Nantes et la traite atlantique
Le parcours est composé de 14 étapes (environ 1,8 km). Départ au niveau de la passerelle Victor Schoelcher.
Si le Mémorial permet de se souvenir et d’inscrire la mémoire dans la ville, le musée d’histoire de Nantes, situé au Château des ducs de Bretagne , donne les clés pour comprendre le passé négrier de Nantes, largement abordé dans l’exposition permanente. Ces treize lieux sont reliés par un parcours dans les rues de Nantes jalonné de panneaux informatifs sur la Traite négrière , l’esclavage et leurs abolitions.
Les abolitions de l’esclavage, un combat difficile et inachevé
En France, au 18e siècle, le mouvement abolitionniste émerge lentement et se heurte à de puissants intérêts commerciaux. L’abolitionnisme en France ne mobilise guère l’opinion publique et reste circonscrit aux milieux des intellectuels. Si plusieurs articles de l’Encyclopédie condamnent vigoureusement l’idéologie colonialiste, peu d’auteurs vont jusqu’au bout de leurs convictions. Ainsi, la Société des Amis des Noirs, créée en 1788, se prononce pour la suppression de la traite mais pour le maintien provisoire de l’esclavage.
Au début de la Révolution , le débat sur la question de la traite et de l’esclavage n’a pas lieu. Les armateurs négriers poursuivent leurs activités jusqu’en 1793. De la Révolution française à la Seconde République, la chronologie de l’abolition de la traite et de l’esclavage s’étale sur plus d’un demi-siècle. Cette longue durée atteste des résistances qu’il a fallu vaincre. C’est tardivement, le 16 pluviôse an II (4 février 1794), que la Convention nationale abolit l’esclavage dans les colonies.
Bonaparte étant Premier Consul, la loi du 30 floréal an X (20 mai 1802) rétablit la traite et l’esclavage.
Napoléon décrète l’interdiction de la traite le 29 mars 1815, mais il fallut une ordonnance et trois lois entre 1817 et 1831 pour mettre un terme à la traite. Son interdiction ne pouvait cependant être totalement respectée tant que l’esclavage persistait.
C’est Victor Schœlcher, sous-secrétaire d’État aux Colonies, qui obtint le 27 avril 1848 la signature du décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises.
À l'échelle du monde, le combat pour l'abolition de l'esclavage se poursuit depuis plus de deux siècles, certains pays n’ayant renoncé à sa pratique légale qu'à la fin du 20e siècle, sans toutefois y mettre réellement un terme.
Nantes, ville de l’abolition ?
Dans le cahier de doléances de Nantes, en 1789, les négociants nantais demandent le maintien de la traite des Noirs et des protections de l’État en la matière. En février 1794, les députés du commerce de Nantes envoient à la Convention, qui vient d’abolir l’esclavage, une délégation pour exprimer leur opposition à l’arrêt de la traite. Selon eux, la survie économique du port impose le maintien du trafic négrier. Nantes ne fait donc pas figure de ville abolitionniste 1814.
La traite illégale désigne la traite négrière pratiquée en contravention avec la loi, sous la Restauration et la Monarchie de Juillet. De 1814 à 1831, Nantes arme 318 navires pour la traite et retrouve sa place de premier port négrier français, assurant 70% des expéditions négrières françaises.
Dès lors, dédier un mémorial à l’abolition de l’esclavage dans une ville qui jusqu’au bout a lutté contre l’abolition est-il paradoxal ?
Sauf à le considérer isolément dans le temps et dans l’espace, le Mémorial prend son sens s’il est lié aux autres efforts accomplis par Nantes pour regarder en face son passé négrier, avec lucidité, sans sentiment de culpabilité ni volonté de repentance.
Il s’agit, en s’appuyant sur sa présence dans la ville, de poursuivre un travail inachevé de remémoration et d’interprétation, toujours nécessaire car malgré le droit et les abolitions, la traite des êtres humains dans le monde continue.
L’abolition de la traite et de l’esclavage en France
1794, 4 février : décret d’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies françaises voté par la Convention
1802 : Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage et la traite
1815 : Napoléon abolit la traite pendant les Cent-Jours
1817 : ordonnance royale interdisant la traite négrière
1817 : première loi interdisant la traite négrière
1818 : deuxième loi interdisant la traite négrière
1831 : troisième loi interdisant la traite négrière
1848 : décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises
Lutter contre l’oubli, mettre en garde pour l’avenir
En 2011, l'ouverture du Mémorial de l’abolition de l’esclavage, conçu par l’artiste Krzysztof Wodiczko et l’architecte Julian Bonder, marque symboliquement une nouvelle étape dans la construction de la connaissance et de la reconnaissance du passé négrier de Nantes.
