PARCOURS MÉMORI.ELLES

Les républicaines du 11e

Adulées et célébrées ou au contraire méconnues et oubliées, voire occultées, les femmes ont marqué notre histoire sans toujours avoir leur juste place dans notre mémoire. Une mémoire qui parsème pourtant les rues de Paris.

À travers un itinéraire dans le 11 e  arrondissement, la Ville de Paris vous propose de découvrir les destins d’une dizaine de femmes : les républicaines du 11 e .

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Hubertine Auclert 

Adresse : place Hubertine Auclert

Née le 10 avril 1848 à Saint-Priest-en-Murat (Allier) dans une famille républicaine, orpheline, Hubertine Auclert s’installe à Paris à l’âge de 22 ans et s’y engage dans l’action politique en s’inspirant des mouvements prolétaires. Elle fonde en 1876 la société Le droit des femmes qui deviendra Le suffrage des femmes en 1883. Elle participe à plusieurs congrès ouvriers où elle réclame l’égalité entre les hommes et les femmes, et gagne en notoriété. Elle place la conquête du suffrage au cœur de son engagement féministe, quand d’autres militantes privilégient l’égalité civile.

Au travers du journal La Citoyenne qu’elle fonde en 1882, elle lance de nombreuses actions militantes : refus de l’impôt, du recensement, pétition à la Chambre, démarche d’inscription sur les listes électorales…Elle mène aussi campagne pour le contrat de mariage avec séparation des biens et partage des salaires, combat pour lequel elle n’hésite pas, avec d’autres militantes, à perturber des cérémonies de mariage, notamment au moment de la lecture de l'article affirmant que la femme doit "soumission et obéissance" à son époux.

En 1888, Hubertine Auclert s’établit pour quatre ans, avec son mari, Antoine Levrier, en Algérie. Là-bas, elle s’intéresse à la condition des femmes algériennes. De retour à Paris, elle est contrainte de mettre un terme à l'expérience de La Citoyenne, pour des raisons financières mais elle ne renonce pas pour autant aux combats féministes. Elle milite notamment pour un travail de mémoire en faveur des femmes oubliées des révolutions de 1789 et 1848 ; elle revendique également la féminisation des noms de métier et de fonction, considérant qu’il s’agit là d’un moyen efficace de promouvoir et de garantir l’égalité femmes-hommes dans toutes les sphères de la société. Décédée dans le 11e arrondissement de Paris le 8 avril 1914 – soit 30 ans avant l'obtention du droit de vote par les femmes –, Hubertine Auclert ne verra jamais l’aboutissement de ses combats.

En savoir plus

  • "Hubertine Auclert et les droits des femmes", un dossier complet sur Gallica.

 Pour poursuivre le parcours, continuez l'avenue Parmentier puis tournez à gauche rue Sedaine, puis à droite rue Popincourt. Tournez ensuite rue Breguet... 

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Louise Talbot

Adresse : jardin Augustin Avrial et Louise Talbot, 31, rue Bréguet

Ouvrière parisienne, Lucie Talbot épouse en mai 1866, Louis Avrial, ouvrier lui aussi. Ils habitent le 11e arrondissement et ont deux enfants. En juillet 1870, membre de l’Association Internationale des Travailleurs, Lucie Avrial signe le manifeste contre la guerre, adressé aux travailleurs de tous pays. Comme son mari, elle participe à la Commune de Paris, et est arrêtée en juin 1871 à Treigner, dans l’Aisne. Elle est emprisonnée à Laon puis à Paris. Elle est décédée le 19 mars 1923.

 Pour poursuivre le parcours, continuez la rue Breguet jusqu'au boulevard Richard Lenoir... 

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Claire Lacombe

Adresse : allée Claire Lacombe

Née à Pamiers (Ariège) le 4 août 1765, Claire Lacombe quitte son département natal en 1785 pour faire carrière comme actrice. Elle joue quelques temps sur les scènes de Montpellier, de Marseille ou de Lyon, avant de s’installer à Paris. Dès 1789, elle prend part à la Révolution française. Elle participe à la prise des Tuileries le 10 août 1792. En 1793, elle fonde avec Pauline Léon la Société des Citoyennes Républicaines, dont les membres sont exclusivement des femmes.

