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AQAMETHA
LA MÉTHANISATION : QUEL IMPACT SUR LA QUALITÉ DE L'AIR ET LES ODEURS ?
La méthanisation est un processus naturel de dégradation de la matière organique, par des micro-organismes fonctionnant dans un milieu privé d’oxygène (réaction anaérobie). Elle se produit naturellement dans certains milieux tels que les marais. A l’inverse, le compostage, par exemple, est une réaction aérobie.
Cette dégradation provoque :
• Un produit humide, riche en matière organique, appelé digestat*. Il est généralement envisagé le retour au sol du digestat après éventuellement une phase de maturation par compostage.
• Du biogaz*, mélange gazeux composé d’environ :
• 50% à 70% de méthane (CH 4 ) ;
• 20% à 50% de gaz carbonique (CO 2 ) ;
• et de quelques gaz traces : ammoniac (NH 3 ), nitrogène (N 2 ), sulfure de dihydrogène (H 2 S).
Ce processus permet à la fois de récupérer de l’énergie, produire une matière fertilisante et de valoriser déchets.
Comment ça marche ?
La méthanisation en France
Les premières installations françaises de méthanisation ont vu le jour au début des années 2000 avec la mise en place d’un tarif de rachat pour l’électricité produite en cogénération*. Il a fallu attendre 2011 pour voir émerger la première installation de méthanisation en injection*, avec la mise en place d’un tarif de rachat biométhane*.
Source: SINOE
Depuis, la méthanisation en injection connaît un essor notable, favorisée par la mise en place de la réfaction tarifaire. Ainsi, une forte augmentation des installations à injection depuis 2020 est constatée .
La filière méthanisation, en plein essor, contribue à l’atteinte des objectifs nationaux de transition énergétique, qui sont notamment la réduction des gaz à effet de serre et la décarbonation du mix énergétique.
Source: SINOE
Néanmoins, cette expansion suscite des interrogations sur l'impact sur la qualité de l'air à proximité de ces installations. En effet, les perceptions sur la qualité de l'air peuvent diverger entre les porteurs du projet et les riverains.
C'est dans ce contexte que le projet AQAMETHA a été initié.
AQAMETHA
Le projet AQAMETHA, lauréat 2020 du programme AQACIA de l’ADEME * , a pour objectifs principaux d’apporter aux exploitants d'unités de méthanisation et au grand public un panorama objectif et partagé de l’impact atmosphérique (polluants cibles et odeurs) de la filière méthanisation en France.
Le projet s’inscrit dans le cadre d’une recherche en connaissances nouvelles dans la mesure où peu de résultats publics ont été produits à l’échelle nationale sur l’état de la qualité de l’air et des odeurs dans l’environnement des sites de méthanisation.
AQAMETHA regroupe 8 partenaires :
● Atmo France ,
● 6 associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA)*. Fondées dans les années 1970, fédérées par Atmo France, les AASQA sont impartiales et indépendantes. Elles ont développé une expertise en matière de surveillance, d’information sur la qualité de l’air et d’évaluation des actions menées pour son amélioration,
● la société Osmanthe, bureau d’étude spécialisé dans la gestion environnementale des nuisances odorantes.
Les unités de méthanisation du projet
12 unités ont été sélectionnées de manière à obtenir un échantillon représentatif de la filière nationale.
En exploitant la base de données SINOE® déchets* mise à disposition par l’ADEME * , plusieurs critères ont été considérés pour la sélection des unités :
• type d’installation (à la ferme, collective, centralisée), volume et types d’intrants * , puissance installée et régime ICPE * ,
• voies de valorisation énergétique du biogaz (carburant, électricité, chaleur, injection dans les réseaux de gaz),
• caractère sensible (distance des premières habitations, plainte des riverains connue).
Le caractère potentiellement odorant ou peu odorant de l’unité a été évalué à partir de plusieurs données :
• intrants particuliers (lisiers de porc ou de canard, déchets d'abattoirs, graisses animales, etc.),
• stockage à l’air libre ou en bâtiment fermé et ventilé,
• présence ou non d'un système de traitement des gaz (biofiltre, laveur).
La participation des exploitants des 12 unités au projet s’est faite selon une démarche volontaire et coopérative.
