, l’ajout de réactif pour oxyder les substances dissoutes.

Généralement, les eaux épurées sont rejetées dans le milieu après le traitement secondaire. Un traitement tertiaire peut être appliqué, notamment pour éliminer les substances azotées ou phosphorées résiduelles. Autre exemple, si le rejet est effectué dans un milieu sensible (conchyliculture, baignade), une étape de désinfection peut être ajoutée pour améliorer le traitement.

La poursuite de l’amélioration de la qualité des eaux littorales passe par l’adaptation des réseaux d’assainissement à la croissance de la population en zone littorale, mais aussi aux événements climatiques qui peuvent être à l’origine de dysfonctionnements accidentels. Ainsi, des contaminations par les virus entériques humains, tels que les norovirus (virus de la gastro-entérite) plus résistants aux traitements des eaux usées que les bactéries comme Escherichia coli, sont observées et soulignent l'importance d'une prise en compte spécifique dans les actions de reconquête de la qualité des eaux littorales.

Principe de fonctionnement d'une station d'épuration

Rejets agricoles

Les bactéries présentes dans le milieu marin peuvent également provenir de rejets agricoles. En effet, comme les hommes, les animaux d'élevage hébergent une quantité importante de bactéries. Parmi celles-ci, certaines peuvent rendre malades à la fois l'homme et l'animal (on parle alors de zoonoses), tandis que d'autres, bien que pathogènes pour l'homme, sont présentes chez l'animal sans porter atteinte à leur santé. Les animaux sont alors considérés comme porteurs sains.

On estime qu'un bovin excrète une quantité d'Escherichia coli 5 fois plus élevée que celle d'un homme, qu'un porc une quantité 30 fois supérieure, et une volaille 0,06 fois. Le rejet de ces bactéries dans l'environnement conduit donc à des apports potentiels importants, dont heureusement, seule une partie parviendra par les rivières au milieu marin

Ces bactéries entériques peuvent se retrouver dans l'environnement par des épandages de fumiers (paille et selles) ou de lisier (fèces et urine), lors des pâturages des animaux, lors des rejets provenant directement des élevages ou lors des débordements de fosse et des ruissellements au niveau des exploitations agricoles.

Ces bactéries présentes dans les lisiers ou les fumiers et épandues sur les sols peuvent arriver jusqu'au milieu marin par lessivage si les conditions rencontrées leur sont favorables. Tout d'abord, la survie de ces bactéries au niveau des fumiers et des lisiers est favorisée par une température basse et une faible teneur en oxygène de ces effluents. Si ceux-ci sont épandus sur des sols nus, humides, riches en matière organique et avec une faible microflore indigène, les bactéries présentes peuvent subsister et arriver à la rivière et ceci d'autant plus rapidement que les terrains sont en pente. Ce transfert des bactéries à la rivière peut être accéléré par des fortes pluies qui vont lessiver ces sols. Une fois dans l'eau, les bactéries survivent d'autant mieux que l'ensoleillement est faible et la température basse (conditions rencontrées en hiver par exemple). La proximité de la zone d'épandage du littoral limite le temps de transfert vers la mer et augmente d'autant le risque d'apport de bactéries d'origine agricole au milieu marin. 

Contamination bactérienne d'origine animale

Facteurs favorisants

Certains facteurs sont susceptibles d'augmenter les apports microbiens d'origine urbaine ou agricole. Il s'agit essentiellement des pluies et des maladies (gastro-entérites) dans la population.

Les pluies

L'influence de la pluie sur la contamination bactérienne de coquillages a été étudié sur le bassin versant de La Penzé en Finistère nord sur une période de 8 mois. On observe ainsi que chaque pic de pluviométrie (pluie cumulée du jour et de la veille) est corrélé à un pic de contamination des eaux. L'augmentation des flux qui s'ensuit conduit à une augmentation de la contamination des coquillages en aval.

