PARCOURS MÉMORI.ELLES

Les révolutionnaires du 18e

Adulées et célébrées ou au contraire méconnues et oubliées, voire occultées, les femmes ont marqué notre histoire sans toujours avoir leur juste place dans notre mémoire. Une mémoire qui parsème pourtant les rues de Paris.

À travers un itinéraire dans le 18   arrondissement, la Ville de Paris vous propose de découvrir les destins d’une dizaine de femmes : les révolutionnaires du 18  .

1

Cécile Brunschvicg

Adresse : place Cécile Brunschvicg 

Cécile Kahn naît à Aix-les-Bains en juillet 1877. À Rouen où elle vit avec Léon Brunschvicg qu’elle a épousé en 1899, elle s’investit dans plusieurs associations philanthropiques et aussi, à la Ligue des Droits de l’Homme qui vient d’être créee par les premiers défenseurs du capitaine Dreyfus. Au travers de ces premiers engagements, et encouragée par son mari, elle se forge une conviction féministe qui la conduit à adhérer en 1909 à l’Union française pour le suffrage des femmes et au Conseil National des femmes françaises, où elle milite pour les droits des femmes au travail.

Féministe réformiste, elle se rallie en 1914 à l’Union sacrée et met entre parenthèses le combat suffragiste. Elle reste une militante très active : elle se mobilise pour l’Œuvre pour le logement des réfugiés du Nord et de l’Est et crée l’École des surintendantes d’usine. Au lendemain du conflit, elle soutient la politique d’encouragement à la natalité.

Au milieu des années 1920, l’engagement féministe et politique de Cécile Brunschvicg s’intensifie : elle devient présidente de UFSF (1924) puis rédactrice en chef de l’hebdomadaire La Française (1926) et adhère au Parti radical dont elle partage les combats et où elle espère faire progresser la cause du suffrage féminin. Elle est aussi très active au sein du mouvement féministe international. Pacifiste convaincue, elle milite pour la Société des nations. Très tôt, elle dénonce les dangers du fascisme et se mobilise pour le soutien des réfugiés venus d’Allemagne après 1933. Le 4 juin 1936, lors du Front Populaire ; elle est, avec Suzanne Lacore et Irène Joliot-Curie, l’une des trois premières femmes à entrer dans un gouvernement, celui de Léon Blum. Elle y est sous-secrétaire d’État à l’Éducation nationale auprès de Jean Zay. Elle mène des projets dans le domaine de la place des enfants handicapées, de l’hygiène ou des cantines scolaires. Après la chute du gouvernement, en juin 1937, elle poursuit ses engagements féministes à la rédaction de La Française et en contribuant au vote de la fin de l’incapacité civile de la femme mariée. Dans les colonnes du journal et au sein de l’UFSF, elle se mobilise pour dénoncer les dangers du nazisme. Pendant la Seconde guerre mondiale, Cécile Bruschvicg se réfugie d’abord dans la zone sud avec son mari, puis à partir de 1942, entre dans la clandestinité. A la fin de la guerre, après le décès de Léon Brunschvicg (1944), elle revient à Paris où elle reprend le combat féministe au sein de la Fédération démocratique internationale des femmes. Elle voit son combat suffragiste aboutir aux élections municipales de 1945. Elle décède en octobre 1946.

 Pour poursuivre le parcours, prenez la rue du Simplon et tournez à gauche rue des Poissonniers... 

2

Jane Vialle

Adresse : jardin Jane Vialle, 122, rue des Poissonniers

Née à Ouesso (alors dans le Moyen-Congo, aujourd’hui République du Congo) en 1906, d’une mère congolaise et un père français, Jane Vialle grandit en France et en Afrique équatoriale française où son père occupe divers postes dans des entreprises commerciales. Elle fait ses études secondaires au lycée Jules Ferry à Paris, et commence sa carrière professionnelle dans la société Entreprises africaines, puis à l’agence d’information Opéra Mundi créée en 1928, et enfin au journal Confidences qui s’installe à Marseille en 1940.