Une prise de conscience récente
L’occultation totale ou partielle du passé négrier nantais est de mise pendant 150 ans. Ce refoulement collectif génère malaise, conflits de mémoire et polémiques.
A l’initiative d’historiens, un colloque international se tient à Nantes en 1985. Le refus municipal de financer l’opération « Nantes 85 » suscite une réaction des associations et de la société civile qui va contribuer à la mise au jour du passé négrier nantais.
En 1992, la première exposition temporaire en France, consacrée à la traite des Noirs et à l’esclavage, « Les Anneaux de la Mémoire », s’ouvre à Nantes et connaît un vif succès.
En 1998, un collectif nantais réunissant onze associations se constitue pour fêter le 150e anniversaire de l’abolition. Le 24 avril 1998, à l’initiative de l’association Mémoire de l’Outre-mer, est dévoilée sur le quai de la Fosse une sculpture commémorative.
Elle est saccagée quelques jours plus tard. En juin 1998, la Municipalité décide d’ériger une œuvre commémorative, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage. Son ouverture au public en 2011 clôt une période de vingt-cinq ans pour la reconnaissance du passé négrier nantais.
Le Mémorial a pour fonction d’aider à se remémorer le passé, à conserver, transmettre et perpétuer le souvenir. En ce sens, il s’érige dans l’espace public contre les troubles de la mémoire, contre le refoulement, l’occultation et l’oubli. Il est un appel à la vigilance face aux formes contemporaines de l’esclavage en France et dans le monde.
Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage
Conçu par les artistes Krzysztof Wodiczko et Julian Bonder, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage est un parcours qui s’offre aux passants dans l’espace public urbain transformé à des fins mémorielles.
« Le mémorial proposé est conçu comme une évocation métaphorique et émotionnelle de la lutte, principalement historique, mais toujours actuelle, pour l’abolition de l’esclavage (…). Relié spatialement et symboliquement au Palais de Justice par la passerelle Victor Schœlcher, le Mémorial affirmera l’importance du respect des droits de l’Homme » Krzysztof Wodiczko et Julian Bonder, 2005.
Entre la passerelle Victor Schœlcher et le pont Anne de Bretagne, l’immense esplanade invite à un parcours commémoratif. Disséminées au sol, 2000 plaques rappellent les quelque 1800 expéditions négrières nantaises ainsi que les noms des comptoirs négriers d’Afrique, des ports d’escale et de vente des Antilles françaises fréquentés par les navires nantais.
Sous le quai, le passage est conçu comme un parcours méditatif « La transformation d'un espace aujourd'hui "vide" en "passage" permettra d'entrer en contact, du côté terre comme du côté mer, avec le sol même de la ville de Nantes. Les visiteurs du Mémorial descendront eux-mêmes "vers la mer" par un passage longeant le quai du 19e siècle (…).Une immense plaque de verre inclinée à 45°, comme jetée au travers du Mémorial, célèbrera la grande rupture que représente l'abolition de l'esclavage. (...) Ce passage souterrain sera le cœur du Mémorial. » Krzysztof Wodiczko et Julian Bonder, 2005.
En savoir plus sur le Mémorial de l'abolition de l'esclavage
Les bénéficiaires de la traite négrière atlantique
« L’université de Nantes fut fondée en 1460. Mais c’est l’université du commerce qui brille dans cette ville. Ils arment tous les ans plusieurs navires pour la traite des nègres dans les colonies françaises. Ce débit de toutes sortes de marchandises est plus aisé et plus vif à Nantes que dans toutes les autres villes du royaume. », Louis de Jaucourt, l’Encyclopédie, article « Nantes », 1765.
Les produits rapportés de Martinique, de Guadeloupe et de Saint-Domingue par les navires négriers nantais sont des produits de luxe, devenus à la mode au sein de la noblesse et de la grande bourgeoisie. Ainsi le cacao, le café et surtout, à Nantes, le sucre font leur apparition sur les tables des plus riches. Rapidement, la bourgeoisie dans son ensemble imite ces nouvelles pratiques culinaires, qui témoignent d’une certaine aisance.
