Collectif-Inclusif : accès au transport collectif pour tous

Présentation du projet

L’expérience de l’utilisation du transport en commun est influencée par de nombreux facteurs tout au long du déplacement. En effet, l’utilisation de l’autobus ou du métro comporte une expérience à l’intérieur et à l’extérieur du véhicule afin d’accéder au réseau. Lors de l’accès au transport collectif, chaque usager est un piéton. Donc, l’environnement aux abords des arrêts, tant au niveau de l’itinéraire emprunté que de l’aire d’attente, a un impact sur l’accès au transport collectif pour le piéton. De plus, des éléments tels que la forme urbaine ou les conditions hivernales peuvent créer des limites lors de l’accès au transport collectif pour certains piétons. En effet, certains groupes de piétons vulnérables, tels que les aînés, les familles de jeunes enfants et les personnes avec des limitations fonctionnelles sont confrontés à des risques de sécurité routière plus importants et à des limites d’accessibilité menant à une perception singulière de la marchabilité du territoire. Cette recherche vise à documenter l’accès au transport collectif pour les piétons vulnérables dans la région métropolitaine de Montréal. 

Afin de répondre à cet objectif, une analyse préliminaire de l'environnement aux abords des arrêts de transport en commun de la région métropolitaine de Montréal (n=22 034) a été effectuée. Une typologie des arrêts en fonction de la forme urbaine utilisant une classification hiérarchique ainsi que du risque routier par une superposition pondérée a été réalisée. La classification ascendante hiérarchique visait à regrouper les zones desservies par les arrêts de transport collectif jugé comme similaire en fonction des données recueillies (densité, points d’intérêt, routes majeures, etc.). Il a été possible de créer 6 groupes allant de 16 à 7502 arrêts de transport collectif chacun. L’analyse des caractéristiques communes à l’intérieur des groupes formés par la classification ascendante hiérarchique a permis de nommer chacun de ceux-ci : 

  1.  Arrêts à risque élevé (n=1678) : La zone de desserte est caractérisée par un nombre élevé de collisions par rapport à un nombre faible de distance de route;
  2. Routes majeures (n=4283) : La zone de desserte est occupée par un nombre important de routes majeures, soit des Expressway, Principal Highway, secondary Highway et Major Road selon la classification des routes offerte par DMTI Spatial;
  3. Arrêts à risque faible (n=4815) : La zone de desserte de ces arrêts est composée de peu de destinations, de grandes superficies monofonctionnelles et peu de collisions;
  4. Forte densité de population (n=3740) : La zone de desserte de ces arrêts est caractérisée par une grande densité de population;
  5. Grande zone (n=7502) : La zone de desserte de ces arrêts est composée de grande zone monofonctionnelle en incluant de grandes routes en milieu rural;
  6. Centre-ville de Montréal (n=16) : Les zones de desserte de cette classe sont caractérisées par beaucoup de points d’intérêts, d’une mixité fonctionnelle en plus d’être localisées dans l’arrondissement de Ville-Marie, près du Vieux-Montréal.    

Ensuite, la superposition pondérée visait à établir un niveau de risque en trois catégories (faible, moyen et élevé) à partir des données recueillies. Ces variables ont été pondérées par l’équipe du projet selon le risque qu’elles représentent pour la sécurité du piéton. De plus, une classification des arrêts selon leur milieu (urbain, périurbain et rural) a été réalisée à partir des aires de diffusion de Statistiques Canada. Une aire de diffusion à l’intérieur d’une distance de 10 km du centre-ville est considérée comme urbaine. Une aire de diffusion étant à plus de 10km du centre-ville et ayant une densité inférieure à 400 habitants au kilomètre carré est considérée comme rurale. Toute autre aire de diffusion est alors considérée comme périurbaine.

Cadre d'analyse

Les résultats ont été analysés à partir du cadre théorique illustré ci-bas. Les besoins du piéton (faisabilité, accessibilité, sécurité, confort et plaisir) tirés de l'article d'Alfonzo (2005) sont présenté à partir de la perception des piétons vulnérables. Cette perception possède une relation bilatéral avec l'attitude envers la marche vers le transport collectif. En effet, la perception de l'environnement bâti influence l'attitude du piéton et, aussi, l'attitude du piéton influencera la perception de l'environnement bâti. Les interactions entre ces éléments composent l'accès au transport collectif pour les piétons vulnérables.

Faisabilité

Trois thèmes identifiés par les piétons vulnérables affectent la faisabilité de la marche vers le réseau de transport collectif :

Conditions météorologiques : hiver

Les conditions hivernales influencent le processus de décision quant à la pratique de la marche vers le transport en commun. La présence de glace sur la chaussée peut limiter la praticabilité de la marche à pied pour les participants. Le manque de stabilité est accentué pour les participants éprouvant des limites physiologiques dues à des limitations fonctionnelles ou en raison de l’âge. La glace ou l’accumulation de neige peuvent empêcher l’utilisation d’aide à la mobilité sur roue ou de poussette. Une participante utilisant une chaise roulante témoigne que « les fois quand il vient d’avoir une tempête, il faut que je reste chez moi ». Cette situation peut amener des conséquences importantes, comme le témoigne cette même participante : 

« C’est pareil comme quand moi chez nous je veux avoir ma place déneigée parce que je sais que j’ai un rendez-vous et je veux être sûr que je vais pouvoir y aller parce que c’est un rendez-vous médical […] et je sais que c’est à déneiger. Le déneigement, les coins de rue, ça prend au moins 3,4 jours. C’est long là, donc moi je ne sors pas pendant 3, 4 jours ? »

Participante utilisant une chaise roulante

Le froid est aussi un facteur influençant le processus de décision de marcher vers l’arrêt de transport collectif pour l’ensemble des groupes de population, mais particulièrement pour les parents de jeunes enfants. En effet, ils craignent les risques d’engelures ou d’inconforts chez leurs enfants en bas âge. En somme, les conditions hivernales amènent de nombreuses limites contraignant la faisabilité de la marche, comme le témoigne une participante malvoyante :

« Je voulais participer en hiver exactement pour cette raison, de dire que je m’empêche de sortir. Je m’empêche de me déplacer justement parce que l’expérience… Un jour ou l’autre je vais tomber et un jour ou l’autre je vais vraiment me faire mal.