C’est alors qu’elle entre en Résistance, probablement via le foyer des étudiants africains et asiatiques du quartier de la Rose dirigé par le Résistant Jules Belpeer. Elle devient la secrétaire de Jean Gemähling, chef du réseau de renseignements du mouvement Combat pour la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Elle est arrêtée en 1943 et internée au camp de Brens (Tarn), puis à la prison des Baumettes à Marseille. Libérée, elle reprend ses activités au sein du réseau Combat, notamment comme agent de liaison entre Paris et Lyon.

À la Libération, elle travaille comme journaliste, en particulier pour l’Agence France Presse. Elle fonde l’Association des Femmes de l’Union, s’engage en politique et siège comme sénatrice de l’Oubangui-Chari (ancien territoire colonial français de l'Afrique centrale entre 1903 et 1958, situé dans l'actuelle République centrafricaine) pour les Mouvements unis de la Résistance (MUR), la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO), puis les Indépendants d’Outre-Mer (IOM). Elle est aussi membre du Comité sur l’esclavage aux Nations Unies en 1949. Sur tous ces fronts, en Métropole comme en Afrique, elle se mobilise avec une énergie considérable et une éloquence remarquable pour faire valoir le rôle des femmes dans la société et pour faire mieux connaître et développer les territoires d’Outre-mer. Elle meurt le 9 février 1953 dans un accident d’avion.

 Pour poursuivre le parcours, continuez la rue des Poissonniers et tournez à droite dans le boulevard Ney... 

3

Aimée Lallement

Adresse : gymnase Aimée Lallement, 56, boulevard Ney

Aimée Lallement est née à Givet (Meuse) en 1898 ; ses parents sont instituteurs. La Première Guerre mondiale les contraint à quitter les Ardennes pour Versailles. Aimée y fait ses études et devient institutrice. Féministe et socialiste, elle revendique la participation des femmes aux Jeux Olympiques. Elle contribue, aux côtés d’Alice Milliat, à l’organisation des jeux mondiaux féminins de Paris en 1922 et participe elle-même à des compétitions d’athlétisme : elle remporte le 110 m haies et le lancer de javelot.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle dirige un foyer de jeunes filles à Reims. Liée d’amitié avec son voisin, l’avocat Georges Simon, elle lui confie les clés de son logement, pour qu’il puisse s’y réfugier en cas de menace d’arrestation de juifs. Il est arrêté et déporté le 26 février 1942 ; sa mère l’est aussi en 1944. Aimée contribue à mettre à l’abri la nièce de George Simon, chez une amie à la campagne.

Elle tente ensuite de protéger à une autre famille juive de Reims, les Przedbroz mais ceux-ci sont arrêtés. Leur fils parvient néanmoins à échapper à l’arrestation. Jankel, âgé de 14 ans, est caché chez Aimée qui use de différents subterfuges pour le sauver. À la Libération, elle continue à s’occuper du jeune homme resté orphelin et l’adopte en 1956. Le 3 janvier 1980, le titre de Juste parmi les nations a été décerné à Aimée Lallement par l’institut Yad Vachem.

 Pour poursuivre le parcours, revenez sur vos pas dans le boulevard Ney jusqu'à l'esplanade Alice Milliat... 

4

Alice Milliat

Adresse : esplanade Alice Milliat

Née Alice Million à Nantes en 1884, dans une famille de commerçants, Alice épouse Joseph Milliat en 1904 à Londres. Elle y aurait exercé le métier d’enseignante et y réside jusqu’au décès de son mari en 1908. Revenue en France, elle s’installe à Paris où elle exerce différents métiers, dont celui de traductrice.

Pratiquant le hockey ou l’aviron qu’elle aurait découvert en Angleterre, elle s’investit dans le club de sport Femina, dont elle prend la présidence trois ans après sa fondation, en 1915. Elle encourage la pratique sportive pour les femmes au-delà de la gymnastique (rugby, football, athlétisme…), et contribue à la faire connaître et reconnaître, en intervenant dans la presse sportive. Dénonçant la difficulté pour les femmes de participer à des compétitions sportives, et l’impossibilité de participer aux Jeux olympiques, elle crée une Fédération sportive féminine internationale (1921) et organise, au stade Pershing, en août 1922, une première compétition internationale nommée à l’époque les « Jeux Olympiques Féminins ». Elle participe, la même année, à une compétition d’aviron sur la Seine. Les jeux de 1922 seront suivis de quatre autres Jeux mondiaux jusqu’en 1934. Ce succès contribue à l’ouverture des compétitions d’athlétisme aux femmes lors des Jeux olympiques d’Amsterdam en 1928. Sa santé fragile et les difficultés financières du mouvement sportif féminin la contraignent à en quitter les instances en 1935. Elle meurt dans l’anonymat à Nantes en 1957.

