
Les droits des femmes dans le monde
Des disparités criantes selon les régions
"N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant." Simone de Beauvoir.
Avant propos
Cette citation de Simone de Beauvoir ne peut que faire écho à l'actualité internationale actuelle, où les droits des femmes ne sont pas partout acquis et régressent même dans certains endroits. Parmi ces attaques contre les droits des femmes citons l'Afghanistan où depuis la prise de Kaboul par les talibans les femmes ne peuvent plus aller à l'école, sortir sans être accompagnée ou travailler. Si d'importantes avancées ont déjà été faites dans les droits des femmes, force est de constater que des inégalités continuent d'exister entre les femmes et les hommes, et que de nombreux droits sont encore refusés aux femmes.
Quelles avancées avons-nous réalisées dans la lutte mondiale pour l'égalité des droits et que reste-t-il à accomplir ? Depuis la campagne des suffragettes dans le monde entier jusqu'à l'essor du mouvement #MeToo et à l'activisme numérique, nous avons lentement progressé dans le bon sens. Mais aujourd'hui, le combat pour l'égalité des sexes est loin d'être gagné. Source : ONU Femmes
Les inégalités de genre sont à l'origine de nombreux problèmes, qui touchent les femmes et les filles de manière disproportionnées, comme les violences domestiques et sexuelles, le manque d'accès à l'éducation, les soins de santé insuffisant ou des rémunérations plus faibles. Dans certains pays les femmes n'ont que très peu de droits comparés aux hommes et cela les précarise.
Carte des inégalités de droits entre les femmes et les hommes. Source : AFP
Or ces inégalités sont une catastrophe tant pour les droits humains, que d'un point de vue économique. En effet, rien qu'en France les inégalités hommes-femmes coûteraient 118 milliards d'euros par an selon la Fondation des Femmes et Genre et Statistique.
Mais qu'entend-on par "droits des femmes" ? Il s'agit des droits revendiqués par les femmes à travers le monde. Les droits des femmes sont parfois institutionnalisés mais ils peuvent être aussi ignorés, réprimés ou même supprimés. Sont compris dans les droits des femmes les droits de vote, d'autonomie et d'intégrité corporelle, d'éligibilité, de propriété, de travailler ou encore d'accès à l'éducation. Si de grands progrès ont eu lieu sur le plan de l'éducation primaire des jeunes filles dans de nombreux pays, des inégalités de genre sont encore à l'origine d'entraves à l'accès à l'éducation dans certains pays.
Pourcentages de filles parmi les élèves scolarisés dans le monde. Source : Banque Mondiale.
Il est important de ne pas confondre droits des femmes et droits humains, car il existe des inégalités historiques entre les femmes et les hommes, qui encore aujourd'hui sont très marquées, même si des initiatives politiques à l'échelle internationale s'engagent à les réduire.
Nous nous sommes demandées où en était les droits des femmes dans le monde. Pour mettre en lumière certains droits élémentaires dont sont encore privées de nombreuses femmes dans le monde, nous allons faire un état des lieux des droits des femmes dans le monde, puis nous focaliser sur le droit de vote pour enfin analyser la situation des droits des femmes dans les pays musulmans.
État des lieux des droits des femmes dans le monde
A partir de la liste ci-dessus, quelles sont, selon vous, les principales raisons pouvant expliquer que les femmes ne sont pas égales aux hommes dans votre pays ? Source : https://focus2030.org/sondage-international-genre
Les sorcières ou tandem. Estampe de Jean Veber, 1900 (Source, Gallica, BNF)
Les droits des femmes dans les pays du monde, est un débat présent depuis des millénaires au sein de nos sociétés, sachant qu’il s’agit d’un droit fondamental permettant d’aboutir à une société pacifique et libre, l’égalité des sexes reste encore un chemin semé d'embûches. La femme de manière générale est souvent perçue comme un être mystérieux ayant la capacité de donner la vie ou encore perçue dans la religion chrétienne comme étant une sorcière car considérée comme faible face à l'homme devenant la proie facile du Diable ainsi qu'une pécheresses se donnant à la débauche et à la tromperie, les condamnant ainsi au bûcher.
