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Les 100 ans de la Bibliothèque Fessart
À l'occasion du centenaire de la bibliothèque Fessart, l'équipe est partie sur les traces des femmes qui l'ont créée après-guerre et qui y ont travaillé au fil du temps. Derrière la petite histoire de cette bibliothèque se cache, aussi, la grande Histoire.
En partenariat avec le musée de Blérancourt, les archives de Paris, la Bibliothèque de l'hôtel de ville et le fonds patrimonial de l'Heure joyeuse dans le cadre de l'Original du mois, la bibliothèque Violette Leduc pour son prêt de livres anciens et son expertise scénographique, ainsi que l'aimable participation de la famille de Jacqueline Dreyfus-Weill.
L'exposition est à découvrir jusqu'à fin décembre 2022 sur place, à la bibliothèque , et est à découvrir en version numérique ci-dessous.
La bibliothèque Fessart se trouve au 6 de la rue Fessart, à Paris dans le 19e arrondissement.
Le quartier au moment de la création de la bibliothèque
En 1922, on ne parle pas encore du quartier Jourdain. C’est un quartier populaire qu’on rattache à Belleville. Ernest Coyecque, inspecteur des bibliothèques de Paris, dit qu’il est « habité par des ouvriers, des travailleurs à domicile, des artisans, des artistes, des employés ».
![L'école rue Fessart](https://cdn.arcgis.com/sharing/rest/content/items/cda584ea9b12485cbeb8d890b06153dd/resources/8qIJllXvYX19M--pKeDik.jpeg?w=20)
L’école communale, 4 rue Fessart.
L’école Fessart existe déjà depuis plusieurs dizaines d’années.
Au milieu des années 1980, les bibliothécaires se sont intéressées à l’évolution du quartier. Elles ont trouvé à la bibliothèque historique de la Ville de Paris un fonds de cartes postales montrant de nombreuses rues du 19e arrondissement. Elles ne sont pas datées précisément mais ont été prises entre la fin du XIXe siècle et la fin des années 1930.
Elles ont ensuite photographié les mêmes rues. Une lectrice les a photographiées à nouveau aujourd’hui.
À gauche : la Rue Pradier probablement au début du XXe siècle À droite : la rue Pradier, en 2022
Rue du Jourdain et Église Saint-Jean-Baptiste de Belleville, vue prise de la place des Rigoles. À gauche, prise de vue au début du XXe siècle, à droite en 2022.
Peu à peu, le quartier Jourdain a pris une identité propre, qui fait qu’on parle parfois de Village Jourdain. Cela s’est accompagné d’une gentrification du quartier ces dernières décennies.
La création d’une bibliothèque moderne
Anne Morgan et Anne Murray Dike en uniforme du CARD.
Pour comprendre l’histoire de la bibliothèque Fessart, il faut revenir quelques années avant sa création, et prendre la direction de l’Aisne, dans le nord de la France…
À la fin de la Première guerre mondiale, en 1918, Anne Tracy Morgan et Anne Murray Dike, riches philanthropes américaines, créent le Comité Américain pour les Régions Dévastées (CARD).
Elles s’installent au château de Blérancourt dans l’Aisne, un département dévasté par la guerre, et font venir des volontaires américaines. Ces bénévoles distribuent de la nourriture et des biens de première nécessité puis créent des magasins jusqu’à la réouverture des commerces français.
Au-delà de la reconstruction matérielle, comment redonner un avenir aux jeunes générations ? Par l’éducation et des actions en faveur de la jeunesse : ouverture de jardins d’enfants, organisation de fêtes et d’activités en plein air comme des camps scouts.
Et puis… les habitants réclament des livres. Anne Morgan recrute Jessie Carson, bibliothécaire de la New York Public Library. Celle-ci crée en 1920-1921 cinq bibliothèques dans les villages et villes des alentours de Blérancourt, inspirées du modèle américain de lecture publique. Elles rencontrent immédiatement un grand succès. Lors de l’inauguration de la plus grande d’entre elles, à Soissons, Eugène Morel, conservateur à la Bibliothèque Nationale, et Ernest Coyecque, inspecteur des bibliothèques de la Ville de Paris, admirent cette réalisation et souhaitent le même type d’établissement à Paris.