Dans la mouvance des « Enragés » (nom donné aux plus radicaux des Sans-culottes), elle est arrêtée en avril 1794 et emprisonnée pendant 16 mois. À sa sortie de prison, elle tente de renouer avec sa carrière d’actrice. Elle se produit pendant quelques mois à Nantes, avant de revenir à Paris. Elle serait morte en 1826.

En savoir plus

  • Un discours prononcé par  Claire Lacombe  à l’Assemblée nationale est numérisé sur le site numérique de la Bnf
  • L'application " Parcours Révolution " pour découvrir toute l'histoire de la Révolution.

 Pour poursuivre le parcours, continuez sur le boulevard Richard Lenoir jusqu'à l'allée Pauline Léon... 

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Pauline Léon

Adresse : allée Pauline Léon

Fille d’un artisan chocolatier, aînée de cinq enfants, Pauline Léon, est née en 1768 à Paris. La mort de son père en 1784, la contraint, à s’occuper de sa fratrie et de la chocolaterie. Présente place de la Bastille le 14 juillet 1789, elle s’engage dès lors dans le combat des Sans-culottes et participe à plusieurs grandes journées révolutionnaires parisiennes. Elle fréquente plusieurs clubs et sociétés révolutionnaires, dont la Société fraternelle des patriotes de l’un et l’autre sexe.

Elle est une ardente révolutionnaire, défendant notamment les droits des citoyennes : elle est l’auteur ou la signataire de plusieurs pétitions, dont une réclamant la constitution d’une garde nationale féminine et fonde, avec Claire Lacombe, la Société des Citoyennes Républicaines, dont les membres sont exclusivement des femmes. Proche des « Enragés », les Citoyennes républicaines organisent, outre des pétitions, des manifestations de rues ou des séances de chahut à la Constituante, revendiquent la tenue de Sans-culotte et proposent de créer des « compagnies d’amazones » armées.

Le 30 octobre 1793, les sociétés de femmes furent dissoutes par la Convention. En novembre 1793, Pauline Léon épouse Jean-Théophile Leclerc, une des figures majeures des Enragés, dont elle aura un enfant. Ils sont arrêtés au printemps 1794 à la Fère dans l’Aisne, où Leclerc était mobilisé. Après la Révolution, elle est institutrice à Paris, puis s’installe chez sa sœur à la Roche-sur-Yon où elle meurt en 1838.

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 Pour poursuivre le parcours, continuez le boulevard Richard Lenoir jusqu'au jardin May Picqueray... 

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May Picqueray

Adresse : jardin May Picqueray, 94, boulevard Richard-Lenoir

Née à Savenay (Loire-Inférieure), May Piqueray est élevée en Bretagne dans une famille modeste. Après l’obtention du certificat d’études, elle est recrutée par une institutrice pour s’occuper de son fils, épileptique. Elle suit la famille au Québec où elle fréquente le lycée de Montréal. De retour en France, elle travaille comme interprète. Elle s’installe à Paris et fait la rencontre de l’anarchiste Sébastien Faure, qu’elle considère comme son père spirituel. Son engagement libertaire la conduit à mener de très nombreux combats militants. Son premier fait d’arme est l’envoi d’un colis piégé à l’ambassade des États-Unis (1921) pour dénoncer le procès controversé et la condamnation à mort de Sacco et Vanzetti (deux anarchistes d’origine italienne exécutés en août 1927 dans le Massachusetts, aux États-Unis).

En 1922, elle est désignée par Fédération des métaux de la CGTU pour participer au 2e congrès de l’Internationale syndicale rouge à Moscou. À Moscou, elle obtient de Trotski la libération des anarchistes Mollie Steimer et Senya Fleshin, détenues par les bolchéviques, et n’hésite pas à dénoncer publiquement la situation des ouvriers russes.

À son retour, elle est arrêtée à la frontière belge pour avoir utilisé de faux papiers. Cela ne freine pas son engagement : elle recueille en France Makhno, un anarchiste ukrainien vaincu par l'armée rouge de Trotski. Pendant les premières années de guerre, dans le sud-ouest de la France, elle œuvre à l’accueil des enfants des Républicains espagnols, elle fait évader des réfugiés allemands du camp de Vernet, puis Mollie Steiner du camp de Gurs.

