
PARCOURS MÉMORI.ELLES
Les combattantes du 10e
Adulées et célébrées ou au contraire méconnues et oubliées, voire occultées, les femmes ont marqué notre histoire sans toujours avoir leur juste place dans notre mémoire. Une mémoire qui parsème pourtant les rues de Paris.
À travers un itinéraire dans le 10 e arrondissement, la Ville de Paris vous propose de découvrir les destins d’une dizaine de militantes et activistes : les combattantes du 10 e .
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Prison Saint-Lazare
Adresse : Square Alban Satragne
Ancienne léproserie, transformée en couvent au XVIIIe siècle, la Maison Saint-Lazare devient une prison sous la Révolution, réservée aux femmes à partir de 1794. Devenue un « hôpital-prison » (1811), l’édifice est réaménagé à partir de 1824 par l’architecte Louis-Pierre Baltard (père de Victor Baltard). À la fois maison d’arrêt et de correction, on y enferme aussi bien des condamnées pour crimes et délits que des prostituées, mais aussi des femmes « moralement corrompues » ayant attenté au joug paternel ou conjugal ou encore des femmes atteintes de la syphilis.
Les conditions de détentions y sont déplorables : cellules froides, surpeuplées et insalubres, elles comptent plus d’un millier de détenues au milieu du XIXe siècle, dont une trentaine de mineurs et même des enfants en bas âge, parfois nés sur place. Plusieurs personnalités ont été internées à la prison Saint-Lazare. Figure majeure de la Commune, Louise Michel (en photo) y est internée quelques mois en 1883, de même que l’anarchiste Germaine Berton pour l’assassinat d’un membre de l’organisation royaliste « Les camelots du roi », en 1923. Marguerite Steinheil, maîtresse du président de la République Félix Faure y est internée en 1909 pour le meurtre de son mari et de sa belle-mère, puis, cinq ans plus tard, Henriette Caillot, après le meurtre du directeur du Figaro, Gaston Calmette.
Durant la Première Guerre mondiale, l’espionne Mata Hari y avait été incarcérée avant d’être condamnée à mort pour haute trahison et fusillée en 1917. En 1928, c’est au tour de la banquière Marthe Hanau d’y faire un séjour pour escroquerie. La même année, le Conseil général de la Seine prend la décision de fermer la maison d’arrêt et de correction pour laisser place à la « Maison de santé Saint-Lazare » destinée aux femmes et à la lutte contre les maladies vénériennes. L’hôpital fermera définitivement ses portes en 1998. Entièrement réaménagé par la Ville de Paris, le carré historique accueille aujourd’hui un centre social, une crèche et la médiathèque Françoise Sagan.
En savoir plus
- Pour en savoir plus sur l’édifice lire Pauline Rossi, « De prison à hôpital, 1794-1998, les reconversions de Saint-Lazare »
Pour poursuivre le parcours, rejoignez le boulevard Magenta et remontez en direction de la gare du Nord, puis tournez à droite sur la rue Lafayette...
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Fidan Doğan, Sakine Cansız et Leyla Söylemez, trois femmes kurdes dans le 10 e
Adresse : plaque commémorative située au 147, rue La Fayette.
Dans la nuit du 9 au 10 janvier 2013, Fidan Doğan, Sakine Cansız et Leyla Söylemez, trois militantes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), sont assassinées dans les locaux du Centre d’information sur le Kurdistan, au 147, rue La Fayette, dans le 10 e arrondissement. L’enquête judiciaire a mis en évidence que l’un des mobiles les plus plausibles de ce triple meurtre pouvait être mis en relation avec les activités supposées d’Ömer Güney, le tireur présumé, en France au sein des services secrets turcs. Omer Güney, atteint d’un cancer du cerveau, meurt fin 2016, quelques semaines avant l’ouverture de son procès.
Ce triple assassinat a suscité une très vive émotion et des manifestations dénonçant l’assassinat de ces femmes au titre de leurs combats politiques.
En savoir plus
- " Janvier 2013, assassinat de 3 militantes kurdes à Paris " un épisode du podcast Rendez-vous avec X sur France Inter
Pour poursuivre le parcours, continuez sur la rue La Fayette et tournez à droite sur la rue de Dunkerque...