Inauguration de la bibliothèque de Soissons, printemps 1921. On y voit Jessie Carson (en haut à droite) et Eugène Morel et Ernest Coyecque.
Pourquoi cette admiration ?
Il faut revenir à ce qu’était une bibliothèque à Paris à cette époque. Les bibliothèques étaient des salles dans les mairies d’arrondissement ou les écoles. Les lecteurs n’avaient pas accès directement aux rayonnages, ils devaient choisir sur un catalogue de fiches et attendre que les bibliothécaires apportent les livres. On ne pouvait pas s’y installer confortablement. Les collections de livres étaient souvent anciennes ou abimées et les bibliothécaires qui s’occupaient de ces endroits n’avaient aucune formation. Les horaires d’ouverture étaient très réduits. Les enfants y étaient rarement admis.
Voilà comment Marguerite Gruny, une des premières bibliothécaires pour la jeunesse, les décrit :
« À cette époque, les quatre-vingt-deux bibliothèques municipales parisiennes, les « Populaires », étaient en général fort mal logées dans des écoles ou des mairies, souvent au fond de cours sombres, dans des étages élevés, même sous les toits ou dans des ateliers vitrés, « polaires en hiver, tropicaux en été ». Pendant leurs deux ou quatre heures d'ouverture journalière, des instituteurs ou des employés de mairie en avaient la charge, sans y avoir été préparés, et dressaient des catalogues des plus sommaires. Leurs maigres collections, presque toujours reliées en toile noire, se composaient en général de romans auxquels s'ajoutaient quelques ouvrages variés, plus coûteux, provenant la plupart du temps de legs et de dons. Ces derniers demeuraient le plus souvent confinés dans des armoires par crainte de vol ou de détérioration. Les autres s'alignaient tristement jusqu'au plafond sur des rayons dont le lecteur n'approchait jamais. »
Marguerite Gruny, « Un pionnier des bibliothèques, ERNEST COYECQUE », 15 Août 1864 - 15 Janvier 1954, in Bulletin d’information de l’A.B.F. n°13, 1954.
Les bibliothèques créées par le CARD proposent un modèle complètement différent. Elles sont accueillantes et agréables à fréquenter : on y trouve des espaces pour lire sur place. Les enfants y sont les bienvenus et on y propose chaque semaine une heure du conte. Le mobilier est adapté, avec des tables et des chaises à différentes hauteurs pour que chacun puisse s’y installer confortablement. Les horaires d’ouverture sont larges. Les collections de livres sont en accès libre, chacun peut flâner dans les rayons et choisir directement le livre qu’il désire. Ces livres sont choisis avec soin par des bibliothécaires professionnelles, spécifiquement formées.
Voilà comment Jessie Carson décrit l’ambiance de ces bibliothèques en 1921 :
« La simplicité attrayante des salles de lecture et leur ameublement bien adapté étaient un appel pour les vrais amateurs de bons livres. […] La bibliothèque est remplie de jeunes enfants qui savent comment se servir d'une salle de lecture. Nombreux sont les groupes causant à voix basse de leurs lectures, recommandant leurs favoris et même fredonnant doucement les vieilles chansons dont ils ont trouvé l'air et les paroles dans les livres. Et ce murmure enfantin ne gêne en aucune façon le forgeron, le vétérinaire ou le châtelain qui lisent attentivement les nouvelles politiques à l'autre extrémité de la salle. »
Jessie Carson, « l’œuvre américaine pour la création de bibliothèques dans le Soissonais », in Congrès international des bibliothécaires et des bibliophiles tenu à Paris du 3 au 9 avril 1923 : procès-verbaux et mémoire, (Jouve, 1925).