De retour à Paris, en 1941, comme correctrice elle travaille dans une imprimerie et y fabrique de faux papiers. Elle contribue à un réseau d’évasion de prisonniers français en Allemagne et aide des Résistants recherchés à passer la ligne de démarcation.

Après la guerre, elle travaille comme correctrice d’abord à l’Imprimerie du Croissant, puis au journal Libre Soir Express, enfin au Canard Enchaîné. Elle reste une militante très active du syndicalisme anarchiste. Elle soutient Louis Lecoin et son journal Liberté pour que soit reconnue l’objection de conscience. Ce sera chose faite en 1962. Après la mort de Lecoin, elle fonde le journal Le Réfractaire (1974) qu’elle dirige jusqu’à sa mort. Elle s’investit encore dans de nouveaux combats : contre l’agrandissement du camp du Larzac ou pour la résistance des femmes de Plogoff. Elle meurt en 1983, n’ayant jamais renoncé à se battre pour la cause anarchiste.

 Pour poursuivre le parcours, tournez à droite sur la rue Oberkampf puis à gauche sur l'avenue Parmentier. Enfin, prenez à droite la rue de la Fontaine-au-Roi... 

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Lucie Aubrac

Adresse : collège Lucie Aubrac, 62, rue de la Fontaine au Roi

Née en 1912, Lucie Bernard grandit entre la région parisienne et la Saône-et-Loire, dont ses parents sont originaires. Reçue en 1931 à l’École normale d’institutrice, Lucie renonce à ce cursus par refus de la discipline de l’École normale. Elle poursuit des études d’histoire. Engagée dans les Jeunesses communistes, elle s’inquiète de la montée du fascisme qu’elle a pu observer lors d’un voyage à Berlin à l’occasion des Jeux olympiques de 1936. Reçue à l’agrégation en 1938, elle est nommée professeur à Strasbourg, où elle rencontre Raymond Samuel (Raymond Aubrac dans la Résistance), ingénieur des Ponts, mobilisé comme officier du génie. Ils se marient en décembre 1939. Fait prisonnier en juin 1940, Raymond Samuel s’évade grâce à l’aide de sa femme fin août.

À Clermont-Ferrand, puis à Lyon, Lucie et Raymond Aubrac participent à la création d’un noyau de Résistance, la « dernière colonne », et d’un journal clandestin, Libération. Leur premier enfant, Jean-Pierre, naît en mai 1941. Lucie enseigne au lycée Édouard Quinet de Lyon. Au sein du mouvement Libération-Sud, elle contribue au journal, fabrique de faux papiers, aide des clandestins à passer la ligne de démarcation, organise des évasions. Raymond est arrêté deux fois, la deuxième à Caluire, le 21 juin 1943, en même temps que Jean Moulin. Il est condamné à mort. Mais Lucie organise alors une opération militaire avec un commando de résistants, le 21 octobre, qui lui permet de s’échapper, lors d’un transfert, avec treize autres résistants. Lucie et Raymond Aubrac doivent alors quitter Lyon et errer de planque en planque, avant de pouvoir gagner l’Angleterre. Ils parviennent à Londres le 8 février 1944, quatre jours avant la naissance de leur deuxième enfant, Catherine.

À la Libération, Lucie siège à l’Assemblée consultative et participe au jury de la Haute cour de justice du procès Pétain. En 1946, naît le troisième enfant du couple, Élisabeth. Lucie Aubrac reprend son métier de professeur d’histoire, sans renoncer à son engagement militant à la Ligue des droits de l’Homme ou à Amnesty international. À la retraite, elle témoigne inlassablement, dans des établissements scolaires ou dans les médias, de son engagement dans la Résistance et pour ses valeurs. Elle est l’auteur d’Ils partiront dans l’ivresse paru en 1984. Elle est décédée le 14 mars 2007.


Des républicaines, ailleurs dans Paris

Des républicaines, il n'y en a pas que dans le 11e arrondissement de Paris : cliquez sur les images ci-dessous pour accéder à la cartographie générale.

Martha Desrumeaux (12e), Louise Weiss (13e)


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