L’esclavage contemporain, un combat d’actualité
« L’esclavage est l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux. », Article 1er, Titre 1, de la Convention relative à l’esclavage, signée à Genève le 25 septembre 1926.
Après un combat de deux siècles pour l’abolition de l'esclavage à travers le monde et la prise de conscience progressive des crimes que constituent le commerce d'êtres humains et le travail forcé, on pourrait penser que de telles pratiques n'ont plus cours au 21e siècle.
Pourtant, l'Organisation des Nations Unies et l'Organisation Internationale du Travail estiment que l’esclavage contemporain et le travail forcé concernent en 2011, entre 200 et 250 millions de personnes dans le monde, dont une grande part d'enfants.
L'esclavage et la servitude prennent de nouvelles formes, englobant la prostitution, le trafic de migrants, les mariages forcés. Parmi les multiples formes actuelles de l’esclavage dans le monde, on distingue trois grandes catégories : la persistance de l’esclavage traditionnel (servitude pour dettes et vente d’enfants), principalement en Asie et en Afrique, l’exploitation de la main d’œuvre dans des conditions de servitude extrême (mines, usines de sous-traitance, plantations), principalement en Amérique centrale et du Sud, en Afrique, en Asie et au Moyen orient, et la servitude domestique clandestine, principalement en Europe.
Selon l’Organisation Internationale du Travail, la traite des êtres humains est un commerce très lucratif qui arrive en troisième position après le trafic de drogues et d’armes. Elle générerait jusqu’à 27 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. En 2007, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe a estimé que 137 pays sont concernés à titre de pays de destination et 127 à titre de pays d’origine.
Nantes, premier port négrier de France
Au 18e siècle, Nantes devient le premier port négrier de France, point de départ de plus de 42% des expéditions de traite françaises entre 1707 et 1793.
De grandes familles d’armateurs nantais se spécialisent dans ce commerce. Plus largement, l’ensemble du négoce est impliqué dans la traite atlantique.
Le capital nécessaire à l’armement d’un navire négrier implique l’apport de plusieurs investisseurs. L’assortiment en marchandises de traite (armes, cauris, alcools et surtout textiles) répond à la demande en produits européens sur les côtes africaines. Les négriers nantais abordent principalement les régions situées au sud du Niger et Ouidah sur la côte des Esclaves. Le Sénégal et Gorée constituent surtout des escales. Les navires rejoignent alors les Antilles françaises et notamment Saint-Domingue. De retour vers Nantes, le navire transporte des produits tropicaux.
Le commerce direct, dit « en droiture », avec les îles permet également l’arrivage des produits coloniaux en France. Les colons paient ainsi les esclaves achetés à crédit. Par ce trafic, la ville et la région nantaise bénéficient de retombées économiques. Certaines industries fournissent les biens échangés sur les côtes africaines contre des esclaves, d’autres transforment les produits rapportés des colonies. Les toiles imprimées représentent entre 60 et 80% de la valeur de la cargaison d’un navire négrier, au départ de Nantes.
Dans la ville, après 1758, sur les îles de la Petite et de la Grande Biesse, de nombreuses manufactures de toiles imprimées apparaissent. Environ 1200 personnes y travaillent et 112 000 pièces de toiles y sont fabriquées, chaque année.
En savoir plus sur les Ports de Nantes
L’Europe négrière
Entre le 16e et le 19e siècle, la plupart des nations européennes participent à la traite négrière atlantique. Certaines arment des navires, comme l'Angleterre (41,3 % des expéditions), le Portugal (29,3 %), la France (19,2 %), la Hollande (5,7 %) et le Danemark (1,2 %). D'autres financent les expéditions négrières sans les organiser directement, comme la Suisse qui a des filiales commerciales dans les grands ports d'Europe.
Nombreux sont également les pays qui produisent les cargaisons de marchandises échangées contre des captifs africains (textiles, armes, verrerie, outils, métaux...) ou qui fournissent les équipages des navires négriers. Au final, de Cadix à Oslo, de Venise à Liverpool, c'est une grande part du continent européen qui s'est impliquée dans le commerce négrier.
Le « triangle »
La traite atlantique fonctionne selon le schéma du « commerce triangulaire » ou « circuiteux ». Le « triangle » s’effectue ainsi : les navires chargés de marchandises destinées à l’achat des captifs, hommes, femmes et enfants, se rendent –depuis l’Europe- sur les côtes d’Afrique où ont lieu les transactions. Puis ils traversent l’Atlantique pour rejoindre les Antilles ou le continent américain où sont vendus les captifs qui deviennent esclaves dans les plantations. Enfin, les navires chargés de productions coloniales rentrent en Europe.