Ernest Coyecque émet le souhait qu’une bibliothèque moderne de ce genre ouvre également à Paris, afin qu’elle serve de modèle. Le CARD accepte alors de créer une bibliothèque à Paris. La municipalité fait le choix d’un terrain à Belleville au 6 rue Fessart, dans un quartier populaire. Le Ministère des Régions Libérées fournit le baraquement en bois, sur le même modèle que les bibliothèques de l’Aisne. Le CARD offre la collection des livres et le mobilier. Il paye également les salaires et la formation professionnelle des bibliothécaires. En contrepartie, la Ville de Paris s’engage à ce que cette bibliothèque devienne municipale et qu’elle poursuive son activité.
Vue extérieure de la bibliothèque Fessart en 1922.
La bibliothèque de la rue Fessart est inaugurée le 2 novembre 1922 par l’ambassadeur des États-Unis. Elle deviendra une bibliothèque municipale en 1924. Voilà ce qu’en dit Ernest Coyecque cette année-là :
« Si l'on peut voir aujourd'hui, à Paris, une bibliothèque modèle, fonctionnant à plein rendement, suivant les méthodes et les principes américains, pour le plus grand profit intellectuel et moral de la population du quartier de Belleville où elle est installée, c'est encore à l'amitié américaine que nous en sommes redevables. Grâce à elle, la question de la réforme des bibliothèques municipales de Paris est simplifiée. Que doit être, à notre époque, ce genre de bibliothèques ? Allez rue Fessart, n°6, et vous le verrez, par l'exemple concret et vivant le plus significatif qu'on puisse demander […] ».
Ernest Coyecque, « Les Bibliothèques municipales de Paris. Ce qu'elles sont. Ce qu'elles doivent devenir ». In Mercure de France : série moderne, 1er juin 1924.
Jessie Carson accorde une importance toute particulière à la professionnalisation et à la formation des bibliothécaires. C’est une nouvelle carrière qu’elle veut ouvrir aux femmes.
« [L]e succès final dépend du personnel qui sera employé. Cette question est tout un problème. Les bibliothécaires doivent être des femmes cultivées, instruites et assez jeunes pour recevoir l'instruction spéciale indispensable. (…) Le travail dans les bibliothèques du Comité américain (…) a été organisé et développé par des bibliothécaires de carrière, et peut-être est-ce là un commencement: l'ouverture d'une carrière nouvelle pour les femmes françaises. »
Jessie Carson, Ibid.
Elle obtient que les premières bibliothécaires françaises de ces bibliothèques soient formées aux États-Unis pendant un an. C’est le cas de Suzanne Quiri, qui passe un an dans une école américaine de bibliothécaires avant de rejoindre la bibliothèque Fessart. Elle y fera toute sa carrière. Elle se marie vers 1930 et prend le nom d’Alaniou, mais contrairement à ce qui était fréquent à cette époque, elle ne cesse pas de travailler en se mariant. À la fin des années 50, elle devient conservatrice de bibliothèque. Elle part à la retraite en 1964, après avoir passé 42 ans à la bibliothèque !
Les premières bibliothécaires : Anne-Marie Baudry (à gauche), Suzanne Quiri (à droite) et Mlle Ducaroy (à l’arrière-plan)
Jessie Carson ne se contente pas d’envoyer quelques bibliothécaires aux États-Unis. En 1923, elle crée une école de bibliothécaires à l’American Library in Paris, qui propose d’abord des cours d’été avant de mettre en place une formation plus complète. Mlle Ducaroy et Mlle Baudry, elles aussi bibliothécaires à Fessart, en bénéficieront.
La vie de la bibliothèque dans les années 1920
L’intérieur de la bibliothèque Fessart
La bibliothèque connaît un succès immédiat.
« Le succès de l'œuvre a dépassé les prévisions les plus optimistes. (…) En 1923, le nombre des prêts s'est élevé à 105 809 (…) Au 30 juin 1924, on avait inscrit 4786 lecteurs. »
Ernest Coyecque, « L’œuvre française d’une bibliothécaire américaine, Miss Jessie Carson », in Revue des bibliothèques, juillet 1924
À titre de comparaison, il y a eu 137 758 prêts en 2019 pour plus de 3200 lecteurs inscrits à Fessart. Mais aujourd’hui, un lecteur peut emprunter 20 documents à la fois. En 1922, il ne pouvait emprunter que deux livres, dont un seul roman !