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Marielle Franco, la pasionaria des favelas
Adresse : jardin Marielle Franco, 48 rue d'Alsace.
Née dans une favela de Rio de Janeiro le 27 juillet 1979, c’est aussi au cœur d’un de ses bidonvilles que Marielle Francisco da Silva, dite Marielle Franco, trouve la mort, assassinée, le 14 mars 2018. Elle aura consacré toute sa vie à la défense des habitants de ces quartiers pauvres et plus largement à la lutte pour la justice et les droits humains. Diplômée en sciences sociales grâce à une bourse du programme « Université pour tous », mise en place par l’ancien président Lula, Marielle Franco rejoint le Parti socialisme et liberté (PSOL) fondé en 2004, au sein duquel, en tant que conseillère et élue, elle mène le combat contre le racisme, le sexisme et l’homophobie. Présidente de la Commission de Défense de la Femme, elle présente des projets de loi sur la garantie d'accès à l'avortement et sur l'ouverture des crèches la nuit. En mars 2018, lorsque le gouvernement de Michel Temer lui confie la mission de suivre la sécurité publique dans les favelas, elle dénonce publiquement les abus commis par des bataillons de la police militaire. Elle est tuée par arme à feu quelques jours plus tard. Elle avait 38 ans. La mort de Marielle Franco suscite une vive émotion et donne lieu à de nombreuses manifestations dans tout le Brésil. Des rues à son nom fleurissent dans le monde entier.
Pour poursuivre le parcours, remontez sur la rue La Fayette et avancez jusqu'à la place Dulcie September...
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Dulcie September, victime de l'apartheid
Adresse : place Dulcie September.
Militante anti-apartheid, Dulcie September, représentante de l’ANC pour la France, la Suisse, le Luxembourg, meurt assassinée à Paris en 1988. Son meurtre ne sera jamais élucidé. Née en 1935 à Cape Town en Afrique du Sud, cataloguée métisse, Dulcie September subit dès son enfance les blessures de l’Apartheid, les lois racistes mises en place en Afrique du Sud à partir de 1913. Jeune institutrice, elle se révolte contre la ségrégation et son militantisme lui vaut d’être condamnée à cinq ans de prison, puis assignée à résidence. Exilée à partir de 1973 au Royaume-Uni, elle rejoint l’ANC (African National Congress) de Nelson Mandela et s’attache à mobiliser l’opinion internationale autour de la situation de la jeunesse et des femmes en Afrique du Sud. Considérée jusqu’alors comme une organisation terroriste, l’ANC est autorisée à ouvrir un bureau à Paris en 1981. Dulcie September en prend la tête. C’est devant ses locaux au 28 de la rue des Petites Ecuries, dans le 10 ème arrondissement qu’elle est abattue le 29 mars 1988. Trois ans avant la fin de la politique ségrégationniste de la République sud-africaine.
Pour poursuivre le parcours, descendez la rue Château Landon et la rue du Faubourg Saint-Martin le long des rails de la gare de l'Est...
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Madeleine Braun, une pionnière à l'Assemblée
Adresse : place Madeleine Braun.
Militante infatigable du féminisme et de l’antifascisme, Madeleine Braun est la première vice-présidente de l’Assemblée nationale, incarnant ainsi une mutation majeure de la vie politique française.
Née en 1907, alors que les femmes n’ont pas encore le droit de vote, Madeleine Braun fait partie des premières femmes élues. Après la Faculté de droit, elle épouse l’homme d’affaires, Jean Braun, mais tient à garder une indépendance financière et un rôle social. Démocrate et pacifiste, elle soutient l’Espagne républicaine et contribue à l’aide aux réfugiés antifranquistes, avant de rejoindre la Résistance française lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale. Son courage lui vaudra d’être décorée de la croix de chevalier de la Légion d’Honneur et la Croix de guerre. Le 8 novembre 1944, elle est désignée comme déléguée à l’Assemblée consultative provisoire, le « Parlement de la Résistance ». En 1946, élue sur une liste du Parti Communiste, elle est l’une des 33 premières femmes à siéger à l’assemblée nationale, dont elle est élue vice-présidente, le 14 juin. En 1951, écartée du Parti Communiste, elle s’éloigne de la politique et devient co-directrice avec Louis Aragon des Editeurs français réunis, où elle publie de nombreux auteurs comme Paul Valéry, Paul Eluard ou Vladimir Maïakovski. Madeleine Braun décède le 22 janvier 1980 à Saint-Cloud.