« Ces Messieurs du commerce »
Une importante et riche communauté marchande se développe grâce à la fortune maritime du port de Nantes. Cette bourgeoisie aisée, enrichie en grande partie par la traite des Noirs et le commerce colonial, règne sur l’activité portuaire. Elle s’affiche en édifiant de luxueux hôtels en ville et le long de la Loire, plus particulièrement sur l’île Feydeau et sur le quai de la Fosse.
Les traces et références explicites à la traite négrière sont très rares dans la ville. Les façades de tuffeau ornées de mascarons des hôtels de l’île Feydeau témoignent des richesses accumulées et des grands « embellissements » de la ville au 18e siècle. Les mascarons, ces visages sculptés dans la pierre, évoquent la mer, le commerce et l’Afrique, à l’image de ce que l’on trouve dans la plupart des ports français de la côte atlantique.
Le goût du luxe colonial et de l’exotisme s’exprime également à l’intérieur des appartements du négoce. Le motif « au Noir » se développe dans les arts décoratifs, ornant les demeures des grands négociants.
Dès 1723, un projet privé va permettre la réalisation d’un ensemble de 24 immeubles sur l’île de la Saulzaie, devenue en 1727 l’île Feydeau. Une association de négociants actionnaires le finance. En 1789, une centaine de négociants habitent l’île ainsi que quatorze capitaines de navire, seize commis négociants, cent quinze « gens de métiers » et trente et un bateliers.
Les rues, témoins de l'Histoire
Les noms de rues ne servent pas seulement à s'orienter. Ils traduisent la mémoire d'une ville.
A travers ses noms, une ville exprime son identité collective et son rapport à l'Histoire. Ces choix ne peuvent se comprendre que par rapport au contexte qui les a vus naître.
En France, la loi du 21 mai 2001 qualifie crime contre l'Humanité la traite négrière transatlantique et l'esclavage, perpétrés à partir du 15e siècle.
Nantes a fait le choix de maintenir les noms des rues attribuées à des personnalités politiques ou économiques qui ont participé de près ou de loin à la traite, pour assumer, sans stigmatiser, l'héritage de son histoire.
Et Nantes a également fait le choix, ces dernières années, d'honorer des personnalités qui ont lutté contre l'esclavage afin d'entretenir une vigilance permanente contre toute forme d'atteinte à la dignité humaine.
Rue Kervégan (quartier Feydeau), dénommée par arrêté du Maire le 1/12/1817 : Christophe-Claire Danyel de Kervégan (1735 – 1817) , négociant, armateur et homme politique français, maire de Nantes. Son activité d'armateur et de négociant, tout comme celle de la grande majorité des négociants nantais de l'époque, le désigne aussi comme un des acteurs de la traite des Noirs à Nantes.
Rue Olympe de Gouges (quartier Île de Nantes), dénommée par le conseil municipal du 17/12/1999 : Olympe de Gouges (1748 – 1793), femme de lettres, auteure à la fin du 18e siècle de la première pièce du théâtre français dénonçant le système esclavagiste. Engagée dans la cause abolitionniste, elle est aussi l’auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de 1791.
La population noire à Nantes au 18e siècle
On entend parfois dire à Nantes que les cargaisons d’esclaves y étaient vendues et que les Noirs étaient enchaînés dans les caves des immeubles. Cette rumeur est fausse: aucun navire négrier n’a jamais débarqué de captifs à Nantes, ni dans les autres ports négriers.
Si le recensement de la population noire en France, organisé en 1777 n’est pas réalisé de manière rigoureuse à Nantes, il permet d’estimer à environ 700 le nombre de Noirs et gens de couleur à Nantes. Il s’agit essentiellement d’hommes jeunes qui ont pour maîtres des membres de la bourgeoisie du négoce, des propriétaires d’habitations coloniales et des capitaines de navires négriers. Ils ne viennent pas directement d’Afrique mais ont transité par les colonies.
A Nantes, ces hommes apprennent pour la plupart un métier qui sera utile à l’économie de la plantation lorsqu’ils seront renvoyés dans les îles, notamment dans la confection des tonneaux qui sont nécessaires au transport des produits de retour et dans l’habillement.