Pour ce qui est de l’ambiance de la bibliothèque, voilà comment Robert Garric en parle (IN Robert Garric, Belleville, scènes de la vie populaire (Grasset, 1928) :
« C’est moins une bibliothèque au sens habituel du mot qu’un foyer, où l’on vient passer à lire une après-midi de loisirs, ou finir une rude soirée. Les tables de lecture sont là, avec les revues, les journaux… Le cadre est agréable : quelques fleurs, des reproductions de tableaux, et surtout une bonne atmosphère d’intimité et de grande politesse, créée par les maîtresses de la maison, à laquelle chacun est sensible. »
« (…) Et ce n’est pas tout, ce n’est même pas l’essentiel. L’essentiel, c’est un ou une bibliothécaire, un ou une vraie bibliothécaire, connaissant le métier pour l’avoir appris, aimant les livres, monnaie courante, aimant le lecteur, qualité rarissime en raison des vertus qu’elle implique : amabilité, patience, psychologie, flair, autorité, influence, confiance et désintéressement. Le vrai bibliothécaire fournissant toujours beaucoup plus de travail que n’en comporte son salaire ; c’est la beauté du métier. »
« Il faut venir à la bibliothèque une soirée ou une fin d’après-midi, entre cinq et sept heures, au moment où la fin du travail permet de venir changer les livres ou s’attarder quelques instants. Il fait chaud, il fait doux. Du plafond, une grande lumière tombe, éclairant les visages penchés, les revues, les livres. Le silence est à peu près complet ; il est si bien devenu une règle que les tout-petits eux-mêmes s’y plient, et ne demandent qu’à voix basse. Tout près de moi, une bonne vieille grand-mère, en fichu noir et capuchon qui lui couvre la tête, lit Comoedia. Un ouvrier s’absorbe dans la Revue des Deux-Mondes. Et une dame emmitouflée, aux lunettes sévères, se penche avec un grand sérieux sur Conférencia. »
« La porte s’ouvre devant trois visiteurs. Une bonne matrone du quartier, qui retire les livres de son panier à provisions ; un garçon, le cache-nez autour du cou, la mèche de cheveux en bataille, se précipite sur le Miroir des Sports ; un ouvrier en chandail rouge vient faire le tour des rayons et interroge les livres. Un grand air d’aisance règne ici, de famille. Tout près de la bibliothécaire, une petite personne de trois ou quatre ans, ravissante de fraîcheur, donne ses explications et tient tout un colloque ; une vieille habituée de la bibliothèque, - on l’a toujours connue – et de temps en temps elle vient de table en table rejoindre sa grand’mère qui lit l’Illustrations. (…) Quelle frénésie de lecture ! »
Le bâtiment actuel
Au bout de quelques années, le bâtiment préfabriqué s’abime… Il y fait très froid l’hiver, et il est un peu exigu alors que la fréquentation est importante. La Ville de Paris fait construire le bâtiment actuel, qui ouvre en mars 1933. Pendant les travaux, une bibliothèque provisoire est installée dans l’école maternelle, rue du Jourdain. Dès le départ on trouve au rez-de-chaussée la section adulte et à l’étage la section jeunesse. Les collections sont installées le long des murs, ce qui libère l’espace central pour des tables de consultation. Il y a alors beaucoup moins de livres qu’aujourd’hui : 7000 en section adulte et 3000 en section jeunesse (aujourd’hui, il y a environ 15000 documents en section adulte et 14500 en section jeunesse). Mais énormément d’usagers : 10380 emprunteurs inscrits !
Section adulte de la bibliothèque Fessart dans les années 30.
En section adulte, on trouve déjà la mezzanine pour que le public puisse accéder facilement à l’ensemble des collections. Le mobilier conçu par le CARD est installé en section jeunesse. Les rayonnages installés contre les murs sont toujours là aujourd’hui !