Pour poursuivre le parcours, traversez la rue du faubourg Saint-Martin et entrez dans le jardin Villemein - Masha Jîna Amini...
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Mahsa Jîna Amini : "Femme, vie, liberté"
Adresse : jardin Villemin - Mahsa Jîna Amini, 2, avenue de Verdun.
Depuis sa mort le 16 septembre 2022, Mahsa Jîna Amini est devenue, pour le monde entier, le visage de la lutte des femmes iraniennes pour leurs droits et leur liberté.
La jeune femme d’origine kurde, a tout juste 22 ans et s’apprête à entrer à l’université lorsque, au cours d’un séjour à Téhéran, elle est arrêtée par la police des mœurs du régime, accusée d’avoir mal porté son hidjab. Elle meurt trois jours plus tard à la suite des graves violences subies en garde à vue.
Le décès de Mahsa Jîna Amini déclenche, en Iran, une vague de contestation sans précédent par son ampleur, son intensité et sa durée. Porté d’abord par les femmes, le mouvement est suivi par une large partie de la jeunesse et de la population, malgré la violence de la répression qui fait plus de 500 morts et plus de 20 000 arrestations.
Le choc et l’indignation, relayés par les réseaux sociaux, se propagent dans le monde entier. Des manifestations de soutien rassemblent des milliers de personnes, aux cris de « Femme, vie, liberté ».
Pour poursuivre le parcours, sortez du jardin par le canal Saint-Martin et remontez le quai de Valmy...
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Madeleine Tribolati, l'égalité au cœur
Adresse : square Madeleine Tribolati, 2 bis, rue Robert Blache.
Figure éminente du syndicalisme français, Madeleine Tribolati a joué un rôle majeur dans le combat pour l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Née en 1905 dans une famille populaire du 14 e arrondissement de Paris, Madeleine Tribolati commence à travailler à l’âge de 15 ans, comme employée de bureau. Son idéal de justice sociale la conduit à s’engager, dès 1924, au sein du syndicalisme féminin chrétien, dont elle suit les formations et gravit tous les échelons.
Dès les années 1930, Madeleine Tribolati concilie la position traditionnelle de l’Eglise sur « la place naturelle des mères au foyer » et le droit au travail pour toutes les femmes. En 1936, elle est l’une des principales négociatrices pour les syndicats féminins. Même après leur dissolution, à la Libération, elle continue à se faire l’avocate de l’égalité professionnelle. Elue vice-présidente de la CFTC en 1948, elle participe aux négociations pour la création du SMIG, en 1950. Elle se bat ensuite pour la généralisation des retraites complémentaires, obtenue en 1972. Elle prend sa retraite en 1975, devenant présidente d’honneur de la CFTC. Elle décède en 1995.
En savoir plus
- Entretien filmé avec Madeleine Tribolati en 1993
Pour poursuivre le parcours, traversez le canal par le pont Maria Casarès et remontez la rue des Écluses Saint-Martin...
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Cyla Wiesenthal, à la poursuite des nazis
Adresse : place Simon et Cyla Wiesenthal.
Cyla Muller naît en 1908 dans une famille juive de Boutcha (aujourd’hui en Ukraine) alors dans l’est de l’Autriche-Hongrie. Elle rencontre Simon Wiesenthal sur les bancs du collège et l’épouse en 1936. Le pacte germano-soviétique en 1939 signe la fin des années de leur bonheur. Aux purges soviétiques menées contre les éléments bourgeois et juifs succède l’invasion allemande en 1941. Le couple réussit à survivre à l’horreur du travail forcé et des camps de concentration et se retrouve en 1945. Mais 90 de leurs proches périssent dans l’Holocauste. Simon Wiesenthal consacrera le reste de sa vie à traquer les anciens nazis et documenter leurs crimes. Plus de 1000 anciens nazis seront ainsi démasqués, parmi lesquels, Adolf Eichmann et Josef Mengele. Son épouse Cyla le soutiendra dans son combat jusqu’à sa mort, le 10 novembre 2003.
