Les impacts du covid-19 sur les sociétés et la biodiversité
L'émergence et le développement rapide du coronavirus (ou covid-19) a provoqué une crise mondiale sans précédent, à la fois sanitaire et socio-économique. Les conséquences du coronavirus sur nos sociétés et l'environnement se sont faites sentir dans plusieurs domaines de nos vies quotidiennes comme l'économie, le tourisme, la restauration, le commerce ... avant même que la pandémie ne soit enrayée, nous poussant à remettre en question nos modes de vie et de consommation. Alors que les contaminations repartent à la hausse en cette rentrée 2020, certains spécialistes essaient de dresser un premier bilan des impacts de la pandémie.
Toutes deux étudiantes en Master 2 de géographie environnementale, loin est notre ambition de proposer ici une analyse exhaustive des impacts du covid-19 sur le quotidien de l'humanité. Nous nous attacherons plutôt à saisir la dynamique de ses effets grâce à une analyse transversale de différents secteurs touchés.
L'impact sur l'économie française
Les activités économiques en France dépendent directement de l'évolution de l'épidémie. Quelques indicateurs étudiés par l'Insee nous renseignent sur la situation économique globale.
S'il y eut un vif rebond de l'activité économique lors du déconfinement (+15%), la conjoncture économique reste incertaine. Des mesures restrictives en raison de la reprise de l'épidémie à l'automne peuvent provoquer une nouvelle contraction. Le PIB serait ainsi inférieur de -5% par rapport à la situation d'avant-crise à la fin de l'année comme c'est ici estimé.
Certains secteurs plus touchés que d'autres
On pense notamment à l'hôtellerie-restauration, le tourisme, le transport, l'industrie, la culture...De nombreux musées ont dû rester fermés en raison de la crise sanitaire, perdant ainsi un chiffre d'affaires important.
Selon la première estimation de l’OMT (organisation mondiale du tourisme), les pertes liées à l'impact du covid-19 sur le tourisme mondial s'élèveraient à 460 milliards de dollars, notamment en raison du confinement des populations, des annulations massives de voyages et plus généralement de l'appréhension du virus qui a dissuadé les touristes de partir à l'étranger, même après la fin des mesures de restriction.
Ces images de lieux très touristiques désertés en raison de la pandémie mondiale posent la question du tourisme de masse et des impacts de cette activité sur l'environnement (érosion, pillage de minéraux, fossiles, artificialisation des sols...). Le tourisme doux, c’est-à-dire respectueux de l’environnement, des territoires, de leurs habitants et de leurs ressources, propose une alternative intéressante à développer, d'autant plus dans les situations sanitaires comme le covid-19.
Le secteur de l'aviation en chute libre ?
Avez-vous pensé à lever les yeux au ciel lors de la période du confinement en Europe ? Les avions dans cette immensité d'un bleu homogène étaient devenu des étrangetés.
Si le tourisme a subi lourdement les conséquences du Covid-19, on comprendra que le secteur aérien n'a pas été épargné pour autant. On observe des chiffres relevant presque du surnaturel; le Royaume-Uni et Singapour approchant un pourcentage de baisse de 97% de leurs vols prévus en Mai 2020 en comparaison à ceux prévus en Mai 2019.
Cette baisse soudaine du trafic aérien semble bel et bien tenir de la crise sanitaire. En effet, une étude a été menée par EuroControl cette année montrant la corrélation de ces deux phénomènes.
L'impact de cette diminution soudaine du nombre de vols n'a pas fait qu'impacter les compagnies aériennes. Nous vivons dans un monde où les chaînes de productions et de distributions sont complexes. A Toulouse, Airbus représente le concurrent mondial de Boeing dans la fabrication aéronautique et spatiale. Récemment, cette entreprise est passée dans le mode survie. Il n'y a qu'à voir les courbes de la bourse pour comprendre pourquoi à partir de mi-avril près de 3000 de ses salariés sont forcés de passé en chômage partiel (France 3 Région).
Ce phénomène est dramatique pour l'emploi et l'activité économique. Mais n'y a-t-il pas des aspects positifs à cette perte d'activité ?
Une pollution atmosphérique radicalement réduite.
Dans la ville de Londres, des points de mesure des principaux polluants atmosphériques ont été installés sur la Euston Road (rue habituellement très polluée par le trafic routier). Les concentrations de polluants enregistrées sur cette route sont à la baisse à partir de fin février et on distingue une nette rupture fin mars. Rappelons que les mesures de confinement au Royaume-Uni ont tardé à être mises en place et ont été effectives à partir du 23 mars.