Participante malvoyante

Conditions météorologiques : été

En été, les conditions météorologiques ont moins d’impacts sur la faisabilité de la marche vers les arrêts d’autobus. Cependant, les canicules et la pluie ont été soulevées comme des facteurs influençant la faisabilité. Ces éléments sont des limites pour la marche, notamment chez les parents considérant les vulnérabilités de leur enfant, comme témoigne cette mère : 

« Attendre l’autobus à la pluie avec un bébé ou un enfant, ça change ton plan de journée. Toute seule, il n’y a pas grand-chose qui me dérange, j’ai un imperméable, un parapluie, de bonnes bottes de pluie, moi j’aime ça la pluie, donc ça me dérange pas. Je ne suis pas quelqu’un qui a un problème avec la puie, mais les kids… Mettre un enfant de trois ans ça va, mais il faut une bonne housse de poussette, mais les housse de poussette des fois ce que ça fait, c’est qu’il n’y a pas d’air. Ça bloque la pluie, mais ça fait que l’enfant a chaud et que c’est humide »

Mère d'un enfant en bas âge

Donc, les conditions météorologiques difficiles durant l’été rendent d’autres modes de transport plus attrayant pour les piétons vulnérables par rapport à la marche.  

Limites personnelles ou de l'équipement

Les participants ont mentionné plusieurs limites personnelles ou de leurs équipements ayant un impact sur la faisabilité de la pratique de la marche. Pour les personnes avec des limitations fonctionnelles, la performance de l’aide à la mobilité peut causer des limites. Une participante possédant un fauteuil roulant et un quadriporteur a témoigné que l’utilisation du fauteuil amène trop de stress, notamment lors des traversées de rues. Donc, elle doit utiliser son quadriporteur malgré les limites que cette aide à la mobilité peut causer à certaines destinations. En effet, certains commerces ou restaurants, par exemple, ne sont pas accessibles en quadriporteur. Cependant, de mauvaises expériences passées en fauteuil roulant forcent l’utilisation d’un autre moyen de transport. 

D’un autre côté, le soutien social provenant de proches, de passants sur la rue ou d’accompagnateur pour les personnes non-voyantes apporte de nombreux bénéfices, tel que le souligne cette participante non-voyante : 

« J’apprécie que les gens soient là pour nous aider, c’est des barrières. Il s’agit de faire tomber les barrières, c’est tellement aidant, ça économise l’énergie, ça diminue l’anxiété, ça rend plus audacieux puis ça donne envie de dire : ok, ma sortie va être plus simple, donc je vais la faire. Tu ajoutes des choses à ta vie, c’est vraiment important parce que sinon c’est dur. »

Participante non-voyante

L’importance de l’indépendance a été soulignée par de nombreux participants durant la collecte de données. Donc, le soutien social est un élément bénéfique, mais il n’est pas perçu comme une solution pour les participants avec des limitations fonctionnelles. Finalement, la forme physique et mentale va influencer la faisabilité de la marche, particulièrement pour les personnes malvoyantes pour qui la pratique de la marche demande une attention constante au bruit ainsi que la détection d’éléments au sol. 

Accessibilité

Trois thèmes identifiées par les piétons vulnérables affectent leur besoin d'accessibilité :

Mobilité comme piéton vulnérable

Une limite quant à l’accessibilité pour les piétons vulnérables dans leurs déplacements découle du déneigement créant des limites sur l’itinéraire vers l’arrêt d’autobus. Tout d’abord, la présence de neige amène des limites importantes, notamment pour les piétons avec une aide à la mobilité ou une poussette. Dans certains cas, le déneigement des trottoirs et des bords de route d’une rue sans trottoir ne permettait pas la circulation des équipements avec roues

Montée Masson / Face au 1601 (Laval)

De plus, la surface sur laquelle les piétons circulent peut affecter l’accessibilité pour les piétons vulnérables. Les surfaces non asphaltées, rencontrées lors des parcours commentés en milieux ruraux sur l’accotement de routes principales, causent des limites importantes pour plusieurs types de piétons. En effet, les aides à la mobilité sur roues ou les poussettes peinent à circuler sur de telles surfaces en plus de l’irrégularité qui rend difficile la détection des trous pour les piétons malvoyants. Ceci dit, les surfaces bétonnées, comme les trottoirs en milieu urbain, peuvent aussi comporter des nids-de-poule ou craques qui causent des limites aux déplacements. Selon les participants, l’entretien des trottoirs est particulièrement problématique aux bateaux-pavé, ce qui est problématique étant donné l’impossibilité d’entrer sur le trottoir. Le manque d’entretien de la chaussé aux bateaux-pavés amène de nombreuses conséquences en termes d’accessibilité. D’une part, les piétons utilisant des aides à mobilité sur roues ou une poussette doivent surélever leurs équipements, s’ils en ont la capacité, pour accéder aux trottoirs. Sinon, ces piétons vulnérables se retrouvent coincés sur la chaussée à une intersection, soit un lieu hautement accidentogène. Ceci amène un stress important influençant la pratique de la marche vers le transport en commun. D’autre part, les coins de rue constituent des repères importants pour les piétons non voyants afin d’identifier le coin d’une rue et de s’orienter durant une traversée. La présence d’un ressaut à la hauteur de la rue sert de guide de repère pour effectuer une traversée en ligne droite. Donc, si le bateau-pavé n’est pas détectable en raison d’une pente trop faible par rapport au trottoir, la traversée est inaccessible pour un piéton non voyant. En effet, celui-ci ne peut identifier le point de départ et le point d’arrivée de la traversée. Outre l’entretien de la chaussée, la dalle podotactile a été mentionnée par plusieurs participants non-voyants afin de compenser à ces limites. 