Les femmes dans le monde, subissent des sévices de diverses natures comme les abus physiques, psychologiques ou encore sexuelles souvent commises par des hommes faisant partie de leur entourage. Cette différence homme/femme est souvent alimentée par de nombreux clichés qui persistent au sein des sociétés du monde, comme l’homme voulant exercé un métier en rapport avec le pouvoir et la femme ayant pour ambition d’être au contact de l’humain mettant ainsi en danger la perception qu’on fait des femmes dans le monde.
Manifestation d'écolières à Kaboul luttant pour l'accès à l'éducation.
Selon l’anthropologue Françoise Héritier, la domination masculine: “ est un phénomène intemporel et universel mais aussi indépassable, car en permanence reconstruit ”. En effet, on retrouve de nombreux cas de figure montrant ainsi une discrimination sur le sexe et le genre allant à l’encontre des droits que les femmes possèdent, c’est le cas depuis mars 2022 où plus de 3 millions d’écolières afghanes subissent la répression des talibans leur privant ainsi le droit à avoir accès à l’éducation. Pourtant cette privation de l’éducation coûterait à l’Afghanistan 2,5% de son PIB. Au-delà du coût économique engendré, la question de la sécurité de ces jeunes filles se pose selon l’Unicef, un risque élevé de mariages forcés, ainsi que l’augmentation des grossesses précoces et l’augmentation de la mortalité infantile est à prévoir, devenant ainsi, un enjeu majeur de la sécurité internationale.
On retrouve également une situation très alarmante concernant la Chine et l’Inde dont le taux de naissance des filles ne cesse de décliner par rapport aux garçons et où la pratique de l’IVG dite sélective est courante après avoir pris connaissance du sexe du fœtus. En effet, selon la Human Rights Watch, 80 millions de femmes manqueraient, lié à une “coutume” ancienne qui serait la “préférence d’un fils” ayant la capacité de travailler et d’apporter un soutien financier à leurs parents qui, à contrario d’une femme, serait une charge financière importante lié au contexte du mariage par une dot à débourser. Pourtant, cette pénurie de femme alimente de plus en plus les mariages forcées afin de pouvoir perpétuer la ligner des hommes en quête d’une femme c’est le cas dans les régions du Kachin et du Shan où des trafiquants payés par les familles cherchant une épouse, promettent aux jeunes femmes un train de vie meilleur les revendant ainsi entre 3000 et 13 000 dollars faisant d’elles des esclaves de la société contemporaine.
Tarana Burke, à l'origine du mouvement #MeToo.
Depuis quelques décennies, nous constatons l'émergence de mouvements qui dénoncent et défendent les droits des femmes luttant ainsi contre les inégalités et les abus de diverses natures que subissent les femmes du monde. Nous retrouvons ainsi le mouvement #MeToo qui voit le jour en 2006 par l’activiste afro-américaine Tarana Burke en publiant “ Si toutes les femmes qui ont été harcelées ou agressées sexuellement écrivent “Moi aussi” dans leur statut”. Celui-ci prend une ampleur mondiale en octobre 2017 sous l’égide de l'actrice Alyssa Milano dans le contexte de l’affaire Weinstein mettant ainsi en lumière les violences et harcèlements sexuels subis et permettant ainsi de libérer la parole aux femmes soumises au silence. Le mouvement permet de mettre en exergue toutes les failles de la société sur divers corps de métier (industrie de la musique et du cinéma, la politique, les médias, ou encore le sport). En France, le #balancetonporc a eu pour effet de permettre aux femmes de se sentir libre et écouter lors de plaintes pour des faits d’agression sexuelle. Cependant l’accueil des victimes de violence ou d'harcèlement sexuel a permis de mettre en lumière les failles du système judiciaire français concernant les délits sexuels commis, il s’agirait de 84 000 femmes qui sont concernées par des faits de viol ou tentative de viol, dont 61% des dossiers pour violences sexuelles sont considérées comme “non poursuivables” par faute de preuves montrant ainsi un chemin de lutte concernant les droits des femmes.