Le Dioxyde d'Azote
En fait, cette diminution est visible même sur l'ensemble du pays Britannique pour le Dioxyde d'Azote (NO2). Ici, nous voyons que la concentration est ralentie déjà avant la date du confinement, mais que l'écart entre les taux de concentration de 2019 et les taux de concentration de 2020 se creuse.
Une autre exemple de la diminution de la concentration de Dioxyde d'Azote dans l'atmosphère mais cette fois-ci à une autre échelle. Les données produites par la NASA permettent de voir ce phénomène depuis l'espace, à des échelles bien plus petite ! Ici, on considère le territoire de l'Inde dans son intégralité. L'outil de balayage ci-dessous permet de constater immédiatement le recul de la concentration de ce polluant dans l'atmosphère en Inde.
Le Dioxyde de Carbone
Et la biodiversité ?
Durant le confinement, on a souvent lu ou entendu que la Nature "reprenait ses droits". C'est en réalité un peu plus complexe...
Nathalie Machon, Sorbonne Universités : Durant ces deux mois, la végétation a repris ses droits dans les espaces publics. Cela ne signifie pas qu’il y a eu une plus grande diversité d’espèces, mais que celles déjà en place ont été beaucoup plus visibles que d'habitude car elles n’ont pas été coupées. Concernant la faune, nous avons vu certains animaux sauvages profiter du ralentissement soudain des activités humaines pour s’aventurer dans les villes : des chevreuils dans les jardins privés, des sangliers sur la croisette à Cannes, des dauphins dans les ports italiens, des baleines dans les calanques de Marseille, des phoques sur les plages de Dunkerque, etc.
Vidéo d'une baleine aperçue dans les calanques à Marseille durant le confinement, source PNR des Calanques
Les oiseaux ont également profité de la baisse des activités humaines, notamment le trafic aérien, pour adapter leur chant et se faire de nouveau entendre.
"Il y a vraiment un silence que je ne connais pas d'habitude ici (Avran, Yvelines). Les chants d'oiseaux reprennent le dessus. On entend plus loin, on entend davantage d'espèces" Stanislas Wroza, chef de projet à l'OFB.
Carte de bruit multiple (aérien, chemins de fer, routes) avant (à gauche) et pendant le confinement (à droite), source BruitParis
Le tambourrinage de la pic epeiche, le pic vert, la fauvette et le troglodyte enregistrés par Stanislas Wroza vers 6H30 jeudi 19 mars.
La pollution lumineuse a elle aussi beaucoup diminué durant le confinement, laissant un peu de répit aux espèces nocturnes comme les chiroptères. Amusez-vous à remonter le temps sur cette application de la Nasa et comparez le mois de mars 2019 à mars 2020, la différence est saisissante !
Worldview: Explore Your Dynamic Planet, source NASA
Pour d'autres espèces, le covid-19 aura eu un impact assez terrible, comme pour le pangolin ou le vison. Le Danemark extermine 2,5 millions de visons infectés ou non par le virus de manière systématique. Le pangolin, quant à lui accusé d'être un vecteur de transmission, fait l'objet d'un braconnage encore plus intense alors qu'il s'agit d'une espèce en danger d'extinction.
Image d'un vison comme animal de compagnie vs. vison en cage destiné à être abattu. Sources : La Furetière, 20 minutes
En conclusion, les impacts socio-économiques de la crise covid-19 vont avoir un effet à long terme sur nos modes de vie mais ceux sur la biodiversité et l'écologie sont ponctuels, à l'image du jour du dépassement. Selon le Global Footprint Network, la crise sanitaire du Covid-19 et ses effets ont fait reculer la date du jour du dépassement de trois semaines, avec une réduction de l’empreinte carbone mondiale de 14,5% liée à une baisse de la consommation d’énergies fossiles dans plusieurs secteurs comme les transports, l'industrie, l'exportation...En 1998, elle avait lieu le 30 septembre. Elle arrive chaque année de plus en plus tôt et le Covid-19 n'est qu'un changement ponctuel(WWF France). Ce que l'on peut également retenir comme "leçon" de l'épisode covid-19, c'est l'interconnexion très forte qui existe entre les différents secteurs économiques. On voit bien que lorsqu'une activité est ralentie cela implique des conséquences sur une succession d'autres secteurs. La crise du covid-19 nous rappelle que nous vivons dans une structure en système et que nous somme interdépendants les uns des autres.