GÉRER LES FORETS A HAUTE VALEUR ENVIRONNEMENTALE

Le concept de Forêt à Haute Valeur Environnementale (FHVE) est issu du projet Interreg POCTEFA CONECTFOR (2019-2022).

Ce dernier visait à améliorer la connectivité entre ces hotspots de biodiversité au sein du massif pyrénéen.

CONECTFOR - Coopération et forêts à haute valeur environnementale dans les Pyrénées


CONECTFOR a permis d'atteindre plusieurs avancées pour améliorer la gestion des FHVE dans les Pyrénées

1- Définir et caractériser les FHVE

Sur les bases posées par le projet MEDFORVAL, les partenaires ont abouti à déterminer 4 critères pour définir une Forêt à Haute Valeur Environnementale.

Le massif des Pyrénées est largement couvert par la forêt qui accueille une biodiversité très riche. Certaines de ces forêts concentrent des enjeux forts en termes de biodiversité : ce sont des forêts que l’on considère à hautes valeur écologique (les “FHVE”) qui, au-delà des nombreuses espèces animales et végétales que l’on y trouve, fournissent de nombreux services écosystémiques (protection de la ressource en eau, maintien d’un sol riche…). 

Pour autant, sur les territoires qui composent le massif, tous n’ont pas la même définition de ce que pourrait être une « forêt à haute valeur écologique ». 

Jusqu’ici, les travaux menés sur les FHVE se sont largement basés sur des critères biologiques ou écologiques liés aux habitats de chaque territoire, sans intégrer dans une vision d’ensemble les corridors les reliant, ni le large spectre d’acteurs concernés (chercheurs, naturalistes, gestionnaires, propriétaires…).  

Il s’agit donc ici de définir conjointement ce que l’on considère comme « FHVE », comment les identifier, les caractériser et ainsi créer un réseau pyrénéen de forêts à haute valeur environnementale. 

Au-delà de ces patchs de forêt à forte biodiversité, la plus-value de CONECTFOR est de repositionner ces FHVE dans la matrice paysagère et d’identifier de quelle façon les éléments qui composent le paysage favorisent (ou freinent) leur connectivité écologique. 

 


Les critères de caractérisation des FHVE

Pour être considérée comme à Haute Valeur Écologique, une forêt doit remplir au moins l'un des trois premiers critères suivants:

  • Diversité biologique
  • Continuité temporelle
  • Un bon fonctionnement de l'écosystème
  • Un quatrième critère, non discriminant, permet de préciser la valeur patrimoniale d’un site

CRITÈRE 1 : LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE

Deux éléments peuvent être pris en compte :

Indicateur 1.1 : La richesse biologique

Cet indicateur repose sur l’approche indirecte qui est permise par l’Indice de Biodiversité Potentielle (Larrieu et Gonin, 2018).

Cet outil existe dans une version dite « déplafonnée » qui vise à quantifier chaque facteur de manière exhaustive plutôt que par un système de score. A ce jour aucun seuil n'est proposé pour discriminer les FHVE. Le principe est de s’appuyer sur des peuplements de référence dans la région pour estimer une moyenne du score IBP avec un intervalle de confiance.

Indicateur 1.2 : La rareté

La rareté est établie dès lors que le site héberge :

1) un habitat forestier prioritaire au titre de la Directive Habitats (annexe I de la directive 92/43/CEE) ;

2) ou une formation forestière rare dans le contexte de chaque région (non incluse dans l'annexe I de la directive 92/43/CEE).

3)  ou une espèce figurant à l'annexe I de la directive 79/409/CEE, à l'annexe II de la directive 92/43/CEE, ou dans les catalogues régionaux d’espèces rares.

CRITÈRE 2 : LA CONTINUITÉ TEMPORELLE

Indicateur 2.1 : Ancienneté de l’état boisé

Cet indicateur est apprécié différemment selon les territoires, au vu des données Disponibles. Ainsi, pour l’Espagne, de manière générale, la couverture photographique aérienne de 1956 est la plus ancienne source cartographique. A noter que la Navarre possède des données de la même nature qui remontent à 1929. Pour la France, la plus ancienne source cartographique mobilisable à l’échelle de l’ensemble du territoire est la carte d’Etat-Major qui date du milieu du 19ème siècle.