De plus, certains obstacles peuvent créer des contraintes d’accessibilité pour les piétons vulnérables. Plusieurs obstacles dans l’environnement amènent des barrières pour les piétons vulnérables. Les pancartes et les cônes en lien avec des travaux de construction se retrouvent souvent sur le trottoir. Ceci crée un désagrément pour le piéton, mais aussi un obstacle dans la trajectoire d’un piéton non voyant pouvant occasionner des chutes. Ces obstacles peuvent aussi réduire l’espace pour les piétons avec une poussette ou une aide à la mobilité alors que de descendre de la chaîne de trottoir pour éviter cet obstacle n’est pas accessible pour certains piétons vulnérables. 

Aussi, une autre limite est créée par les pentes importantes dues à la topographie du territoire. Les côtes peuvent être un obstacle pour les piétons avec une aide à la mobilité, comme témoigne une participante : « je tiendrais mon aide à la mobilité plus que mon aide à la mobilité me tiendrait, ça c’est le fait d’avoir une côte ». D’un autre côté, certains participants aînés ont rapporté que les côtes demandaient un effort physique trop exigeant. Tout comme les parents de jeunes enfants, descendre avec la poussette est considéré comme un risque, comme témoigne cette mère d’un jeune enfant :

« Pour moi avec une poussette, tout était faisable très facilement à part la montée. Là je me demande pour descendre, ça sera peut-être plus difficile ! Pour vrai, si j’habitais en bas, je m’arrangerais pour ne pas avoir à la monter. Je ne prendrais pas cette décision en général, surtout s’il n’est pas endormi (son enfant), là j’ai de la chance. S’il était éveillé, il n’y aurait aucune chance. J’aurais besoin que quelqu’un le tienne, moi je prends la poussette. » 

Mère d'un enfant en bas âge

La largeur de l’espace accordé pour le piéton peut aussi créer une limite durant les déplacements des usagers utilisant des équipements, tels que des aides à la mobilité ou une poussette. Dépendamment de la présence ou non d’infrastructures piétonnes, les enjeux quant à la largeur pour le piéton vulnérable vont causer différentes limites. Les accotements des routes de milieux ruraux vont parfois être limités en espace pour un piéton avec un équipement sur roue, surtout lors de l’accumulation de neige en hiver. Afin de composer avec cette barrière, les piétons devaient empiéter sur la ligne blanche de la limite de la chaussée pour les automobiles, amenant des enjeux de sécurité routière, comme témoigne cette participante utilisant un déambulateur : 

Lorsque l’itinéraire se déroulait sur des trottoirs, le manque d’espace en raison d’un trottoir simple ou l’aménagement d’arbre en bordure amenaient des enjeux similaires dans la cohabitation avec les autres piétons, à contresens par exemple, ou bien quant à la libre circulation. En plus, la discontinuité des trottoirs amène une limite d’accessibilité pour les piétons vulnérables. La rupture du sentiment de sécurité procuré par le trottoir cause une limite importante pour les piétons vulnérables comparativement à l’ensemble des piétons.

Accès à l'autobus

L’accès à l’autobus et son aire d’attente ont été soulevés comme des enjeux importants par les participants. Tout d’abord, lors de l’accès au transport collectif, l’usager piéton doit identifier la localisation de l’arrêt. Plusieurs participants ont rapporté ne pas avoir identifié l’arrêt en raison du panneau non apparent ou du manque d’aménagement à l’aire d’attente. Cet élément est d’autant plus notable en hiver dans les municipalités qui rejettent la neige sur les terrains privés pouvant recouvrir le panneau d’autobus. Pour les participants non-voyants, plusieurs éléments physiques constituent des barrières ou des aides quant à la localisation de l’aire d’attente. Un abribus, un banc ou un poteau désigné au panneau peuvent servir d’éléments physiques repérables avec une canne de détection aidant à indiquer la localisation de l’arrêt à une personne non voyante. De plus, lorsque l’arrêt est situé à une intersection, le bruit des voitures qui ralentissent et des voitures qui circulent perpendiculairement peut servir d’indicateur à l’usager non voyant qu’il se rapproche de l’arrêt d’autobus. 

Lorsque la localisation de l’arrêt est réalisée, des limites sont parfois présentes dans les mètres qui séparent l’aire d’attente jusqu’à l’entrée de l’autobus. L’accumulation de neige causée par le déneigement des rues peut créer une limite pour les piétons se déplaçant avec un équipement sur roues (chaise roulante, poussette, quadriporteur, etc.) et aussi pour les piétons craignant un risque de chute, comme l’exprime ce participant aîné :

Arrêt Marc-Aurèle-Fortin / Face au 707 (Laval)

De plus, l’aménagement peut amener certains obstacles lors de l’entrée dans l’autobus, comme la présence de plate-bande séparant l’espace accordée pour le piéton avec l’entrée d’autobus.

Parfois, l’aire d’attente peut servir de déversement pour le déneigement obligeant l’usager du transport collectif d’attendre à une distance importante de l’arrêt ou dans la rue dont la largeur est rétrécie en raison de l’accumulation de neige sur la chaussée, comme il est possible d’observer sur la photo ci-dessous. 

Les participants témoignent de dépendre de l’entraide du chauffeur pour qu’il puisse embarquer ou débarquer les passagers quelques mètres à côté de l’obstacle ou de l’aide des autres usagers du transport collectif. Cette entraide vient amoindrir le stress sinon présent face à ces obstacles. En effet, le sentiment de culpabilité envers les autres usagers est ressenti par certains participants lorsque davantage de temps est nécessaire pour monter dans l’autobus. 