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 Pour poursuivre le parcours, prenez la rue Pierre Mauroy sur la droite depuis le boulevard Ney, puis encore à droite sur la rue Eva Kotchever... 

5

Eva Kotchever

Adresse : rue Eva Kotchever

Eva Kotchever est née Chawa Zoczlower en 1891 en Pologne. A 21 ans, elle quitte une Europe de l’est en proie aux pogroms antisémites pour s’installer aux États-Unis. Elle ouvre, dans Greenwich Village (New York), le Eve’s Hangout ou Eve Adams’ Tearoom, adoptant le patronyme qu’elle s’était alors choisi. Lieu d’échanges littéraires, artistiques et politiques, ce salon de thé est fréquenté par les milieux intellectuels, progressistes et libertaires, par des militantes pour les droits des femmes et par des personnalités, comme Emma Goldman ou June et Henry Miller. Cette effervescence attire l’attention de la police et, en 1926, l’établissement est fermé, et Eva Kotchever est arrêtée. On lui reproche d’avoir écrit l’ouvrage Lesbian love. Après quelques mois de prison, elle est expulsée vers la Pologne.

Elle choisit alors Paris où elle se lie avec Hella Olstein, qui est, comme elle, une juive polonaise. Hella Olstein est connue comme chanteuse de cabaret, sous le nom de Norah Waren. En 1940, l’Occupation allemande les contraint à partir pour Biarritz, puis Nice d’où elles espèrent gagner la Palestine. Mais elles sont arrêtées, internées à Drancy puis déportées le 17 décembre 1943. Elles sont assassinées dès leur arrivée à Auschwitz. Une dénomination et une plaque apposée dans cette rue leur rendent hommage.

 Pour poursuivre le parcours, revenez rue Pierre Mauroy et prenez l'allée Lydia Becker sur la droite... 

6

Lydia Becker

Adresse : allée Lydia Becker

Née à Manchester (Angleterre) le 24 juillet 1827, Lydia Becker grandit dans le village d’Altham (Lancashire) dans une famille de petits industriels. Très jeune, elle s’intéresse à la science, tout particulièrement à l’astronomie et aux sciences naturelles. Elle écrit un manuel de botanique pour les débutants (1864), suivi d’un manuel d’astronomie (non publié). Adhérente de l’Association anglaise pour l’avancement de la science, elle participe assidument à leurs activités. Installée à Manchester en 1865, elle crée elle-même une association pour la diffusion des connaissances scientifiques auprès des femmes. Ce faisant, elle dénonce la prétendue infériorité des femmes quant à leurs facultés intellectuelles et l’usage de cette théorie pour les maintenir dans une minorité politique.

Plus généralement, elle s’engage dans la lutte pour les droits des femmes et la revendication du suffrage féminin, avec la Manchester National Society for Women's Suffrage. Elle milite aussi au sein du Married Women's Property Committee. Pour défendre la cause des femmes, elle sillonne le pays pour donner des conférences, rédige de nombreux articles dans la presse anglaise, fonde même son propre journal, le Women’s Suffrage Journal, et s’efforce de faire du lobbying auprès des milieux intellectuels et des parlementaires anglais. En 1868, elle mène campagne pour l’inscription sur les listes électorales des femmes propriétaires, ce qui était rendu possible par un vide juridique. En 1870, elle est élue dans un conseil scolaire d'une école de Manchester. Elle y voit l’opportunité de démontrer la capacité politique des femmes et d’encourager l’éducation des jeunes filles issues des milieux populaires, au-delà des compétences domestiques. Au sein de cette institution, elle contribue, pendant vingt ans, à faire progresser une éducation populaire sans renoncer à son activité militante féministe. Elle y propose, sans succès, la création de classes mixtes.