13 Vents Energies
Région : Pays de la Loire
Département : Vendée
Commune : Treize-Vents
Intrants de méthanisation en 2021
AGRIBRIVAMETHA
Région : Auvergne-Rhône-Alpes
Département : Haute-Loire
Commune : Saint-Laurent-Chabreuges
Intrants de méthanisation en 2022
Biogaz du Pays de Château-Gontier
Région : Pays de la Loire
Département : Mayenne
Commune : Château-Gontier-sur-Mayenne
Intrants de méthanisation en 2021
Cap Vert Bioénergie De Breuilh
Région : Nouvelle-Aquitaine
Département : Dordogne
Commune : Saint-Antoine-de-Breuilh
Intrants de méthanisation en 2023
EARL du Four à Chaux
Région : Hauts-de-France
Département : Somme
Commune : La Chaussée-Tirancourt
Intrants de méthanisation en 2020
G3 ENVIRONNEMENT
Région : Grand Est
Département : Vosges
Commune : Coussey
Intrants de méthanisation en 2022
LAUNOY ETA
Région : Grand Est
Département : Aube
Commune : Lusigny-sur-Barse
Intrants de méthanisation en 2021
Méthalayou
Région : Nouvelle-Aquitaine
Département : Pyrénées-Atlantiques
Commune : Préchacq-Navarrenx
Intrants de méthanisation en 2021
Méthan'agri
Région : Normandie
Département : Orne
Commune : Messei
Intrants de méthanisation en 2022
SARL Quelmes Energie
Région : Hauts-de-France
Département : Pas-de-Calais
Commune : Quelmes
Intrants de méthanisation en 2022
SAS Agri-Energie
Région : Normandie
Département : Eure
Commune : Étréville
Intrants de méthanisation en 2022
STEP VCA
Région : Auvergne-Rhône-Alpes
Département : Isère
Commune : Reventin-Vaugris
Intrants de méthanisation en 2023
Campagnes olfactives
La reconnaissance des odeurs se base sur la méthode du « Langage des Nez® ». Ce référentiel permet de décrire l’ambiance olfactive à partir de molécules odorantes (appelées référents ou notes odorantes) organisées selon leur dominance (notes phénolées, soufrées, etc.).
L'apprentissage du Langage des Nez® permet d'acquérir un référentiel commun.
Cette méthode est basée uniquement sur de la description olfactive. Une odeur sentie sur un site industriel ou dans l’environnement est décrite à partir d’un ou plusieurs référents odorants appris. Aucune analyse chimique n’est effectuée pour confirmer ou non la présence réelle des molécules citées.
Pour évaluer si une olfaction est forte ou non, une échelle d’intensité est utilisée variant de 1 à 7 (7 étant un degré d’intensité très élevé).
L’objectif général des tournées olfactives est de permettre de caractériser les odeurs issues de l’activité de méthanisation :
• qualitativement (nature de l’odeur) ;
• quantitativement (intensité de l’odeur) ;
• à l’intérieur et dans l’environnement des unités selon un protocole commun et des points d’olfactions standards.
Deux tournées olfactives sont réalisées pour chaque unité (une en été et une en automne) afin de prendre en compte la variation potentielle des intrants et des conditions météorologiques (vitesse du vent, température), qui peuvent influencer l’intensité et la dispersion des molécules odorantes dans l’environnement.
Résultats des campagnes olfactive
Campagnes mesures polluants
Les campagnes de mesures portent sur les polluants ammoniac (NH 3 ) et l’hydrogène sulfuré (H 2 S), traceurs de l’activité de méthanisation. Ces polluants présentent un potentiel odorant important, mais aussi des enjeux sanitaires avérés, pouvant conduire à des symptômes d’irritations du système respiratoire chez les personnes exposées (cf. avis Anses * sur l’ ammoniac de janvier 2018 et le sulfure d’hydrogène de mars 2017).
Par ailleurs, le NH 3 est une source de particules secondaires* responsables des épisodes de pollution particulaire en France, principalement au printemps.
Les gaz à effet de serre ont été écartés du projet d’étude en raison de la priorité donnée aux polluants à effet sanitaire.
Les mesures sont effectuées sur 4 zones différentes.
En parallèle des tournées olfactives, une campagne de mesures est réalisée en été et une en automne. Cette répartition permet de prendre en compte la saisonnalité, qui peut influencer la formation et la dispersion des polluants. Chaque campagne est effectuée sur une durée de 2 semaines, à raison d’un prélèvement par semaine.
Les mesures seront assurées au moyen de tubes passifs de type Radiello contenant une cartouche adsorbante du polluant. Les cartouches sont ensuite envoyées au laboratoire d’analyse.
Système de prélèvement passif utilisé pour la mesure des polluants atmosphériques cibles du projet
Résultats des campagnes de mesures de polluants
Conclusions
Bilan campagne olfactive
• Les secteurs les plus odorants sont les stockages d’intrants solides, en particulier en présence de matières animales (fumier), et les trémies en extérieur permettant l’alimentation du digesteur.