Accès à l'information

Arrêt Marc-Aurèle-Fortin / Face au 707 (Laval)

L’information du réseau de transport en commun est en partie communiquée par l’affichage du panneau de l’arrêt. La présence de l’horaire d’autobus à l’arrêt est jugée pertinente par les participants, autant aînés, avec limitations fonctionnelles ou parents de jeunes enfants. L’accès à l’horaire en ligne, par exemple par l’application Chrono, cause une limite pour les personnes sans téléphone intelligent. Certains participants voient un problème à la nécessité d’un téléphone intelligent pour l’accès à un service public. De plus, lorsque l’information se trouve sur le panneau, celui-ci n’est pas toujours accessible pour tous les usagers. La hauteur du panneau et l’écriture trop petite sur celui-ci sont des limites pour les personnes malvoyantes, possédant une basse vision, d’autant plus en soirée lorsque l’éclairage est plus sombre. De plus, l’accumulation de neige autour du panneau augmente la distance entre l’usager et l’affiche de manière à accentuer ces limites.  Pour accéder à l’information du panneau (numéro de la ligne, direction, terminus, etc.), des participants malvoyants vont dépendre de plusieurs stratégies, comme en prenant une photo avec le téléphone pour ensuite la grossir, l’utilisation d’un télescope, monter debout sur un banc ou muret à côté de la pancarte ou de demander au chauffeur la direction de l’autobus. De plus, cette limitation est accentuée lorsque le panneau ne possède pas de poteau désigné, donc se retrouve encore plus haut, comme au-dessus d’un arrêt-stop, sur le poteau d’un lampadaire, etc. 

L’accès à l’information du trajet peut avoir des impacts importants sur l’expérience de l’usager du transport collectif. Une participante a témoigné avoir pris l’autobus de la mauvaise direction, donc se retrouver sur la Rive-Nord au lieu de la Rive-Sud où elle devait aller visiter un appartement. De plus, le sentiment d’égarement et de doute quant à la direction empruntée amène un stress et demande de l’énergie pouvant mettre les participants dans une mauvaise disposition mentale, comme témoigne cette participante malvoyante :

« C’est certain (que quelqu’un) qui utilise de façon régulière ce système va le connaitre. Quelqu’un qui, je ne sais pas, j’ai une entrevue d’emploi, là il faut que je me rende sur place et il me donne une adresse et c’est moi qui suis responsable de mon transport, c’est certain que ça va me prendre beaucoup de back up.[…] Il faut que j’arrive à mon entrevue pas stressée, il faut que j’arrive à mon entrevue calme. Il ne faut pas que j’arrive que le transport m’ait enlevé la moitié de mon énergie. Arriver, c’est de dire, est-ce que… vous avez vu, il s’agit que j’aille du mal pour voir le code d’arrêt »

Participante malvoyante

Sécurité

Le besoin de sécurité des piétons vulnérables est menacé dans six principales circonstances lors de l'accès au transport collectif :

Proximité des voitures

Un risque majeur en lien avec la sécurité routière est la proximité entre les voitures et les piétons. Cette situation stressante est particulièrement présente aux abords des routes en milieu rural où la limite de vitesse est habituellement de 70 km/h. Le manque d’infrastructures pour les piétons les oblige à circuler sur l’accotement, influençant le sentiment de sécurité.  

Les commentaires des participants démontrent une conscience du risque créant un stress lié à la vulnérabilité face au comportement des conducteurs, tels que de laisser une distance sécuritaire, des possibilités de dérapage, du manque d’attention des conducteurs, etc. Dans ce contexte, les gestes parfois imprévisibles des enfants en bas âge sont un risque élevé, comme témoigne cette mère de deux jeunes enfants : 

« Là je suis avec ma poussette et un petit bébé qui fait dodo, mais avoir mon petit gars de trois ans en draisienne, non… C’est sûr que le vélo de draisienne je serais stressé, j’aurais peur qui (elle fait un signe de main vers la route) [...]. Il ne ferait pas ça nécessairement, j’imagine qu’avec le temps il deviendrait habitué, il comprendrait la dangerosité là-dedans parce que ça s’entraîne un enfant, mais tu as toujours un petit stress des trucs que tu ne contrôles pas, mais lui, il y a une bulle au cerveau des fois. » 

Mère de jeunes enfants

Alors, face à ces craintes, un père de jeunes enfants a modifié ses comportements habituels afin de paliers aux risques : 

De plus, les conditions hivernales augmentent ce sentiment de vulnérabilité par les risques plus élevés de dérapages des voitures et l’accumulation de neige dans les accotements accentuant la proximité des voitures. Cette augmentation du sentiment d’insécurité a mené plusieurs participants à dire qu’ils n’emprunteraient pas ce genre d'infrastructure durant l’hiver. Un parcours commenté sur la route route Hardwood (Vaudreuil-Dorion) a dû être interrompu en raison du risque trop élevé quant à la circulation sur l’accotement rétréci en raison de l’accumulation de neige, sur une route où la limite de vitesse est de 70 km/h.  

Afin d’augmenter leur sentiment de sécurité, les piétons vulnérables préfèrent marcher dans le sens contraire de la circulation sur les routes rurales. Ceci diminue le stress engendré par l’effet de surprise des voitures circulant à une vitesse élevée lorsqu’elles proviennent de derrière les piétons. Cependant, dans le contexte de la marche vers un arrêt d’autobus, ce comportement amène un risque si l’arrêt n’est pas du même côté de la rue du piéton lorsque celui marche dans le sens contraire de la circulation. Lorsque le flux de circulation sur la route est faible, des participants ont décidé d’effectuer des traversées illégales devant l’arrêt d’autobus, amenant un risque de collisions. Lorsque le flux de circulation est élevé, les participants choisissaient de marcher dans le même sens que les voitures tout en reconnaissant le stress que cela engendrait.

De plus, la proximité des voitures sur les routes en milieu rural amène des risques en sécurité routière importants lors de l’attente. Tout d’abord, ces arrêts manquent généralement d’aménagement, comme un abribus, des bollards, etc. afin de séparer l’usager du transport collectif de la route. De plus, en raison de la sous-utilisation de ces arrêts, le déneigement néglige l’aire d’attente.