Faire de la bibliothèque un endroit accueillant et confortable reste une préoccupation constante de l’équipe. Par exemple, les bibliothécaires prennent soin de fleurir les tables pour les lecteurs. Un budget pour les fleurs est prévu jusqu’à la fin des années 1960. La bibliothèque est un modèle pour de nombreux établissements. Elle est désignée sous le nom de « bibliothèque moderne » et de nombreux bibliothécaires viennent de toute la France, et même de l’étranger, pour la visiter.
Section jeunesse de la bibliothèque Fessart, dans les années 30
En 1929, le rapporteur des bibliothèques Léon Liotor dit au conseil municipal :
« Le succès obtenu par la bibliothèque de la rue Fessart, dont je viens de vous parler, a démontré l'intérêt qu'il y aurait à mettre à la disposition du public, dans chaque arrondissement, un établissement organisé sur le même modèle et fonctionnant toute la journée. »
Section jeunesse de la bibliothèque Fessart
À cette époque, l’équipe de la bibliothèque est entièrement féminine. C’est Suzanne Quiri devenue Madame Alaniou qui en est responsable. Une bibliothécaire a particulièrement marqué la vie de la bibliothèque : Jacqueline Dreyfus-Weill arrive à la bibliothèque comme « employée temporaire » en 1933 en jeunesse. Elle apporte son expérience d’Éducation Nouvelle issue de sa formation universitaire et de ses stages à L’Heure Joyeuse, bibliothèque pour la jeunesse créée par un comité américain en 1924. Elle propose de nombreuses animations : Heure du conte, exposition réalisée avec les enfants.
Pour en savoir plus sur le parcours et le travail de cette bibliothécaire passionnée, n’hésitez pas à consulter le livret d’exposition, à télécharger ci-dessous.
Jacqueline et son mari, Raymond.
La bibliothèque au fil du temps
Que lit-on à la bibliothèque ? Quels sont les livres les plus empruntés ? À la fin des années 1920 :
« Les auteurs favoris ? Pour les romanciers tout d’abord ceux que nous attendons : Dumas, naturellement, Balzac, Hugo, mais George Sand est peu goûtée. Et puis peut être des surprises : grand succès d’Anatole France (ses œuvres sont dans la bibliothèque en quatre et cinq exemplaires constamment empruntés) de Romain Rolland (cinq lecteurs sont pour l’instant inscrits à la file pour retenir Jean-Christophe), d’Estaunié, de Paul Bourget (…). Pierre Loti est l’auteur de prédilection (…). Les livres de Kessel ne sont jamais sur les rayons, non plus que ceux de François Mauriac et André Maurois (…). Notons aussi le grand succès des auteurs étrangers, des classiques anciens aux modernes, de Shakespeare, Dante et Cervantès, à Goethe et à Dickens. On lit Scott, Kipling, Stevenson et les auteurs russes : Gorki, Tolstoï, et surtout Dostoïevski, dont tous les livres sont en loque. (…) D’ailleurs les lecteurs interviennent dans la vie de la bibliothèque, dans le choix des livres. Ils se tiennent très au courant de la vie littéraire et des nouveautés, ils signalent leurs préférences. »
Robert Garric, Ibid.
Quelques-uns des premiers livres de la bibliothèque ont été transférés au fonds patrimonial l’Heure Joyeuse. Ils sont désormais conservés à la médiathèque Françoise Sagan (Paris X e ). Ce sont essentiellement des livres à destination de la jeunesse, dont certains portent encore le tampon du CARD.
En 1965, « Parmi les romans, les préférences demeurent pour les auteurs connus (Dumas, Zola, A. France, Stendhal, P. Benoît, Mauriac, Camus, Maurois, Druon, Simenon) et « sûrs », avec une nette défiance envers les « révélations » des journaux et critiques quand il n’y a pas de snobisme du dernier prix littéraire qu’il faut avoir lu. Les fresques romanesques (qui font le succès de Troyat par exemple) sont toujours très demandées. Cette même préférence pour les romans où l’on retrouve les personnages d’un tome à l’autre se voit aussi chez les enfants dont les héros familiers, Puck, Caroline ou le club des Cinq, deviennent des amis. Chez les enfants, Jules Verne et la comtesse de Ségur gardent leurs fidèles (la nouvelle collection de l’éditeur Pauvert a le même succès que la bibliothèque rose d’autrefois qu’elle ressuscite). Naturellement, Tintin et Astérix sont toujours très disputés. » (rapport d’activité de la bibliothèque Fessart 1965-1966).