• Les secteurs moins odorants, en termes de fréquence et d’intensité de perception, sont :
◦ les stockages d’intrants liquides, le plus souvent en cuves fermées parfois étanches,
◦ les autres types d’intrants solides (déchets verts et ensilage, ainsi que les équipements d’hygiénisation).
• Des points spécifiques ont fait l’objet de perceptions ponctuelles : lixiviats (bassins, fosses, canalisations), les zones de stockage de digestats et les zones de traitement des émissaires gazeux (biofiltres, charbons actifs).
• Les notes odorantes qui ont été caractérisées, avec les fréquences et les niveaux d’intensité les plus élevés, sont liées aux phénomènes de fermentation et de dégradations organiques :
◦ les acides volatils (caractérisés par trois référents lors des investigations : acide butyrique, acide isovalérique et acide acétique),
◦ les notes soufrées (référents H 2 S et éthylmercaptan en particulier),
◦ la note scatol,
◦ ainsi que des notes aminées (référents ammoniac et isobutylamine) .
• Plus secondairement, des notes odorantes caractéristiques des intrants et/ou végétaux stockés ont été caractérisées (en lien ou non avec des phénomènes de biodégradation) : des notes aromatiques (référent alcool cinnamique), ester (référent isobutyrate d’éthyle) ou encore terpéniques (référents pinène, camphre).
• L’étude de dispersion des odeurs montre qu’à proximité des unités (entre 0 et 230 mètres) l’intensité odorante décroît rapidement d’une intensité forte à moyenne. Au-delà de 230 mètres, la baisse de l’intensité odorante est variable selon l’unité : elle devient faible entre 230 mètres à 2300 mètres de la source.
Limites de l’étude : Un nombre de tournées olfactives limité a été réalisé, ce qui constitue une photographie olfactive ponctuelle. D’autres odeurs à des intensités plus ou moins élevées peuvent être constatées en dehors de ces tournées, en fonction de la variation potentielle des intrants et des conditions météorologiques (vitesse du vent, température), qui peuvent influencer l’intensité et la dispersion des molécules odorantes dans l’environnement.
Bilan campagne polluants
NH 3
• Au global, les concentrations les plus élevées en NH 3 sont observées en limite de propriété et diminuent rapidement avec la distance au niveau des 1 ères habitations sous les vents des méthaniseurs (distance entre 20 et 474 m).
• Les concentrations hebdomadaires mesurées en limite de propriété s’échelonnent entre 2 µg/m 3 et 78 µg/m 3 , et sont bien en dessous de la valeur toxicologique de référence de 500 µg/m 3 pour une exposition chronique à partir de 365 jours, fixée par l’Anses.
• Les concentrations mesurées au centre du village sont très proches de celles des sites « Témoin » situés en dehors de l’influence des méthaniseurs et sont comprises dans la fourchette de celles habituellement observées hors influence méthaniseur par les AASQA (entre 1 µg/m 3 et 19 µg/m 3 2015-2022).
H 2 S
• Au global, les concentrations les plus élevées en H 2 S sont observées en limite de propriété et diminuent rapidement avec la distance au niveau des 1 ères habitations sous les vents des méthaniseurs.
• Les concentrations maximales mesurées en limite de propriété s’échelonnent entre 0,4 µg/m 3 (limite de quantification) et 5 µg/m 3 , et sont bien en dessous de la valeur guide pour prévenir les effets sur la santé fixée par l’OMS* à 150 µg/m 3 en moyenne 24h.
• Les concentrations observées au centre du village et au niveau des 1 ères habitations sont bien souvent inférieures à la limite de quantification du laboratoire (0,4 µg/m 3 ). Ces concentrations sont comprises dans la fourchette des valeurs ubiquitaires * déterminées par le LCSQA (entre 0,1 et 1 μg/m 3 2012).
Limites de l’étude : Un échantillonnage a été réalisé lors de l’étude afin d’obtenir une certaine représentativité de l’année. Mais la pollution atmosphérique peut être fluctuante selon l’activité des unités et peut donc faire évoluer les niveaux de concentrations.
Préconisations à destination des exploitants d'unités de méthanisation
D'après les résultats, il faut suivre précisément les « points d’échappement » au niveau des secteurs les plus odorants :
o Minimiser les durées de stockage ;
o Limiter les durées d’ouverture des portes des bâtiments de stockage d’intrants ;
o Couvrir les fosses ;
o Lors des opérations occasionnelles tells qu’un curage, maîtriser les échappements d’odeurs potentielles et informer en amont les riverains ;
o Garantir le bon état de fonctionnement des systèmes de traitements (biofiltre, cuve à hygiénisation…) ;
o Maintenir des bonnes pratiques comme le nettoyage régulier des sols de l’unité ;
o Mettre en oeuvre une gestion des eaux pluviales ;
o Communiquer auprès de la municipalité et/ou des riverains lors d’évènements exceptionnels susceptibles de générer des odeurs.