Ce rétrécissement crée un sentiment d’enclavement en plus d’un manque de visibilité pour les voitures qui effectuent un tournant à l’intersection où cet arrêt est situé. De plus, la présence de commerces avec des stationnements en façade amène de la circulation automobile autour de l’usager, vulnérable à une collision. 

avenue Marc-Aurèle-Fortin (Laval)

Donc, la présence d’un trottoir assez large avec une barrière créée par l’aménagement, tel que de la végétation ou même des voitures stationnées bord de rue augmente le sentiment de sécurité en augmentant la distance avec les voitures. En contrepartie, les participants ont témoigné un sentiment d’insécurité sur un trottoir simple par la présence trop rapproché des voitures roulant à une vitesse élevée. Par exemple, le trottoir sur l’avenue Des Pins a été jugé comme trop étroit face à la vitesse des voitures, perçue comme plus rapide que la limite de 40 km/h par les participants.  

En effet, la vitesse des voitures influence grandement le sentiment de sécurité des piétons vulnérables. Les principales craintes concernant la vitesse des voitures sont, d’une part, les répercussions lors d’une collision et, d’autre part, le temps de réaction réduit des automobilistes. Les participants ont mentionné plusieurs situations où, comme piéton vulnérable, ils sont plus susceptibles de dépendre de la réaction des automobilistes si, par exemple, un enfant en bas âge court brusquement vers la rue, une personne aînée à un malaise et chute dans la rue, une personne non voyante est orientée vers la rue en raison d’une fissure au sol perçu comme un repère par erreur, etc. 

De plus, la proximité des voitures est perçue comme problématique dans les rues sans trottoir, généralement dans les quartiers résidentiels en milieu périurbain. Ceci constitue un obstacle particulier pour les parents, qui tente de délimiter un espace sécuritaire pour leur enfant en bas âge, comme l’explique cette mère : 

Ce risque est d’autant plus préoccupant durant l’hiver, alors que la neige est entassée en bord de rue. Cela crée un rétrécissement de la voie qui accentue la proximité des voitures ajoutant à la perception de risque quant au partage de la chaussée avec les voitures dans les quartiers résidentiels en banlieue de Montréal. 

Traversées

De plus, la cohabitation avec les voitures lors des traversées amène d’autres risques quant à la sécurité des piétons vulnérables. Le marquage au sol augmente le sentiment de sécurité des piétons qui sentent que les automobilistes ralentissent en réaction à l’aménagement, comme le témoigne cette piétonne aînée sur les lignes blanches parallèles aux traversées : « C’est plus sécuritaire. Normalement, ceux qui conduisent voient les lignes, donc ils sont plus prudents ». Or, les conditions hivernales diminue la perception de sécurité du marquage.

Le marquage au sol et la signalisation lors des traversées sont jugés comme d’autant plus importants aux intersections de boulevards. La traversée de plusieurs voies est perçue comme dangereuse pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, étant donné le flux de voiture plus important, des participants ont la perception que les voitures « se lancent » lorsque l’intersection est signalisée par des arrêts. Le respect de la priorité aux piétons aux traversées n’est pas tenu pour acquis par les piétons vulnérables. Cela amène des craintes d’autant plus importantes pour les piétons non voyants dont la sécurité dépend grandement du respect du code de la sécurité routière par les automobilistes, comme l’exprime cette participante malvoyante : 

«J’ai pas traversé l’intersection de façon autonome. Je me suis servie de vous autres, mais quand j’ai traversé, je ne savais pas si c’était mon tour. C’est parce qu’on fait quoi ? Un qui tourne à gauche, l’autre qui tourne à droite et l’autre qui va tout droit, même si les gens dans la voiture me font signe, aucune idée. » 

Participante malvoyante

Donc, durant la traversée de boulevards, les piétons non voyants dépendent des repères sonores comme indication qu’il n’y a plus de voitures à l’intersection. En effet, la stratégie adoptée par plusieurs piétons non voyants est d’entamer la traversée lorsqu’ils n’entendent plus de voitures. Plusieurs ont soulevé les risques liés aux voitures électriques dont le son est moins bien perceptible, pouvant mener à de fausses informations. Sinon, certains piétons non voyants vont attendre au coin de la rue qu’un autre piéton les assiste dans la traversée. 

Ensuite, le nombre important de voies à traverser sur les boulevards crée des craintes dues au manque de temps alloué à la traverse. Lorsque l’intersection du boulevard était signalisée par un feu de circulation, le manque de temps alloué par le feu piéton a occasionné des situations où le groupe de participants se trouvait sur la chaussée hors du phasage piéton. Lorsque l’intersection était signalisée par des arrêts, le manque de patience des automobilistes a créé des interactions sur la chaussée avec les piétons vulnérables. La présence des voies supplémentaires procure l’espace aux automobilistes pour effectuer le tournant alors que les piétons sont encore sur la chaussée. Ceci donne lieu à des interactions à des distances relativement rapprochées. 

De plus, la visibilité du piéton au moment d’entamer la traversée est un facteur de risque pour les piétons vulnérables. Tout d’abord, le non-respect de la signalisation des stationnements en bord de rue prohibant les véhicules d’être stationné à moins de 5 mètres de l’intersection a été observé à plusieurs reprises lors des parcours commentés. La présence de voitures à l’intersection diminue la visibilité du piéton et accentue le stress lié à la traversée de rue pour les piétons vulnérables. Particulièrement les enfants qui sont d’autant moins visibles en raison de leur taille. De plus, l’emplacement des arrêts au coin de la rue a amené une mère d’un enfant en bas âge à percevoir un risque quant à la présence d’autobus limitant la visibilité du piéton à la traversée. En effet, lors de la sortie de l’autobus, cette participante craint que les véhicules ne voient pas les piétons s’engageant dans la traversée en raison de l’autobus étant d’une taille importante. En contrepartie, plusieurs autres participants ont témoigné que les arrêts situés au milieu d’un segment, et non aux abords d’une traversée, sont un incitatif à effectuer des traversées illégales. 