Un site forestier sera considéré comme ancien s’il figure déjà en tant que forêt sur l’une de ces sources de données. La présence de traces d’occupations agricoles anciennes peut être mobilisée pour estimer l’ampleur de la continuité temporelle de l’état boisée. Mais il s’agit d’une information à utiliser au cas par cas.

Indicateur 2.2 : Maturité du peuplement

En se basant sur les  résultats du projet GREEN , il a été convenu que les attributs suivants permettent de qualifier le degré de maturité d’un peuplement :

  • nombre de Très Gros Bois (TGB) et Très Très Gros Bois (TTGB),
  • nombre d’arbres morts debout ou au sol,
  • nombre d’arbres porteurs de dendromicrohabitats (DMH).
  • d’autres attributs tels que le nombre de strates ou la diversité en essences sont renseignés par ailleurs, grâce à l’IBP.

Les seuils proposés pour discriminer les vieilles forêts côté français (Savoie et al, 2015) ne sont pas généralisables à l’ensemble du massif des Pyrénées, compte tenu de la diversité des conditions stationnelles et des essences structurant les différentes formations forestières. Pour information, ces derniers sont les suivants : au moins 10 TGB ou TTGB par hectare, au moins 10 bois morts par hectare dans les classes de diamètre GB, TGB ou TTGB, absence de trace d’exploitation récente telle que des souches au stade de saproxylation 1, 2 ou 3.

Le recours au dire-d’expert reste la voie privilégiée pour qualifier le degré de maturité d’un peuplement.

Critère 3 : Fonctionnement de l’écosystème

Indicateur 3.1 : Surface

Cet indicateur a été jugé suffisamment important pour être intégré en tant que descripteur, au moins dans un premier temps, plutôt qu’en véritable indicateur. L’état des connaissances est en effet insuffisant pour établir un seuil minimum. Ce dernier est d’ailleurs à mettre en relation avec le type d’habitat et peut même être délicat à définir pour certaines formations associées à des situations stationnelles souvent très limitées dans l’espace (ex : tillaies de ravin).

On peut citer deux travaux scientifiques qui apportent des éléments d’information relatifs à cet indicateur. Dans une hêtraie, Jakoby (2010) a estimé, par simulation, qu’il faut un minimum de 2 ha pour garantir la diversité à long terme des types de bois morts. En contexte de hêtraie-sapinière subnaturelle, Larrieu et al. (2013) ont estimé qu’il faut un minimum de 20 ha pour assurer la présence de l’ensemble des types de DMH.

Indicateur 3.2 : Intégrité des processus écologiques

Présence de l’ensemble des stades sylvigénétiques et absence de blocage de la dynamique par une ou plusieurs espèces introduites.

Plusieurs références existent, en fonction des contextes et des types de formation forestière : hêtraies-sapinières (Gonin, 1988), hêtraies (Hilmers et al, 2018), forêts méditerranéennes (EUROPARC, 2020).

Critère 4 : Valeur patrimoniale

Il s’agit ici simplement d’expliciter la valeur patrimoniale qui est associée à une FHVE, le cas échéant. Elle peut reposer sur au moins l’un des éléments suivants :

  • un intérêt paysager
  • un témoin de pratiques anciennes, pastorales ou forestières
  • un centre d’accueil pour l’éducation à l’environnement du grand public


2- Gérer les connexions entre FHVE

La recherche, la mise en commun, la réalisation de pratiques sylvicoles par les partenaires ont abouti à établir des recommandations de gestion pour améliorer la connectivité de ces espaces boisés. Ces actions ont vocation à être prioritairement réalisées au sein du tissu forestier situé entre les hotspots.

Elles ont été structurées pour répondre à chacun des critères définissant les FHVE.