En 1889, malade, elle se retire à Aix-les-Bains (Savoie) où elle décède d’une diphtérie en 1890. Il faudra encore presque trente ans pour que le droit de vote soit accordé aux femmes britanniques. Mais le rôle de Lydia Becker dans cette conquête est incontestable. Dans son autobiographie (1914), la célèbre suffragette anglaise Emmeline Pankhurst rend hommage à son aînée dont, adolescente, elle aurait écouté un discours à Manchester.

 Pour poursuivre le parcours, prenez la rue des Cheminots puis la rue de la Chapelle jusqu'au jardin Nusch Eluard... 

7

Nusch Eluard

Adresse : jardin Nusch Eluard, 1 impasse de la Chapelle

Nusch Éluard naît le 21 juin 1906 à Mulhouse, en Alsace-Lorraine, alors sous administration allemande. Son nom de naissance est Maria Benz, mais son père lui donne le surnom de « Nusch », une variante affectueuse de « nuss », signifiant « noix » en allemand. Ce dernier possède un chapiteau ambulant :  sa famille et une petite troupe y jouent numéros d’acrobatie ou de magie. Pendant la Grande Guerre, Nusch quitte l’école et contribue aux spectacles familiaux et très vite en devient la vedette En 1920, son père décide de l’envoyer à Berlin, pour jouer dans un petit théâtre de la capitale allemande espérant que sa carrière artistique s’y déploie. Nusch, alors adolescente, mène une difficile vie de jeune artiste. Après un bref retour à Metz, elle choisit Paris. Nusch enchaîne divers petits métiers : acrobate de rue, assistante dans des numéros d’hypnose et actrice dans des cabarets. C’est dans ce Paris bohème, près de la gare Saint-Lazare, qu’elle croise la route de Paul Éluard et René Char. En 1930, sa rencontre avec Éluard, qui est déjà un artiste reconnu, marque un tournant décisif dans sa vie. Le poète est immédiatement captivé par cette femme sublime qui lui inspirera de très nombreux poèmes. Ils se marient en 1934. Leur relation, intense et passionnée, s’inscrit dans l’effervescence des cercles surréalistes. Nusch devient rapidement une figure incontournable de ce mouvement, posant pour des artistes comme Man Ray, Dora Maar et, plus tard, Picasso, qui sont tous fascinés par sa beauté singulière, sa sensibilité, son indépendance d’esprit et son talent. Nush est en effet également l’auteur de collages et la contributrice de cadavres exquis surréalistes. En 1940, le couple emménage rue Marx Dormoy et, très tôt, s’engage dans la Résistance, Nush n’hésitant pas à se faire la messagère des articles et des poèmes engagés d’Eluard. Mais la guerre et ses privations ont éprouvé sa santé. Le 28 novembre 1946, alors qu’elle n’a que 40 ans, Nusch meurt soudainement d’une rupture d’anévrisme au domicile de sa belle-famille. Sa disparition laisse Paul Éluard dans un profond désespoir.

 Pour poursuivre le parcours, continuez la rue de la Chapelle et prenez la rue Doudeauville sur la droite puis la rue Custine. Enfin, prenez sur la gauche rue Labat... 

8

Beatrix Excoffon

Adresse : plaque en hommage à Beatrix Excoffon, située au 9, rue Bachelet

Beatrix Excoffon, née Julia Euvrie, voit le jour le 10 juillet 1849 à Cherbourg. Elle grandit à Paris dans une famille de Républicains après que son père, horloger, ait dû quitter Cherbourg en 1851 en raison de son opposition au coup d’état de Napoléon III. Elle travaille comme couturière et s’installe, en 1864, avec un ouvrier typographe François Excoffon. Ils se marient en 1874. Le couple a deux enfants.

En 1871, elle s’engage du côté des Communards. Les archives témoignent de sa présence sur les barricades dans le 9e arrondissement, de sa mobilisation comme infirmière au fort d’Ivry, de sa participation à la marche des femmes partie de la place de la Concorde en direction de Versailles, le 3 avril 1871, ou encore de son entrain dans les débats du club de la Boule noire dont elle est la vice-présidente.