Finalement, la traversée d’intersections moins communes, soit des traverses piétonnes non signalisées ainsi que les carrefours giratoires, occasionne un stress pour les piétons vulnérable dû au manque de respect de la signalisation par les automobilistes. Comme le témoigne une participante aînée, elle se sent négligée par les automobilistes lors d’une traverse piétonne non signalisée : 

Cohabitation avec les cyclistes

Les participants ont souligné les risques entourant la cohabitation avec les cyclistes. Les principales craintes quant au comportement des cyclistes sont l’imprévisibilité de leur trajectoire ainsi que le non-respect de la signalisation. En plus, les participants ont témoigné leur insécurité quant à la pratique de la marche sur des pistes multifonctionnelles. La différence de vitesse entre les piétons et les cyclistes diminue le temps de réaction en plus de demander une réactivité dans une optique de partage de l’espace.

La photo ci-dessous de l’arrêt à l’intersection du boulevard La Fayette et la rue Front à Longueuil démontre une conception de l’espace en vue d’une cohabitation entre piétons, cyclistes et usagers du transport collectif. En effet, le trottoir et la piste cyclable convergent dans un espace partagé où est localisée la zone d’attente pour les usagers du transport collectif. Dans ce genre de situation, les parents ont témoigné avoir des craintes à laisser leur enfant en bas âge attendre librement sur le trottoir dans l’éventualité qu’un cycliste circule. Pour les personnes non voyantes, ceci amène des risques collisions avec les cyclistes, autant durant l’attente que durant la marche, comme l’explique ce participant malvoyant : 

Chute

La crainte de chute est un élément important quant à la sécurité des piétons vulnérables. La menace la plus importante de chute identifiée par les participants est la présence de glace au sol qui amène un stress tout au long de la marche. Les conditions hivernales exigent une attention constante, comme témoigne une participante malvoyante circulant sur un segment asphalté après avoir circulé sur un segment glacé : « là, je ne suis pas obligé de marcher la tête par en bas, tantôt je marchais comme ça ! Là je peux lever la tête. » Un autre risque de chute important rencontré lors des parcours est les ravins aux abords des routes en milieu rural. 

La proximité des voitures circulant à une haute vitesse crée un sentiment d’enclavement insécurisant pour les piétons se sentant entourer de risque, comme témoigne une mère de jeunes enfants : 

« Tu vois, si j’avais été avec mon enfant, j’aurais eu tendance à lui dire : tu te tiens sur ma gauche. Tandis que là se tenir sur ma gauche c’est aussi dangereux que de se tenir sur ma droite. […] Ça fait que là, il bifurque là ou il bifurque là, c’est très stressant ici disons avec un enfant de trois ans qui n’est pas en poussette. Là je n’aurais pas le choix d’avoir une poussette double ». 

Mère de jeunes enfants

De plus, la proximité des voitures inquiète sur ce genre d’artère conjuguée avec la présence de glace amène un sentiment de risque élevé, comme témoigne ce participant aîné : 

Sécurité personnelle

Les participants ont témoigné de craintes pour leur sécurité personnelle due au manque de visibilité dans certains environnements. D’une part, lors de certains parcours commentés réalisés en milieu rural, la faible circulation de piéton et de voitures amène un sentiment d’isolement pouvant créer des craintes de ne pas recevoir de l’aide en cas de malaise ou d’agression. De plus, certains participants n’ayant pas de téléphone cellulaire ont soulevé dépendre des autres piétons, dans ce cas, absents, pour appeler l’urgence. D’autre part, certains éléments en lien avec l’aménagement ont été rapportés comme une nuisance à la visibilité du piéton. Par exemple, des panneaux publicitaires sur l’abribus de l’arrêt à l’intersection du Boulevard d’Iberville et de la rue Noiseux isolent l’usager du transport collectif créant un sentiment d’insécurité chez certains participants. De plus, le manque de lampadaire amène aussi des craintes chez les participants en situation où ils utiliseraient le transport collectif en soirée. Plusieurs participantes ont témoigné que les craintes quant à la sécurité personnelle sont plus présentes en tant que femme, et qu’en plus, la présence d’enfants ou de limites physiologiques augmente la vulnérabilité dans de telles situations. 

Atteint d'un obstacle

Les participants ont mentionné de nombreux obstacles qui peuvent les atteindre de manière à causer des blessures, donc affecté le sentiment de sécurité. Une participante non-voyante a amené une conceptualisation intéressante de ces obstacles, soit des obstacles mobiles, immobiles et temporaires. Les obstacles mobiles comprennent des éléments en mouvement, tel que les rétroviseurs d’autobus empiétant sur le trottoir pouvant atteindre des usagers durant l’attente (particulièrement les piétons non voyants), la présence d’un véhicule de déneigement sur le trottoir, etc. Les obstacles immobiles sont des éléments permanents dans l’espace auxquels les usagers réguliers peuvent s’acclimater, tels que de la végétation empiétant sur le trottoir étant problématique pour les piétons non voyants ou les parents ayant les mains sur leur poussette, le mobilier urbain étant dans la trajectoire des piétons non voyants, etc. Finalement, les obstacles temporaires sont des objets temporairement ou soudainement sur le chemin des piétons, comme des pancartes de travaux de construction, des voitures stationnées en bord de rue lorsque le piéton partage la chaussée (par exemple sur une trame de banlieue), des pancartes électorales, etc. Ces éléments sont particulièrement problématiques pour les piétons non voyants pour qui un itinéraire vers l’arrêt d’autobus est construit autour d’une routine, d’un décompte d’objet détecté avec la canne, etc. 