Pour poursuivre le parcours, quittez la place pour la rue Juliette Dodu...
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Juliette Dodu, au service de la France
Adresse : rue Juliette Dodu.
Née en 1848 à Saint Denis de La Réunion, Juliette rejoint la France à 16 ans, où sa mère, veuve, a trouvé un travail comme directrice du bureau télégraphique de Pithiviers. Éclate la guerre de 1870. Les Prussiens envahissent la Ville et le poste télégraphique. Juliette Dodu serait alors parvenue à intercepter les dépêches d’importance stratégique reçues et envoyées par l’ennemi, qu’elle fait ensuite parvenir aux autorités françaises.
Cet acte de résistance lui vaut d’être décorée, ainsi qu’une vingtaine d’autres agents du service télégraphique. Elle est rendue célèbre par la parution d’un article dans Le Figaro en 1877. L’année suivante, elle est nommée Chevalier de la Légion d'Honneur.
Plusieurs historiens, faute de sources, ont remis en cause la véracité de l’histoire de Juliette Dodu. Elle n’en demeure pas moins emblématique des comportements héroïques de nombreux agents des télégraphes en 1870. Et Juliette Dodu reste la première femme à obtenir la médaille militaire et la croix de la Légion d’Honneur à titre militaire.
Pour poursuivre le parcours, prenez la rue Sambre-et-Meuse...
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Françoise Seligmann, la combattante indignée
Adresse : collège Françoise Seligmann, 21, rue de Sambre-et-Meuse.
Résistante, journaliste, femme politique, Françoise Seligmann, s’est illustrée toute sa vie dans le combat contre toute forme d’inégalité, d’injustice et d’aliénation.
Née à Marseille en 1919, Françoise Seligmann entre dans la Résistance dès 1941, organisant un circuit d’évasion pour des enfants juifs, des résistants ou des réfugiés politiques, et participant à des missions de renseignement et à des actions de commando. Après une collaboration avec l’équipe du journal Combat en août 1944, elle fonde et dirige en 1946 l’hebdomadaire féministe La Française.
Adhérente dès 1949 de la Ligue des Droits de l’Homme, dont elle sera vice-présidente de 1970 à 1994, Françoise Seligmann est également très engagée dans la vie politique, exerçant elle-même un mandat de sénatrice de 1992 à 1995. En 2006, elle crée la Fondation Seligmann, dédiée au vivre ensemble, à la lutte contre le racisme et le communautarisme. Elle s’éteint en 2013, à l’âge de 93 ans.
Pour poursuivre le parcours, tournez à droite dans la rue Jean et Marie Moinon...
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Marie Moinon, la Résistante oubliée
Adresse : rue Jean et Marie Moinon.
Marie Tible épouse à Paris Jean Moinon avec qui elle tient un café-restaurant au 19, rue du Buisson-Saint-Louis, dans le 10 e arrondissement. C’est là qu’ils entrent en résistance , leur établissement servant de boîte aux lettres aux lettres clandestine. C’est là aussi qu’ils sont arrêtés par la Gestapo, le 22 janvier 1944. Déportés et envoyés dans les camps, lui à Neuengamme, elle à Ravensbrück, ils n'en reviendront pas.
En juin 1946, la rue prend le nom de Jean Moinon, en même temps que sont baptisées de noms de Résistants d'autres rues du 10 e arrondissement : Jacques Louvel-Tessier, Jean Poulmarch, Lucien Sampaix, Robert Blache et Yves Toudic.
Il faut attendre 2012, pour que le nom de Marie rejoigne celui de son mari sur la plaque commémorative. Jean et Marie Moinon ont été unis dans la vie, dans le combat de la Résistance et dans la mort ; il était légitime qu'ils soient aussi réunis dans le nom de cette rue qui rend hommage à leur courage et à leur engagement.
Des combattantes, ailleurs dans Paris
Des combattantes, il n'y en a pas que dans le 10e arrondissement de Paris : cliquez sur les images ci-dessous pour accéder à la cartographie générale.
Anna Politovskaïa (12e), Paule Minck (20e)
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