Arrêtée le 2 juillet 1871, elle est emprisonnée à Auberive. Libérée en 1878, elle reste une femme engagée. En 1898 elle se range du côté des dreyfusards en signant une pétition et en envoyant une lettre de soutien à Émile Zola ; en 1905, elle fait partie de la foule qui accueille le cercueil de Louise Michel à la Gare de Lyon. Elle meurt le 30 décembre 1916 dans le 16e arrondissement.

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 Pour poursuivre le parcours, prenez la rue Ramey et tournez à droite rue Muller, puis toujours à droite rue Feutrier... 

9

Rosa Luxemburg

Adresse : plaque en hommage à Rosa Luxemburg, située au 21, rue Feutrier

Rosa Luxemburg naît le 5 mars 1871 à Zamość, en Pologne, alors sous domination russe. Issue d’une famille juive aisée, elle grandit à Varsovie, dans un environnement intellectuellement stimulant, mais marqué par les discriminations antisémites et les tensions politiques. Très jeune, Rosa s’engage dans le militantisme révolutionnaire, rejoignant des groupes socialistes clandestins. Cet engagement précoce la pousse à fuir la répression tsariste en 1889 pour se réfugier en Suisse, où elle poursuit des études brillantes.

À Zurich, elle obtient un doctorat en économie politique, devenant l’une des premières femmes à atteindre ce niveau académique à son époque. En 1898, elle épouse un Allemand, Gustav Lübeck, dans un mariage de convenance qui lui permet d’obtenir la nationalité allemande. Cette citoyenneté lui ouvre les portes du Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD). Rosa s’illustre rapidement comme une figure incontournable du mouvement socialiste, notamment au sein de la IIᵉ Internationale. Fine théoricienne, elle défend les idées marxistes, plaidant pour une révolution ouvrière mondiale et s’opposant à toute forme de révisionnisme ou de compromis avec le capitalisme. Elle dénonce l’impérialisme russe qui écrase sa Pologne natale et participe activement à la révolution de 1905 à Varsovie.

Arrêtée par les autorités tsaristes, elle échappe de peu à la peine de mort grâce à des soutiens internationaux. Ce passage en Pologne renforce son opposition à l’autoritarisme, une critique qu’elle adressera également aux bolcheviks plus tard dans son célèbre ouvrage La Révolution russe (1918). Elle y salue l’élan révolutionnaire de 1917, tout en condamnant la dérive autoritaire de Lénine, qu’elle considère incompatible avec l’émancipation ouvrière. De retour en Allemagne en 1906, Rosa se retrouve de plus en plus isolée au sein du SPD. Tandis que le parti s’oriente vers des stratégies parlementaires et une intégration des ouvriers dans la société capitaliste, Rosa reste fidèle à l’idée de la grève de masse comme outil révolutionnaire.

Cette divergence idéologique s’intensifie lors de la Première Guerre mondiale. Farouchement opposée au militarisme allemand, elle lance en 1915, avec Karl Liebknecht, Clara Zetkin et Franz Mehring, la Ligue Spartakiste, un mouvement pacifiste et révolutionnaire en rupture avec le SPD. En 1918, l’armistice marque la chute de l’Empire allemand, mais l’instabilité politique s’intensifie. Rosa Luxemburg prend la tête du journal Die Rote Fahne (Le Drapeau rouge), où elle appelle à une transformation radicale de la société. Cependant, elle se montre prudente face aux insurrections précipitées. Lors du soulèvement spartakiste de janvier 1919 à Berlin, Rosa s’oppose à l’initiative, jugeant le rapport de force défavorable. Pourtant, son statut de figure révolutionnaire la désigne comme une cible privilégiée de la répression.

Le 5 janvier 1919, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont arrêtés par des soldats nationalistes chargés de mater l’insurrection. Tous deux sont assassinés de manière brutale le 15 janvier 1919. Rosa Luxemburg demeure une figure emblématique du socialisme marxiste et de la lutte pour la justice sociale. Cependant, dans l’Allemagne des années 1920 et 1930, son héritage est progressivement effacé par la montée en puissance du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (le Parti nazi), qui anéantira les espoirs révolutionnaires portés par Rosa et ses camarades. Rosa Luxemburg incarne à jamais l’idée d’une révolution fondée sur la liberté, la démocratie ouvrière et l’humanité : « La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement ».