Témoignages et articles médias
"Nous faisons attention au sens du vent lorsque nous ramenons du lisier."
une unité de Grand Est
"Nous avons installé des buses de pompage des intrants liquides depuis le camion vers nos cuves étanchéifiées pour ne plus avoir à ouvrir les cuves."
une unité de Normandie
"J’ai construit un abri pour stocker mes intrants afin de limiter la propagation des odeurs vers le village."
une unité de Nouvelle-Aquitaine, Hauts-de-France, AURA, Grand Est
"Je garde la porte de mon hangar d’intrants d’origine animale le plus souvent possible fermée pour limiter la diffusion des odeurs."
une unité de Normandie, AURA
"Nous veillons à la propreté de notre site et de nos camions après chaque apport d’intrants."
une unité de Normandie, AURA, Nouvelle Aquitaine
Projet AQAMETHA
Glossaire
ADEME
Agence de la transition écologique.
AASQA
Association agréées de aurveillance de la aualité de l' Air. Il existe une AASQA par région et dans chaque territoire d’outre-mer.
Anses
Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
Biométhane
Le biométhane est la version épurée du biogaz. Pour être injecté dans le réseau public de gaz naturel, il doit d’abord être épuré et odorisé. Ainsi, après désulfuration, déshydratation et décarbonation, le biogaz devient du biométhane, un gaz vert qui s’utilise exactement comme du gaz naturel.
Biogaz
Le traitement des déchets dans les unités de méthanisation (ou méthaniseurs) donne naissance à une énergie renouvelable : le biogaz. Le biogaz peut être utilisé tel quel pour produire de l'électricité, par exemple. Le biogaz est principalement composé de méthane (CH 4 ) et de dioxyde de carbone (CO 2 ). Le biogaz présente également de petites quantités de sulfure d'hydrogène (H 2 S) et d’ammoniac (NH 3 ).
CIVE
Les Cultures Intermédiaires à Valorisation Energétique (culture d'hiver ou culture d'été) sont des cultures à visée énergétique positionnées entre deux cultures principales. Elles limitent ainsi la concurrence avec les cultures principales alimentaires.
Cogénération
La cogénération est la production de chaleur et d’électricité à partir du biogaz.
CTBM
Centre Technique national du Biogaz et de la Méthanisation.
Digestat
Le traitement des déchets dans les unités de méthanisation (ou méthaniseurs) donne naissance à un produit composé de matières organiques résiduelles, de minéraux dissous et d’eau. Il est stocké dans une fosse, directement reliée au digesteur.
FNE
France Nature Environnement.
GRDF
Gaz réseau distribution France.
ICPE
Les installations classées pour la protection de l'environnement sont classées selon le niveau de danger qu'elles présentent. Des moins dangereuses aux plus dangereuses : déclaration, enregistrement, autorisation.
Injection
Le biogaz est directement injecté dans le réseau afin d'être utilisé pour des usages de chauffage ou cuisson des aliments par exemple.
IMT
Institut Mines-Télécom.
Intrants
Plusieurs types de matières organiques peuvent être utilisés afin de faire fonctionner une unité de méthanisation : - des déchets d’industries agroalimentaires et de collectivités notamment des graisses, pulpe de betterave, sous-produits animaux, biodéchets issus de ménages, de restauration collective, des grandes et moyennes surfaces, tontes de pelouse, - des co-produits agricoles composés d’effluents d’élevage (fumier, lisier, sous-produits animaux) et de résidus végétaux (résidus de cultures, couverts d’intercultures), - des boues de station d’épuration (STEP). Les intrants de type produits phytosanitaires et engrais n'en font pas partie.
LCSQA
Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l’Air.
OMS
Organisation Mondiale de la Santé
Particules secondaires
Les particules secondaires se forment dans l’air par réactions physico-chimiques à partir d’autres polluants tels que le dioxyde de soufre (SO 2 ), les oxydes d’azotes (Nox), l’ammoniac (NH 3 ) et les composés organiques volatils (COV).
SINOE® déchets
Base de données qui dispose d’un historique de données sur la gestion des déchets ménagers et assimilés. L’ADEME en est le propriétaire et le producteur des données.
Valeurs ubiquitaires
Valeurs représentatives du bruit de fond