Pourcentage des violences effectuées à l'encontre des femmes dans le monde. Source : OCDE
Le droit fondamental des femmes, est de disposer librement de leur corps que se soit sexuel ou encore reproductif. L’accès à la contraception et à l’avortement permet aux femmes d’exprimer leur choix sur une grossesse ou non. Pourtant, de nombreuses femmes et jeunes filles n’ont pas accès à un avortement sûr et légal. Pour certaines, le choix d’un avortement clandestin se fait en mettant leur vie en danger ou encore en prenant le risque d’être emprisonnées. En Argentine l’avortement est légal depuis décembre 2020 permettant à 68 0000 femmes d’interrompre une grossesse dans des hôpitaux publics contre 370 000 à 520 000 pratiquées de manière clandestines selon le gouvernement argentin.
Source : Banque Mondiale
Au Sierra Leone, des communautés prennent position contre les mutilations génitales féminines plus communément appelé "excision". En effet, il est question de 86% des filles qui subissent des mutilations génitales soit le quatrième pays d’Afrique ayant le taux le plus élevé. Après des négociations entre Amnesty International et les communauté du Nord-Ouest de la Sierra Leone, un protocole d’accord interdit les mutilations génitales sur des jeunes filles ayant moins de 18 ans, au-delà, le consentement de la femme est requis avant que l’intervention ait lieu. Permettant ainsi à environ 600 filles d’être sauvées de ces mutilations dans la chefferie de Masungbala un mois après la mise en place de ce protocole.
Le droit de vote des femmes, un long combat pas encore gagné
Le droit de vote est un des droits fondamentaux qui permet aux femmes de prendre leur place dans la société. Ce droit constitue un pilier essentiel de l'égalité des genre et de la lutte contre la discrimination. Avant l'obtention du droit de vote, les femmes étaient souvent exclues de la sphère politique et privées de la possibilité de faire valoir leur idées et leur intérêts. Elles étaient reléguées aux rôles traditionnellement assignés par la société, limitées à la sphère domestique et dépourvues de moyens pour défendre leurs droits. Le suffrage féminin a permis de briser ces barrières et de reconnaître l'égalité des femmes en tant que citoyennes à part entière. En outre, le droit de vote des femmes a eu un impact significatif sur la société dans son ensemble. Il a contribué à faire avancer les droits des femmes et à remettre en question les normes et les stéréotypes de genre. Les femmes ont pu jouer un rôle actif dans des mouvements sociaux et des réformes législatives visant à promouvoir l'égalité des sexes, l'accès à l'éducation, la santé reproductive et d'autres droits fondamentaux.
Les pays musulmans et les droits des femmes : impasse ou avancée progressive ?
Dans les médias ou plus généralement dans la société, on entend souvent dire que l'Islam est la religion la plus intolérante vis-à-vis des femmes. Mais qu'en est-il réellement ?
Si l'on fait un peu d'histoire, l'apparition de l'Islam améliore considérablement la situation des femmes de l'époque : elles ne sont considérées que comme des bouches à nourrir qu'on élimine à sa convenance, ni comme des esclaves; mais comme des personnes considérées par Dieu comme l'égale des hommes et à ce titre elles sont protégées. Ainsi donc au départ l'Islam n'était pas contre les femmes, et leurs accordaient même plus de droit et de liberté que la religion catholique à la même époque. Les "dérives" et les atteintes au droit des femmes au sein de l'Islam sont dues à l'intégration des traditions spécifiques des tribus de la Péninsule Arabique dans le Coran ainsi que les différentes interprétations des textes sacrés.