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 Pour poursuivre le parcours, continuez la rue Feutrier jusqu'au Square Louise Michel... 

10

Louise Michel

Adresse : square Louise Michel, 6, place Saint-Pierre

Née en 1830 au château de Vroncourt (Meurthe-et-Moselle), Louise Michel est la fille naturelle de Marianne Michel, une domestique du château, propriété de la famille Demahis. Elle y reçoit une éducation privilégiée et ouverte pour une enfant de condition modeste. À vingt ans, après la vente du château par la belle-fille des Demahis, elle choisit de devenir institutrice.

En 1852, elle ouvre à Audeloncourt (Haute-Marne) une « école libre » par refus de prêter serment à l’Empire et ouverte aux filles comme aux garçons. À cette époque, elle entretient déjà une correspondance avec Victor Hugo et elle écrit quelques poèmes dans la presse locale. Après un séjour parisien, elle revient en Haute-Marne où elle ouvre deux nouveaux établissements scolaires. Elle s’installe définitivement à Paris en 1855 où elle exerce comme enseignante dans différents cours privés et d’instruction populaire. Elle milite à la fois dans les milieux républicains, ouvriers et féministes Elle y rencontre Maria Deraismes, Émile Eudes, Jules Vallès ou Eugène Varlin. Elle devient blanquiste. En 1865, elle crée une école à Montmartre – qui a alors pour maire George Clemenceau avec lequel elle partagera une longue amitié et de vives controverses politiques. En 1867, elle contribue à la création d’une coopérative de consommation, la « Société des Équitables de Paris ».

Dès le mois de septembre 1870, et les premiers jours du siège de Paris, elle s’engage dans le Comité de vigilance de Montmartre créé par Clemenceau. Après quatre mois de siège pendant lesquels elle ne ménage pas ses efforts, après l’armistice vécu comme une trahison, elle est encore au premier rang, à Montmartre, pour faire front contre les soldats de Thiers venus récupérer les canons. Elle est une actrice majeure de la Commune de Paris, née le 26 mars 1871, comme ambulancière, comme combattante au sein de différents bataillons et sur les barricades mais aussi comme réformatrice. Elle conçoit en effet une nouvelle méthode d’enseignement qu’elle propose au gouvernement communard.

Pendant la Semaine sanglante, pour faire libérer sa mère qui a été arrêtée à sa place, elle décide de se rendre à l’ennemi. Condamnée à la déportation à perpetuité dans une enceinte fortifiée le 16 décembre 1871, elle embarque pour la Nouvelle-Calédonie en août 1873. Elle passe deux ans en forteresse sur la presqu’île Ducos avant de voir sa peine commuée en bannissement simple. Elle s’installe alors dans la baie de l’ouest où elle s’intéresse à la culture kanak, dénonce les conditions de la colonisation et crée une école qui est ouverte aux enfants kanaks.

En juillet 1880, l’amnistie des Communards, permet son retour en métropole. Son arrivée à Dieppe le 9 novembre, puis à Paris, où l’attendent vingt mille personnes est triomphal. Désormais personnalité reconnue, Louise Michel reprend son flambeau de militante et n’a de cesse, en métropole, en Algérie, en Grande-Bretagne ou en Belgique, dans des centaines de conférences, de défendre la cause des femmes, celle des ouvriers, mais aussi de faire connaître le sort des insurgés algériens de 1871 déportés en Nouvelle-Calédonie. Plusieurs fois condamnée pour ses prises de position, à nouveau incarcérée, libérée, blessée grièvement lors d’un attentat, la « Vierge rouge » poursuit inlassablement ses combats jusqu’à sa mort, le 9 janvier 1905, dans « l’oubli d’ [elle]-même à secourir les autres » (Victor Hugo). Une foule de 120.000 personnes suit le convoi de ses funérailles.

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Des révolutionnaires, il n'y en a pas que dans le 18e arrondissement de Paris : cliquez sur les images ci-dessous pour accéder à la cartographie générale.

Manon Roland (1er), Théroigne de Méricourt (13e)


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