Aujourd’hui, en section jeunesse, aux côtés des classiques de la BD (Astérix, Lucky-Luke, Tintin), de nouvelles séries rencontrent un grand succès : les Légendaires, la Rose écarlate, Studio danse, Ariol ou Anatole Latuile, mais surtout Mortelle Adèle ! Ces dernières décennies ont vu l’essor des mangas, One piece, Naruto ou plus récemment Spy family sont plébiscités. Parmi les romans, les séries le journal d’un dégonflé de Jeff Kinney et les royaumes de feu de Tui Sutherland, ainsi que Sauveur & fils de Marie-Aude Murail sont les plus empruntées. Les romans de Roald Dahl, de Jean-Claude Mourlevat, les romans qui font peur sont très appréciés. La série Harry Potter reste incontournable, que ce soit en romans ou en DVD !
Parmi les albums, la série Billy de Catharina Valckx, les Barbapapa, les albums de Benjamin Chaud, d’Astrid Desbordes et Pauline Martin, de Stephanie Blake sont les plus empruntés. Ainsi que tous les livres sur les dinosaures, les licornes et les dragons !
En section adultes, les lecteurs sont friands de nouveautés : que ce soit l’actualité du roman, avec des auteurs affirmés tels que Delphine de Vigan, Patrick Modiano ou Karine Tuil mais aussi des romanciers comme Laurent Petit-Mangin et Fatima Daas, ou de la non fiction, avec un énorme succès de l’œuvre de Florence Aubenas et des récits d’Édouard Louis.
Du côté des polars, les Islandais ont la cote, avec Arnaldur Indridasson et Ragnar Jonasson en tête. La bande dessinée est aussi très demandée : Camille Jourdy est une des autrices favorites.
À gauche : Jeune fille consultant le catalogue de la section enfantine de la bibliothèque dans les années 1930 À droite : Carte de lecteur des années 1970
Le nombre de documents présents à la bibliothèque augmente au fur et à mesure. Pour retrouver chaque livre, il est nécessaire d’avoir un catalogue. Alors que jusque-là, la plupart des bibliothèques possédaient seulement un catalogue d’inventaire où les livres étaient ajoutés au fur et à mesure de leur arrivée à la bibliothèque, la bibliothèque Fessart propose des catalogues sur fiche jusqu’en 1998 : à chaque fois qu’un livre arrive à la bibliothèque, on ajoute des fiches, classées par ordre alphabétique d’auteur, de titre ou de sujet.
Banque de prêt de la section adulte dans les années 1950. On y voit les fiches des documents empruntés, conservés dans un tiroir.
Pendant longtemps, pour emprunter un livre, on passe par des fiches papier. Une fiche au nom de chaque lecteur, sur laquelle on note la date à laquelle les livres doivent être rendus. Une fiche pour chaque livre. Elle est rangée dans le livre quand le livre est présent à la bibliothèque, classée dans un tiroir à la banque de prêt quand le livre est emprunté.
En 1998, la bibliothèque est informatisée. Les prêts et retours sont désormais enregistrés dans le logiciel de la bibliothèque. La bibliothèque donne gratuitement accès aux livres et aux collections, et est aussi un lieu de vie et d’animations.
L’heure du conte est mise en place dès l’ouverture de la bibliothèque dans les années 1920. Cela reste une animation incontournable de la section jeunesse, et on la retrouve tout au long de l’histoire de la bibliothèque, sous des formes qui évoluent, selon les bibliothécaires qui les animent mais aussi le public de la bibliothèque. Par exemple, en 1958, la ville de Paris fournit à la section jeunesse un éléctrophone pour la salle des enfants, ce qui permet de programmer des séances d’écoute de disques. Ces dernières années, des animations pour les tout-petits ont également été proposées, comme la ronde des histoires.