Les gastro-entérites

Les apports de bactéries ou de virus pathogènes à la côte peuvent également être augmentés par la survenue de gastro-entérites dans la population. Sur une période de 3 ans, la présence de virus responsables de gastro-entérites a été recherchée dans des coquillages prélevés dans des zones de production d'une lagune méditerranéenne . La présence de ces virus a été rapportée à la pluviométrie du site et aux cas de gastro-entérites dans la population des environs. Des pics de gastro-entérites ont été observés au cours des trois années d'étude avec les plus grands pics pendant les hivers, les gastro-entérites étant dans ce cas généralement attribuées à des virus et des pics plus faibles en été où les bactéries sont souvent tenues pour responsables. Les plus importantes pluviométries ont été observées principalement pendant les hivers. La recherche de virus responsables de gastro-entérites dans les coquillages a aussi montré une augmentation de la présence de ces virus pendant les hivers et tout particulièrement pendant les deux premiers. La présence de virus dans les coquillages est observée après des épisodes de gastro-entérites dans la population et après de fortes pluies. Dans ce cas, le temps de transit (et donc l'efficacité de traitement ) par les stations d'épuration est diminué et les virus sont excrétés en plus grande nombre. Les virus se retrouvent ainsi plus rapidement et en plus grande quantité dans le milieu marin et donc dans les coquillages.   

Survie en mer des contaminants

Ces bactéries et virus, en arrivant sur le littoral, vont être plus ou moins dilués selon les conditions hydrodynamiques rencontrées : dilution importante lors d'un rejet au niveau d'une zone ouverte et dilution faible dans le cas d'un milieu aux eaux peu renouvelées.

Une partie importante de ces micro-organismes est associée à des particules. Ils vont sédimenter et se retrouver sur les fonds vaseux plus propices à leur survie. Ils pourront être éventuellement remis en suspension lors des marées, des tempêtes ou des opérations de dragage (ou de désenvasement des zones portuaires) et éventuellement contaminer les coquillages à proximité. Les eaux marines constituent un milieu défavorable pour ces bactéries et virus. Ils vont subir les conditions stressantes de cet environnement : la salinité, la lumière solaire, l'effet de la prédation et de la température. Les bactéries vont, de plus, être sensibles à la compétition avec les bactéries naturellement présentes dans ce milieu et le manque de nutriment. Les virus se comportent dans les eaux marines comme des particules inertes. Les bactéries, quant à elles, peuvent avoir quelques activités métaboliques et tenter de s'adapter à ces conditions défavorables. Toutefois, elles vont évoluer plus ou moins rapidement vers un stade viable non cultivable c'est à dire qu'elles ne seront plus détectées par les techniques d'analyse de routine mais pourront éventuellement conserver une activité pathogène.

Devenir en mer des micro-organismes d'origine entérique

Le devenir des micro-organismes d'origine fécale dans le milieu marin est généralement évaluée par le T90, soit le temps nécessaire pour que 90 % d'entre eux ne soient plus détectés par technique classique. Ce paramètre permet ainsi de comparer leur décroissance dans des sites très différents. Il va varier, de façon sensible, selon l'espèce et l'état du micro-organisme et selon les conditions environnementales rencontrées. La lumière solaire est souvent un des facteurs ayant le plus d'impact sur cette décroissance. 

T90 en milieu marin (estimations)

Première publication en 2003, à partir des travaux de Patrick Camus, Annick Derrien, Julie Droit, Jacques Dupont, Elisabeth Dupray, Denise Guillerm, Larissa Haugarreau, Pascal Lazure, Claude Le Bec, Soizick Le Guyader, Jean Claude Le Saux, Laurence Miossec, Patrick Monfort, Jean Yves Piriou, Monique Pommepuy.

Mis à jour en juin 2021 par Sylvain Vandoolaeghe et Jean-Côme Picquet

Lesbats Stephane (2020). Littoral entre Landunvez et Portsall. Ifremer.

Tables conchylicoles - Etang du Prévost (© S. Vandoolaeghe / Ifremer)

Pêche à pied (©Jade Burdallet / Ifremer)

Principe de fonctionnement d'une station d'épuration

Isolement E. coli sur milieu TBX (© Gaelle Kaelin / Ifremer)

Mise en évidence des virus après amplification génique (© A. Le Magueresse / Ifremer)