Carte des inégalités de genre dans l'accès au divorce. Source : Banque Mondiale
Si les femmes n'ont pas les mêmes conditions d'accès au divorce que les hommes dans des pays qui ne sont pas musulmans (Haïti, Guyana), force est de constater avec la carte ci-dessus que la majeure partie des pays concernés sont des pays musulmans.
Il est cependant important de souligner la grande diversité des pratiques religieuses et des atteintes au droit des femmes au sein de l'Islam. Une Turque, une Pakistanaise et une Saoudienne n’auront pas les mêmes statuts, les mêmes droits ou les mêmes modes de vies. Et peu de femmes sont autant privées de leur droit que les Afghanes sous le régime des Talibans. C'est ainsi que les Afghanes ne peuvent plus voyager à plus de 72km de chez elles sans être accompagnées par un homme et sont encouragées à être toujours accompagnée d'un chaperon et à ne pas sortir de chez elles.
Quand l'on compare les deux cartes ci-dessous, on remarque que la majeure partie des pays interdisant dans la loi aux femmes de sortir de chez elles sans être accompagnées par un homme sont des pays musulmans, bien que tout ces pays n'appliquent pas cette loi de façon rigoureuse. Et presque tout les pays qui entravent la libre circulation des femmes ont aussi des lois discriminantes ne permettant pas aux femmes de signer des contrats de la même façon que les hommes. Or ces dernières lois ont un impact sur l'accès au travail de ces femmes, qui peut aussi être impacté par l'entrave à la libre circulation. Ainsi, si certains pays musulmans ne sont pas concernés par ces lois discriminantes et privant les femmes de certains droits, force est de constater que la majorité des pays du Moyen-Orient sont en retard sur les droits des femmes. De plus, ce n'est pas parce que ces pratiques ne sont pas inscrites dans la loi qu'elles n'existent pas : en Arabie Saoudite les femmes ne peuvent officiellement conduire que depuis 2018, mais encore aujourd'hui l'accès à cette forme de mobilité leur est très souvent difficile et il est mal vu pour une Saoudienne de travailler ou de sortir sans chaperon.
Comparatif entre les inégalités de genre lors de la signature de contrat (à gauche) et l'entrave à la liberté de circulation des femmes (à droite). Source : Banque Mondiale, 2022.
Conclusion
Si les droits des femmes ont fait des avancées majeures depuis le début du XIXème siècle, force est de constater que de nombreux progrès restent à faire, les femmes n'ayant en moyenne que trois quarts des droits des hommes. De plus, les femmes doivent faire face à des violences spécifiques qui ne sont pas condamnées par la loi et qui sont pour certaines culturelles et systémiques (l'excision dans certains pays d'Afrique par exemple). Par ailleurs, quand une avancée est faite, les femmes ne peuvent pas la considérer comme définitive comme en témoigne la révocation de l'arrêt Roe vs Wade aux Etats-Unis en juin 2022 qui a engendré la suppression ou l'extrême limitation du droit à l'avortement dans au moins 13 états américains.
Les mouvements féministes du XIXème siècle s'étaient surtout formés pour défendre le droit de vote des femmes et il apparaît que ce droit est peut-être le droit des femmes le plus universel, même si se pose la question de l'accessibilité à la pratique de ce droit.
Aujourd'hui c'est dans les pays arabes que les droits des femmes se portent le moins bien, le Global Gender Gap 2018 classant même la majorité des pays arabes parmi les derniers de la liste en matière d'égalité homme-femme, la femme ayant souvent un statut juridique de mineure et étant sous tutelle successive de son père puis de son époux, les pratiques patriarcales et traditionnelles étant enracinées. Si des progrès sont faits progressivement, certains pays rétrogradent en arrière lors de changements de régime, comme c'est le cas actuellement en Afghanistan.