Hervelyne Kerriou arrive à la bibliothèque Fessart en 1974. Elle y reste jusqu’à son départ à la retraite en 2016. Elle y a travaillé surtout en section jeunesse. Elle y multiplie les accueils de classe. Elle se lance dans des animations très variées : adaptation théâtrale d’Harry Potter, spectacles avec des compagnies de théâtre, « petite maison des contes », « tapis à histoires » … Très douée de ses mains, elle réalise elle-même les affiches des animations, dessine les tracts et les couvertures des guides du lecteur et participe à la création des décors pour les animations.
Des animations sont également proposées pour les adultes (club de lecture, conférences, ateliers…).
À gauche : Spectacle de danse dans la section jeunesse, dans les années 1970. À droite : Le public se presse pour un spectacle dans les années 1990
Spectacle « Souricette Blues » de François Vincent, 19 février 2022
La bibliothèque Fessart a tout au long de son histoire été un lieu de culture bien implanté dans la vie du quartier. Les équipes de la bibliothèque qui se sont succédées ont fait vivre ce lieu, avec les usagers. En 1922, l’accent était mis sur le fait que la bibliothèque Fessart était un lieu convivial, accueillant, vivant, ouvert à tous. En 2022, c’est toujours ce qui guide le travail des bibliothécaires.
L’équipe de la bibliothèque en septembre 2022.
Remerciements
L’équipe de la bibliothèque remercie l’ensemble des personnes et institutions ayant contribué à cette exposition, en l'aidant à se procurer des documents et en lui donnant des informations précieuses sur son histoire.
Et en particulier :
- Viviane Ezratty, ex-conservatrice de la bibliothèque l’Heure Joyeuse
- Le musée franco-américain de Blérancourt et sa conservatrice, Valérie Lagier
- L’American Public Library et Abigail Altman
- Les Archives de la Ville de Paris et son service de la valorisation
- Le fonds patrimonial Heure Joyeuse (Médiathèque Françoise Sagan) et sa conservatrice, Hélène Valotteau
- La bibliothèque de l’Hotel de Ville et Catherine Burtin et Agnès Tartié
- Dominique Weill, Michel Dreyfus et Guillaume Dreyfus, membres de la famille de Jacqueline Dreyfus-Weill
- La bibliothèque Sainte-Geneviève et Nathalie Rollet-Bricklin, cheffe du département de la réserve
- Martine Amalvict, usagère de la bibliothèque et photographe
- Hervelyne Kerriou, Françoise Guindollet et Carolle Peltier, qui ont travaillé à la bibliothèque et nous ont apporté de précieuses informations
- Bibliocité, sa directrice Stéphanie Meissonnier et toute l’équipe
- La Mairie du 19e arrondissement, François Dagnaud maire du 19ème, Eric Thebault, maire adjoint à la culture et tout particulièrement Marie Chaudonneret pour le suivi attentionné et patient du dossier.
- Le conseil du Quartier Plateau : Annie Le Roy,
- le Lions club Paris Buttes Chaumont : Françoise Bourdon
- Cécile Takatsuna pour son expertise scénographique
- Mark Vautrin pour sa relecture attentive.
Pour en savoir plus
- Martine Poulain (dir.), histoire des bibliothèques françaises, tome 4 : les bibliothèques au XXe siècle 1914-1990 (Editions du Cercle de la Librairie, 2009)
- Robert Garric, Belleville, scènes de la vie populaire (Grasset, 1928)
- Jessie Carson, « l’œuvre américaine pour la création de bibliothèques dans le Soissonais », in Congrès international des bibliothécaires et des bibliophiles tenu à Paris du 3 au 9 avril 1923 : procès-verbaux et mémoire, (Jouve, 1925).
- Ernest Coyecque, « L’œuvre française d’une bibliothécaire américaine, Miss JessieCarson », in Revue des bibliothèques, juillet 1924
- Les archives de la bibliothèque Fessart sont consultables aux Archives de Paris.