Bien que la présence des Noirs en France soit strictement réglementée, les Nantais ne déclarent pas systématiquement la présence de leurs esclaves.
Nantes- Saint-Domingue, une histoire en commun
En 1492, Christophe Colomb baptise Hispaniola une île qu’il vient de découvrir. D’abord entièrement sous domination espagnole, l’île accueille progressivement des Français.
En 1697, le traité de Ryswick découpe l’île en deux et reconnaît officiellement la présence française : la colonie de Saint-Domingue est fondée.
Grâce à sa productivité sucrière exceptionnelle, l’île devient rapidement la principale colonie française. Elle est alors considérée comme la « Perle des Antilles ».
Pour les Nantais, Saint-Domingue est la destination principale des navires de traite durant tout le 18e siècle et l’île sur laquelle ils vont être les plus nombreux à s’installer.
Annoncée dans les gazettes et par affichage, la vente des esclaves se tient à bord ou à terre. à Saint-Domingue, les ventes se concentrent en quatre lieux : Port-au-Prince, Le Cap-Français, Saint-Marc et Jérémie. Les captifs vendus aux colons représentent la main d’œuvre indispensable à l’exploitation des plantations. Leurs maîtres les font marquer au fer par d’un signe distinctif.
Généralement le paiement se fait à crédit, étalé sur deux ou trois ans. Il s’effectue en produits agricoles : sucre, café, cacao, coton et indigo gagnent alors l’Europe à bord des navires qui font le voyage direct, dit « en droiture », de Nantes aux colonies. Trois voyages en droiture sont souvent nécessaires pour achever le paiement des captifs d’une campagne d’une campagne de traite.
En 1791, à la veille des insurrections, on dénombre à Saint-Domingue 455 000 esclaves, 38 360 Blancs et 8 370 hommes de couleur libres (métis affranchis).
L’achat des captifs africains
« Les Européens font depuis des siècles commerce de ces malheureux esclaves, qu’ils tirent de Guinée et des autres côtes d’Afrique, pour soutenir les colonies qu’ils ont établies dans plusieurs endroits de l’Amérique et des Antilles », Jacques Savary de Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce, 1730.
La traite négrière est la capture et la vente d’hommes, de femmes et d’enfants africains à des marchands qui les transportent vers les lieux où, à nouveau vendus, ils deviennent esclaves. Cette traite a pour objectif de réaliser des gains grâce au commerce des captifs, et d’exploiter les colonies grâce au travail des esclaves dans les plantations.
Les États côtiers de l’Afrique occidentale s’organisent pour répondre à la demande croissante de captifs, générée par la colonisation outre-atlantique. Les armes à feu, les textiles, les alcools et les objets manufacturés sont la monnaie d’échange contre les captifs.
Plus de 400 sites de traite jalonnent les côtes africaines à la fin du 18e siècle et les navires nantais descendent parfois jusqu’au Mozambique pour constituer leur « cargaison ».
Les forts et les comptoirs installés le long des côtes ne sont jamais la marque d’une domination sur le territoire africain mais les points d’appui des opérations commerciales.
Arrivés sur un lieu de traite, les capitaines entrent en relation avec le représentant du roi africain chargé des négociations. Les tractations sont longues. Les navires restent généralement entre trois et six mois le long des côtes africaines, allant de comptoirs en comptoirs, pour constituer leur « cargaison » d’hommes, de femmes et d’enfants, qui deviendront esclaves dans les colonies.
Mythes et Histoire
Il est encore courant d’entendre des personnes évoquer les esclaves enfermés au 18e siècle dans les sous-sols du Château des ducs de Bretagne ou dans les caves des immeubles de l’île Feydeau.
Si ces légendes n’ont rien à voir avec la réalité, elles témoignent par leur permanence et leur résistance, du malaise d’un certain nombre d’habitants avec le passé négrier de la ville, longtemps refoulé, mal connu, mal compris et mal assumé.
Le musée d’histoire de Nantes, ouvert en 2007 au Château des ducs de Bretagne , est un des lieux où, aujourd’hui, est abordée l’histoire de la Traite négrière nantaise et de la participation des Nantais au système esclavagiste dans les colonies françaises au 18e siècle. Lieu d’histoire, il est le pendant indispensable du Mémorial de l'abolition de l'esclavage, monument commémoratif construit sur le quai de la Fosse en 2011.