A- Améliorer la diversité biologique

  • Maintenir ou favoriser les essences secondaires et d’accompagnement
  • Diversifier la composition des peuplements (plantations d’enrichissement, …)
  • Privilégier le renouvellement des peuplements par régénération naturelle, particulièrement des essences caractéristiques d’Habitats d’Intérêts Communautaires (HIC)
  • Privilégier le renouvellement des peuplements par régénération naturelle, particulièrement des essences caractéristiques d’Habitats d’Intérêts Communautaires (HIC)
  • Conserver les habitats associés (clairière, lisière …), particulièrement les HIC prioritaires
  • Éviter l’hybridation inter-espèces des essences dominantes par des mesures d’aménagement appropriées
  • Surveiller et agir précocement contre la propagation des espèces exotiques
  • Augmenter la superficie ou restaurer les habitats associés (clairière, lisière …)
  • Pérenniser les pratiques favorables au maintien de la diversité biologique par la mise en place de mesures contractuelles ou réglementaires appropriées

B- Favoriser la continuité temporelle

  • Protéger les peuplements/forêts vis-à-vis des risques exogènes (ex : incendie)
  • Mettre en œuvre des pratiques sylvicoles favorables à la résilience des peuplements/forêts
  • Identifier, maintenir et, le cas échéant, favoriser l’apparition d’éléments singuliers liés à la maturité du peuplement : arbres habitats, (T)TGB, arbres morts...
  • Prendre des mesures conservatoires adaptées (sans exclure la mise en œuvre d’interventions de « génie écologique »)
  • Pérenniser les pratiques favorables au maintien des caractéristiques d’ancienneté et de maturité des peuplements par la mise en place de mesures contractuelles ou réglementaires appropriées

C- Améliorer les fonctionnalités de l'écosystème

  • Maintenir/diversifier les différentes phases du cycle sylvigénétique, depuis la régénération jusqu’aux étapes de maturité
  • Favoriser la mise en place d’une structure mimant celle des forêts matures par des mesures de gestion active (provoquer des perturbations mineures)
  • Surveiller l’état sanitaire et agir précocement contre les maladies et ravageurs
  • Si le peuplement est inadapté à la station ou présente un risque d’inadaptation à terme, mettre en place des mesures d’adaptation appropriées
  • Maîtriser ou rétablir l’équilibre agro-sylvo-cynégétique afin de permettre le maintien du sous-étage et le renouvellement du peuplement
  • Éviter les perturbations physiques et chimiques des sols et du cycle biogéochimique
  • Restaurer les sols et le cycle biogéochimique si nécessaire (conditions critiques d’érosion, perturbations anthropiques)
  • Conserver/Restaurer la végétation rivulaire et la dynamique hydrologique

D - Maintenir et développer la valeur patrimoniale

  • Maintenir ou restaurer certaines pratiques agro-sylvo-pastorales traditionnelles adéquates, raisonnées et contrôlées
  • Préserver des éléments singuliers à valeur patrimoniale (ex : arbres têtards)
  • Éviter l’hybridation inter-espèces des essences patrimoniales par des mesures d’aménagement appropriées
  • Face au vieillissement de certains peuplements patrimoniaux, mettre en œuvre des techniques appropriées de rajeunissement ou de renouvellement


3- Transférer les résultats

Le projet CONECTFOR avait vocation à améliorer la gestion de la connectivité des FHVE dans les Pyrénées.

A ce titre, les partenariat a mené un travail de recensement des instruments de planification ayant un impact sur ces connexions, et d'élaboration de recommandations à leur adresse.

Il s'est concentré sur les instruments régionaux, plus "proches" des résultats et sites du projet, donc avec une meilleure incidence.

L'ensemble de ces recommandations est consultable dans le rapport suivant.

Le projet CONECTFOR a bénéficié du soutien du Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) INTERREG POCTEFA, de l'Etat Français, de la Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée, de la Généralité de Catalogne, Du Gouvernement de Navarre et des partenaires techniques du projet.

Crédit photographies : FORESPIR ; CHA Production ; Frédéric Blanc, CEN Occitanie