Confort

Les participants ont identifié trois éléments qui affectent leur confort lors de l'accès au transport collectif :

Infrastructures piétonnes

En termes de confort lié aux infrastructures piétonnes, l’absence de trottoir lors de certains parcours commentés a été mentionnée de manière quasi systématique par les participants. En effet, sans nécessairement causer des limites en soi, le trottoir est jugé comme nécessaire lors de l’accès à l’arrêt d’autobus, comme l’explique cette mère de jeunes enfants lors d’un parcours sur la route Hardwood (Vaudreuil-Dorion) : 

L’espace dédié aux piétons par la présence d’un trottoir amène une certaine tranquillité augmentant le confort lors de la pratique de la marche. Cependant, le trottoir doit être suffisamment large afin de permettre la cohabitation avec les autres piétons en plus d’éviter des obstacles (flaques d’eau, poubelles, etc.). De plus, sans nécessairement mener à des enjeux d’accessibilité comme les accotements non asphaltés, l’état du trottoir pouvant être endommagés par des craques ou la présence trop fréquente d’entrée charretière peut être dérangeant pour les piétons vulnérables.

Or, les participants ont mentionné avoir l’impression que plusieurs nouveaux développements résidentiels, généralement en milieu périurbain, négligent l’aménagement de trottoirs aux profits de pistes multifonctionnelles. L’opinion des participants est partagée quant à ces espaces alors que certains sont d’avis qu’il s’agit d’un moyen d’économiser de l’argent par les promoteurs aux dépens du confort des piétons, alors que d’autres jugent que la largeur de ces espaces est confortable, notamment pour circuler avec une poussette. 

À l’aire d’attente, l’absence d’abribus a été signalée dans la grande majorité des cas où il était absent à l’arrêt. Cette infrastructure influence grandement le confort lors des intempéries, comme la pluie, la chaleur ou le froid, comme relate cette participante aînée : 

Les bancs sont aussi un mobilier important en termes de confort, en plus d’être un besoin d’accessibilité pour les piétons dont la distance pouvant être parcourue est limitée. Tous les usagers peuvent bénéficier de la présence d’un banc à l’arrêt d’autobus, mais cela répond aussi à certains besoins spécifiques de piétons vulnérables, comme les mères de jeunes enfants : 

« Ça manque de banc en ville pour les personnes âgées qui font leurs courses à pied, mettons ou les mamans qui veulent s’asseoir pour allaiter par exemple. Comme là, si j’avais mon bébé qui pleurerait et qu’il n’y avait pas de cabine, pas de banc, je saurais que c’est parce qu’elle a faim et que je n’en ai pour 15 minutes à attendre l’autobus parce que je me suis pris d’avance […] je m’assois parterre ou je le fais debout, mais c’est ça. C’est très spécifique comme catégorie de personne en particulier, mais les mères qui allaitent il y en a de plus en plus. Puis, on n’est pas demandante, pas besoin d’avoir un dossier, pour vrai, juste une place où s’asseoir. Pas besoin d’avoir une salle d’allaitement là ! »

Mère de jeune enfant

Afin de retrouver un certain confort dans les situations où un abribus ou un banc ne sont pas présents, les usagers du transport collectif vont parfois se positionner en retrait de l’arrêt afin d’augmenter leur confort, soit par l’accès à un endroit ombragé ou un endroit où s’asseoir. Cependant, les participants ont rapporté une crainte de ne pas être suffisamment visible pour le conducteur d’autobus. Cela les amène à attendre l’autobus près du panneau, sans les infrastructures pouvant augmenter leur confort. 

Expérience sensorielle

Des éléments sensoriels vont influencer la perception de confort des piétons vulnérables lors de l’accès au transport collectif. Tout d’abord, en été, la chaleur est un facteur pouvant amener un inconfort. En contrepartie, la présence de végétation est valorisée par les piétons vulnérables afin de lutter contre la chaleur, comme témoigne ce participant aîné :

« Le soleil que tu n’as pas sur la tête à des 40 degrés. Des arbres, ça rafraichit, ça nous met à l’ombre. Des fois tu attends l’autobus pendant 20 minutes, ça fait que là, tu es à l’ombre. »

Participant ainé

En hiver, le froid est vécu de manière similaire à la chaleur quant à l’inconfort qu’il procure. L’inconfort provoqué par la température est perçu particulièrement problématique pour les piétons aînés et les parents s’inquiétant pour leur enfant en bas âge. L’inconfort provoqué par la température influence l’expérience durant la marche, mais particulièrement à l’aire d’attente. Les participants sont plus sensibles aux inconforts reliés à la température durant l’attente, tout en témoignant qu’autant le chaud ou le froid ont un impact sur le temps qu’ils sont prêts à consacrer à attendre l’autobus. 

Un inconfort sensoriel important est vécu en raison de la pollution sonore, principalement créée par la circulation automobile. Les bruits rapportés comme dérangeant par les participants se trouvaient sur des routes majeures, autant en milieu urbain, périurbain et rural, où le débit automobile était plus important. De plus, cette circulation automobile amène des odeurs désagréables, allant jusqu’à amener des inquiétudes par rapport à la qualité de l’air respirée. 

Services

De plus, certains services identifiés par les participants peuvent augmenter le confort lors de l’accès au transport en commun. La disponibilité d’une toilette est jugée pertinente par plusieurs participants, comme le témoigne cette mère de jeunes enfants : 

« Mettons ici, tu es une personne un peu plus âgée ou une femme enceinte que tu as envie au 15 min. […] Tu es stressée parce que tu ne sais pas c’est quand la prochaine fois que tu vas avoir accès à une toilette. Il y en a des toilettes extérieures qui sont propres, ça existe. C’est pas obligé d’être dégueu. »

Mère de jeune enfant

De plus, la disponibilité de poubelles est jugée comme un service essentiel alors que la présence de déchets à l’aire d’attente ou en bord de route est jugée comme un inconfort lors de l’accès au transport en commun. 

Plaisir

Le plaisir des participants est influencé par deux facteurs identifiés par les participants :

Ambiance

L’ambiance au niveau de la rue a un impact sur le plaisir ressenti par les piétons vulnérables lors de l’accès au transport collectif. Le calme provoqué par une absence de pollution sonore ou par la présence de végétation crée un sentiment de bien-être chez les piétons vulnérables pour qui la pratique de la marche est parfois un facteur de stress. Ce sentiment de calme a principalement été mentionné dans les milieux ruraux ainsi que dans les ruelles de Montréal. Or, le calme ressenti lors de certains parcours est interrompu par la circulation automobile. La présence de circulation lourde amène un stress soutirant le sentiment de plaisir dans la marche. 

Esthétisme

L’esthétisme des abords de l’itinéraire peut aussi procurer un sentiment de plaisir aux piétons. Plusieurs éléments ont été mentionnés comme augmentant l’esthétisme : l’architecture des bâtiments, la présence de végétation, l’absence de déchets au sol et la présence de paysage. Donc, des participants ont mentionné le manque d’esthétisme des magasins de grandes surfaces n’ayant aucune relation à la rue du point de vue du piéton étant donnée la présence de stationnements. En effet, la présence de façade de commerces est un élément procurant de l’animation durant la pratique de la marche. De plus, lors d’un parcours commenté sur le boulevard Lévesque à Laval, un participant aîné a déploré le manque d’accès et de percées visuelles sur la Rivière-des-Prairies étant donnée la présence de bâtiments résidentiels et de terrains privés.

Les éléments ayant un impact sur le plaisir semblent être d’autant plus importants aux abords de l’aire d’attente étant donné que les usagers du transport collectif y consacrent davantage de temps. Donc, les arrêts d’autobus situés sur des routes principales en milieu rural ont été déplorés en raison de la présence lourde d’automobiles jumelées au manque d’animation pouvant attirer l’attention lors de l’attente, tel que des commerces, la présence d’autres piétons, des bâtiments, etc.

Attitude

L’attitude des piétons vulnérables envers la marche vers le transport collectif est influencée par deux principaux facteurs qui ont été mentionnés durant les parcours commentés : la place du piéton négligée sur l’itinéraire ainsi que le manque de considération des vulnérabilités dans le premier et dernier kilomètres. 

Place du piéton négligée aux abords des arrêts

La place du piéton dans l’aménagement possède un effet sur l’attitude envers la marche vers le transport collectif. Plusieurs éléments ont mené les participants à déclarer que la place du piéton était négligée. Ceci affecte significativement l’expérience de l’usager, voire à affecter son choix modal vers la voiture, ou, s’il ne peut posséder un permis de conduire, vers le transport adapté. 

La négligence de la place du piéton peut prendre différentes formes selon le milieu dans lequel se situe l’arrêt. En milieu urbain, le déneigement est le principal facteur qui influence l’attitude des participants envers la place du piéton aux abords des arrêts. La perception de la priorité accordée aux autres modes de transport, soit la voiture et les cyclistes, dans les opérations de déneigement nuit à l’attitude envers la marche vers le transport collectif. En milieu périurbain, le manque de considération des déplacements à la marche dans une perspective d’accessibilité et de confort amène des conséquences négatives sur l’attitude envers l’accès au transport collectif, soit dans l’absence de trottoirs ou la rupture causée par des boulevards qui augmente les temps de déplacement. En milieu rural, l’aménagement à l’échelle micro, par exemple la présence d’accotements non asphaltés, amène une attitude négative chez les piétons vulnérables qui ne conçoivent la marche comme praticable aux abords de certains arrêts. 

Considération des vulnérabilités l’aménagement aux abords des arrêts 

La considération des vulnérabilités dans l’aménagement aux abords des arrêts influence l’attitude envers la marche des piétons vulnérables vers le transport collectif. En effet, les nombreuses limites identifiées lors des parcours vont amener certains participants à diminuer leurs attentes en raison de manque de considération de leurs intérêts, comme le témoigne cette participante aînée : 

« C’est que les personnes âgées, il y arrive un moment où est-ce qu’elles sont trop âgées pour demander des changements, elles vont s’adapter. Elles vont juste faire, c’est trop compliqué, je ne le fais plus. Ça vient de finir. Moi je suis juste comme dans la transition où est-ce que je me rends compte que ça commence à être de plus en plus compliqué puis je trouve que ça pourrait être simplifié pour les personnes âgées. »

Participante aînée

Comme mentionné, l’attitude négative de l’accès au transport collectif amène une réticence envers ce mode de transport qui peut influencer le choix modal, comme l’exprime aussi cette participante malvoyante : 

« C’est ça, si ça ne fait pas ton affaire, prends le transport adapté. Ce que la plupart des personnes vont faire. Je suis un peu une anomalie en ne le prenant à peu près jamais. J’aime tellement la spontanéité de dire, j’ai besoin de partir, je pars»

Participante malvoyante

L’attitude envers le transport collectif est négative en raison du manque de considération des différentes caractéristiques individuelles des piétons vulnérables. La dépendance au transport collectif plus importante chez ces populations les contraint aux conditions ardues de l’accès au transport collectif dans leurs déplacements quotidiens. Cette dépendance renforce l’attitude négative ainsi que l’impact de l’environnement bâti sur l’expérience de mobilité des piétons vulnérables. 

Références

Ajzen, Icek. 1991. « The theory of planned behavior. » Organizational behavior and human decision processes 50 (2). Elsevier: 179‑211.

Alfonzo, Mariela A. 2005. « To Walk or Not to Walk? The Hierarchy of Walking Needs. » Environment and Behavior 37 (6). SAGE Publications Inc: 808‑836. doi:10.1177/0013916504274016. https://doi.org/10.1177/0013916504274016.

De Vos, Jonas, Katrin Lättman, Anna-Lena van der Vlugt, Janina Welsch et Noriko Otsuka. 2023. « Determinants and Effects of Perceived Walkability: A Literature Review, Conceptual Model and Research Agenda. » Transport Reviews 43 (2): 303‑324. doi:10.1080/01441647.2022.2101072. https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01441647.2022.2101072.

Montée Masson / Face au 1601 (Laval)

Arrêt Marc-Aurèle-Fortin / Face au 707 (Laval)

Arrêt Marc-Aurèle-Fortin / Face au 707 (Laval)

avenue Marc-Aurèle-Fortin (Laval)